Vagabond - Water jp Vol.0 : Critiques

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 12 Septembre 2012

Takehiko Inoue est un des mangaka les plus célèbres dans le monde. Auteur de Slam Dunk, dont les ventes mondiales côtoient celles de Dragon Ball, ainsi que de Vagabond et de Real, il se distingue plus largement comme artiste à part entière, faisant de nombreuses expositions, travaillant ponctuellement sur certaines publicités, et tentant d'imposer auprès du jeune public sa première passion, le basket.

Chaque dessin de Inoue étant une merveille pour les rétines, le mangaka s'est évidemment lancé dans la conception d'artbooks, reprenant des illustrations de ses œuvres. L'un de ces artbooks, consacré à « Vagabond », et intitulé « Sumi » (« encre » en japonais), regroupe exclusivement des illustrations en noir et blanc. Pour rappel, Vagabond reprend la légende de Musashi Miyamoto, sabreur excellent en quête de perfection et de spiritualité dans le Japon de l'époque Edo, au XVII° siècle. Afin de compléter idéalement ce premier ouvrage, quoi de mieux qu'un autre recueil contenant des illustrations en couleurs : c'est ce que propose « Water ». Un petit tour au musée sans bouger de votre lit, ça vous dit ?

Comme vu précédemment, Takehiko Inoue n'est pas n'importe qui. Connu pour faire de nombreuses expositions et entretenant des liens avec le Ministère de la culture japonais, ses illustrations n'ont rien à envier à celles d'artistes peintres. « Water » ne fait que confirmer l'immense talent d'Inoue, qui pour beaucoup, demeure le meilleur dessinateur japonais à l'heure actuelle.

Dans « Sumi », le noir et blanc prédomine et l'encre de Chine est partout. Dans « Water », ce sont les couleurs qui font la loi. Inoue utilise plusieurs techniques : en majorité, l'auteur propose de la peinture à l'eau et des aquarelles, mais varie parfois avec quelques techniques mêlées (peinture + crayonnés). Inoue entremêle les styles. Si certaines pages témoignent d'un style sophistiqué (décors ou vêtements traditionnels extrêmement fouillés), d'autres pages plus minimalistes se glissent çà et là, où ne figurent que de petits papillons, lézards ou fleurs. Cette mise en page est tout à fait judicieuse, permettant d'instaurer des « moments de calme » entre les différentes illustrations à tomber à la renverse. La peau, les cheveux, la barbe, les expressions des visages, les sentiments transparaissant à travers les yeux, les couleurs utilisées, tout n'est que réussite totale.

Des techniques mêlées interviennent à partir de la page 72, mais ce sont bien les planches exclusivement à la peinture à l'eau qui constituent l'essentiel de « Water » et sont les plus réussies. On retiendra particulièrement une illustration dans les tons ocre/rouille sur ambiance de maison enflammée, ou encore un combat entre Musashi et Baiken Shishido mélangeant couleurs froides et chaudes (la nuance gris-orange est phénoménale)... et tant d'autres ! Inoue est extrêmement généreux en proposant des illustrations qui montrent tout ce qu'il sait faire : personnage géant sur deux pages avec angle de vue en contre-plongée, paysages gigantesques, habitat, vêtements, armes... Le mangaka maîtrise tout à la perfection.

Plus encore, Inoue mélange des illustrations classiques à d'autres plus originales. Ainsi, des paysages monochromes, des combats sanglants aux perspectives incroyables, des personnages en kimonos, se retrouvent dans le même recueil que des planches plus improbables : cheveux bariolés, billes multicolores contenant différents types d'expressions de la mère de Matahachi, visages de personnages sur fond uniforme... Entre les pages 112 et 117, vous trouverez même quelques personnages de Vagabond habillés dans des vêtements actuels. Anecdotique mais plaisant.

Notons que les illustrations reprises sur cartes postales lors de la réédition du premier tome de Vagabond par Tonkam (édition 15ème anniversaire de l'éditeur) sont issues de cet artbook. Voir ces illustrations en format plus grand ne peut qu'être profitable... et ne vous inquiétez pas, car les illustrations sur ces cartes reprenaient clairement pas les planches les plus impressionnantes de l'ouvrage !

Mais alors, « Water » présente-t-il des défauts ? Oui, sur deux plans.
D'abord, si le dessin d'Inoue est absolument excellent, cela n'empêche pas le mangaka de pécher par un seul et unique petit détail : les dents des personnages, qui ressemblent plus à des protège-dents qu'à du véritable ivoire. C'est bien là le seul reproche que l'on peut faire à Inoue, le reste surclassant tout ce qui se fait.
Ensuite, l'ouvrage en lui-même ne livre que trop peu d'informations sur la conception des illustrations : il y a bien une page où l'on peut voir la main du mangaka tenir un instrument (dont on n'est pas sûr que ce soit un pinceau vu qu'on n'en voit pas le bout) et faire une peinture à l'eau, mais tout ça est très insuffisant. On aurait tant apprécié avoir, ne serait-ce qu'une seule photo, du matériel utilisé par le mangaka ! Dommage.

En fin de volume, on retrouve une page expliquant le sens de deux onomatopées présentes dans des planches de l'ouvrage, ainsi qu'un lexique répertoriant la première apparition (dans les magazines de prépublications nippons généralement) des illustrations. La qualité de l'édition est encore remarquable, avec un papier extra, et une colorisation parfaite ! On ne peut que vous recommander l'achat de « Water », le rapport qualité/prix actuel (25€ une fois la conversion depuis le dollar ou le yen effectuée) étant extrêmement favorable.

Les illustrations présentes dans ce « Water » sont d'une richesse et d'une variété rarement atteinte dans les autres artbooks existants. Avec « Sumi », Takehiko Inoue nous prouve qu'il est maître du dessin à l'encre en noir et blanc. Avec « Water », il démontre qu'il est le maître des couleurs. Beaucoup de planches sont magnifiques, et mériteraient de figurer dans des musées des arts asiatiques. Vous croyez cela exagéré ? Achetez, voyez... ou plutôt, contemplez. Inoue est un artiste qui a dépassé son statut de mangaka depuis bien longtemps. Quel trait, quelles idées, quel travail, quel talent !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith
20 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs