Abomination de Dunwich (l') Vol.1 - Manga

Abomination de Dunwich (l') Vol.1 : Critiques

Dunwitch no Kai

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 21 Décembre 2023

Chronique 2 :


En septembre dernier, la superbe collection "Les chefs-d'oeuvre de Lovecraft" des éditions Ki-oon a fait son retour avec la publication du premier volume de l'adaptation, toujours par Gou Tanabe bien sûr, de l'un des plus réputés écrits de l'écrivain américain: L'Abomination de Dunwich. Ecrite par Lovecraft en 1928, et publiée pour la première fois en avril 1929 dans le magazine Weird Tales après quelques réticences de l'éditeur qui trouvait lui-même l'histoire trop diabolique, cette nouvelle fut à la fois l'une de celles les mieux accueillies du vivant de l'auteur (la majorité des critiques furent positives, et elle permit au romancier d'obtenir l'une de ses meilleures paies, et l'écrivain lui-même en était très fier), et l'une des pièces les plus importantes du Mythe de Cthulhu aux côtés de L'Appel de Cthulhu et du Cauchemar d'Innsmouth, en invoquant des lieux et figures centrales du mythe comme Yog-Sothoth, le Necronomicon ou encore la ville d'Arkham avec son université Miskatonic. D'ailleurs, Gou Tanabe lui-même ne s'est pas trompé dans l'importance de cet écrit dans la carrière de Lovecraft: la nouvelle a beau rester relativement courte, il a décidé de bien prendre son temps pour la mettre en images puisque son manga, initialement prépublié au Japon entre octobre 2021 et début 2023 dans le magazine Comic Beam d'Enterbain/Kadokawa, totalise trois volumes, ce qui en fait à ce jour la deuxième plus longue adaptation de cette collection après Les Montagnes Hallucinées (qui a été édité en deux tomes doubles en France, mais qui compte initialement 4 volumes dans son pays d'origine).

Dans ce premier volume, Tanabe nous immisce directement en 1913 à Dunwich, village isolé et en déliquescence situé au fin fond de la Nouvelle-Angleterre (à l'extrême nord-est des Etats-Unis, donc), où un étrange phénomène semble avoir eu lieu, d'après les ragots des habitants: Lavinia, l'inquiétante fille du vieux Whateley, vient de mettre au monde un enfant. Or, Lavinia n'a pas de mari, et personne n'imaginerait un homme capable de fricoter avec cette femme à la sinistre réputation de sorcière, d'autant plus que la famille Whateley est elle-même isolé, mise à l'écart et mal vue au sein de ce village dégénéré. Le mystère sur l'origine de l'enfant est alors complet, plus encore après les paroles étranges et peu compréhensibles adressées par le vieux Whateley à l'égard des autres habitants...

Puis après cette introduction, on suit, en 1923, le périple d'un homme pour arriver jusqu'à ce village où pourtant personne ne se rend habituellement. Quel est son but ? Henry Armitage, puisque c'est son nom, est le bibliothécaire principal de l'université de Miskatonic, et a décidé de venir à la rencontre de Wilbur Whateley après avoir échangé avec lui sur son profond désir de mettre la main sur un livre de magie noire en particulier. Tout au long de son parcours qui dure plusieurs dizaines de pages, Gou Tanabe s'applique impeccablement à distiller, dans des visuels que l'on se plaît à se scruter de près, nombre de détails qui ne sont absolument pas normaux, et qui peuvent susciter un sentiment d'étrangeté voire d'effroi: un mont où se trouve un agencement de très vieilles pierres dont l'origine exacte reste incertaine, des masses de grenouilles-taureaux, des vaches ayant des sortes d'incisions étranges... Une fois arrivé au village, les habitants à qui il demande sa route lui font bien comprendre que personne, habituellement, n'a envie de s'approcher des Whateley. Et une fois arrivé à la ferme de ceux-ci, le sentiment d'inquiétude perdure : la bâtisse semble délabrée, il s'en dégage une puanteur insoutenable, des bruits étranges se font entendre à l'étage qui semble pourtant quasiment condamné... et surtout, il a la surprise de découvrir que Wilbur Whateley, son correspondant, est un enfant d'à peine dix ans, dont l'allure légèrement bestiale a de quoi mettre mal à l'aise, qui grandit anormalement vite pour son âge, et qui est bien trop intelligent pour un gosse de cet âge n'ayant reçu aucune éducation...

Tout ceci occupe environ la moitié de ce premier tome d'un petit peu plus de 200 pages, et il ne s'agit vraiment que de l'introduction du récit. Quand on disait plus haut que Gou Tanabe souhaite prendre son temps, on ne mentait pas, tant, ici, il a à coeur de travailler à fond l'ambiance inquiétante et anormale dès le début, et c'est réellement pour le meilleur: au gré des brèves observations d'Armitage, des dires des habitants, des visuels très riches nous incitant à y scruter de plus près les éléments bizarres, des paysages en pleines pages ou en double-pages formant de véritables cadres/tableaux malsains, et de la dégaine peu rassurante des Whateley, le mangaka nous fait ressentir, en permanence, que beaucoup de choses clochent autour de ce village maudit et de cette famille. Et c'est un sentiment qui va évidemment perdurer dans la suite du tome, au fil de certains témoignages jouant sur différentes époques (allant jusqu'à la jeunesse du grand-père Whateley), accentuant toujours l'atmosphère glauque via plein de détails (les possibles rites ayant lieu sur le mont, des collines qui résonnent comme si elles appelaient quelqu'un, des chiens attaquant Wilbur avec peur et hargne en le voyant, un langage inconnu que l'enfant se met à parler, les présages du vieux Whateley sur sa propre mort, la peur de Lavinia face à son propre enfant qu'elle ne comprend pas...), et soulevant diverses questions et hypothèses auxquelles aucune réponse n'est apportée pour le moment (ce qui, évidemment, renforce un sentiment de crainte face à ce qui semble impossible à expliquer).

Avec ce tome, Gou Tanabe effectue alors de véritables prouesses en termes d'ambiance et d'atmosphère, pour véritablement nous imprégner de la part malsaine, sinistre et poisseuse d'une histoire où, pourtant le pire (et donc le meilleur) reste à venir. Une merveille de mise en place, servie dans l'habituelle qualité éditoriale de cette collection: grand format, superbe couverture à effet cuir qui fait bien ressortir le côté malsain de l'illustration, pages en couleurs au début avec une brève présentation de la nouvelle d'origine, papier bien épais, souple et opaque permettant une excellente impression, lettrage soigné, et très bonne traduction de la part de Sylvain Chollet (notamment pour souligner les tics de langage des habitants de ce villages très reculé).



Chronique 1 :


Et de 10! Avec ce premier tome sur trois composant l'adaptation de "L'abomination de Dunwich", nous en sommes au dixième tome de la collection "Des chefs d’œuvre de Lovecraft" par Gou Tanabe! Dix tomes d'une indéniable qualité où l'horreur et le fascinant se trouve à chaque page!
On a pu redouter que "Le molosse" soit la dernière adaptation à nous parvenir, mais ce ne sera bien heureusement pas le cas...on accueille donc cet ouvrage avec grand plaisir!
Je ne vous ferai pas l'affront de revenir sur Lovecraft, auteur incroyable ayant publié tant de nouvelles d'une si grande richesse, pas plus que je ne reviendrai sur Gou Tanabe, lui aussi possédant un talent incroyable et parvenant à mettre la scène l’improbable de façon magistrale!
Si le tome précédent se composait de trois nouvelles courtes (mais passionnantes), ici Tanabe s'attaque à l'une des pierres angulaires de la mythologie de Lovecraft avec l'Abomination de Dunwich, un de ses récits les plus incroyables, qui sera donc ici adapté en trois tomes, une première pour la collection. "Les montagnes Hallucinées" par exemple comptait quatre volumes en VO mais adapté en deux assez épais en VF...
Est ce que cette adaptation comprendra les trois tomes ou seront ils rassemblés en deux? Je ne sais pas, bien qu'il me semble qu'on soit déjà pas mal avancé sur le récit à l'issue de ce premier opus...bref!

Ici, comme on nous l'expose dans le commentaire au début du tome, on va retrouver tout ce qui a fait des œuvres de Lovecraft des classiques de l'horreur et du fantastique, comme le necronomicon ou sa mythologie des Grands Anciens!

Dunwich est un petit village perdu dans la campagne Américaine, un village vieillissant, presque isolé du reste du monde où ses habitants sont superstitieux et peu accueillants! Ce village est aussi connu pour les cercles de pierres trônant au sommet de sa plus haute colline qui ont été le fait de rituels de magies noires.
La famille Whateley vit recluse au sein de ce village déjà lui même reculé...mais un beau jour la rumeur court que la fille du patriarche a donné naissance à un enfant d'un père inconnu...et cet enfant va être au centre de toutes les discussions! Il possède un teint étrange, il grandit anormalement vite et se montre bien trop intelligent pour un enfant sans éducation...
Le professeur Armitage, de la célèbre université Miskatonic, entretien une relation avec un certain Wilbur Whateley et décide de venir le rencontrer à Dunwich...il réalise alors que le génie avec lequel il s'entretenait et qui semblait s'intéresser à la magie obscur n'est autre qu'un enfant de 10 ans possédant une apparence bien étrange.
Les rumeurs vont bon train, et les personnes témoignant d'étranges visions se multiplient...

Quel plaisir de replonger une nouvelle fois dans une adaptation de Lovecraft par Gou Tanabe, cela manquait clairement! Et quel plaisir qui plus est de lire cette adaptation en particulier, qui est l'une des plus connues et des plus appréciées.
Pour commencer son récit, Gou Tanabe triche quelque peu, car pour mieux nous faire rentrer dans l'univers de cette nouvelle, il appose deux pages écrites par Lovecraft, deux pages tenant lieu d'exposition, cela lui permet de ne pas perdre du temps à la mettre lui même en scène, Tanabe préférant sans doute se concentrer sur bien d'autres points.

Ce qui pourrait perturber avec ce récit c'est qu'il semble quelque peu décousu... On a l'habitude d'un narrateur qui nous raconte ce qu'il vit ou ce qu'il a vécu avec du recul, mais la plupart du temps cela suit une certaine chronologie, une certaine linéarité...ici tout va nous être rapporté par le biais de différents récits venant de plusieurs personnes et qui ne vont pas forcément raconter leurs histoires dans un ordre chronologique.
Ainsi la première fois qu'on découvre l'étrange et inquiétant Wilbur, c'est un petit garçon de 10 ans...mais ensuite on va nous raconter un événement lorsqu'il avait trois ans, puis on va revenir sur sa naissance, puis le retrouver à 8 ans puis à 1 an...
Pour autant tout reste compréhensible, du moins pour ce qu'on nous donne à comprendre...car de sa première à sa dernière page, bien des mystères demeurent dans ce tome. On sait que quelque chose n'est pas normal, on sait que nous sommes sans doute face à des rituels infâmes et impies, que la naissance de Wilbur n'est pas anodine et certainement pas normale, tout comme son développement...mais on ne sais pas à quoi cela tient...on peut cependant le deviner quand on connaît l'univers de Lovecraft; ou tout simplement qu'on a lu la nouvelle... et étant mon cas, je peux vous assurer que ce qui nous attend dans la suite du récit est bien plus horrible que ce qu'on attendre ce ce premier opus malgré l'inquiétante étrangeté qui s'en dégage!

Ce récit est absolument passionnant d'une part grâce au ton malsain qui s'en dégage, et ce malgré le fait qu'on pourrait avoir le sentiment que rien ne se passe réellement, car rien ne nous sera dévoilé ici, mais aussi justement grâce à ce sentiment d'étrangeté qui à aucun moment ne va nous quitter...on sait que rien ne va, mais on est incapable de l'expliquer...

Une nouvelle fois il faut saluer la travail de Gou Tanabe qui réalise l'impossible en adaptant un récit de Lovecraft, c'est toujours un tour de force. Pour ma part en lisant la nouvelle je ne m'étais pas forcément imaginé les choses comme ça, et c'est donc aussi une façon de redécouvrir l’œuvre de Lovecraft.

Une nouvelle pépite, un nouvel incontournable!


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Erkael
17.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs