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Le test du jeu video:

Publié le Jeudi, 25 Février 2021

Il serait peu de dire que la saga Persona a gagné en popularité ces dernières années, et tout particulièrement la dernière année. De niche jusqu'à son quatrième épisode y compris, elle a commencé à attirer l'esprit de plus en plus de curieux avec son cinquième opus, notamment grâce à sa direction artistique stylisée et une communication d'Atlus plus poussée. L'arrivée du personnage de Joker (aka le protagoniste du soft) dans Super Smash Bros a davantage mis le feu aux poudres, la licence s'attirant l'attention de nouveaux amateurs. Enfin, la sortie française de Persona 5 Royal, premier volet principal à être entièrement traduit dans la langue de Molière, a fini de sortir Persona de sa modeste zone, pour en faire une série qui a ses fans.

Alors, Persona 5 Strikers était particulièrement attendu chez nous. Initialement annoncé en 2019, lors de l'un des fameux concerts dédié à la saga, le jeu a pris pour titre japonais Persona 5 Scramble : The Phhantom Strikers. Co-développé par P-Studio et Omega-Force (sous l'égide de Koei Tecmo), le soft se présentait,  à première vue, comme un Dynasty Warriors like, comme on en connait de plus en plus (avec Hyrule Warriors pour Zelda, notamment), mais à la sauce Persona. Un fait qui, nous le verrons, sera contredit. Le teasing autour du jeu fera ensuite plus fort en présentant subtilement le jeu non pas comme un simple spin-off, mais comme une suite canonique de Persona 5 (ce qu'ont quasiment toujours été les dérivés vidéoludiques de la franchise). Sorti en février 2020 au Japon, le titre est finalement annoncé pour l'occident pour le 23 février, sous un titre simplifié : Persona 5 Strikers. A destination de la Playstation 4 mais aussi de la Switch et de Steam pour les joueurs PC, le titre fut rendu accessible quelques jours en avance, le 19 février, pour celles et ceux ayant précommandé une copie numérique.

Alors, que vaut ce "P5S" ? Les spin-off de la série ayant toujours proposé un certain degré de qualité dans leurs genres respectifs, l'action-RPG réussit-il à la licence ? La patte d'Omega Force/Koei Tecmo a-t-elle impacté l'esprit Persona 5 ? Le bilan est, en ce qui nous concerne, très positif, mais pas dénué de petits reproches.

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L'histoire : Un voyage d'été qui tourne mal

Le terme de "suite" n'est pas exagéré pour Persona 5 Strikers, puisque le jeu démarre quelques mois après le soft initial. L'aventure des Voleurs Fantômes s'est conclue au mois de mars, aussi le héros et Morgana font leur retour à Tokyo lors des vacances d'été, pour profiter d'un petit mois de vacances avec leurs amis si chers. Un répit amplement mérité après une année riche en péripéties, durant laquelle les Voleurs Fantômes ont purgé l'esprit de criminels et, accessoirement, sauvé le monde du cataclysme en annihilant un dieu né de l'inconscient collectif, Yaldabaoth. Rien que ça.

Le mois d'août s'annonce radieux, et notre fine équipe prévoit un voyage dépaysant. L'heure est donc aux préparatifs, et c'est là que la situation va mal tourner. Le héros, Ryûji et Morgana remarquent, à Shibuya, la présence d'Alice, une idole largement en vogue. Lorsqu'ils gagnent le droit d'être ajoutés dans la liste de contact de la starlette sur EMMA, une nouvelle application populaire, ils atterrissent dans un autre monde né de la psyché humaine. Le métavers était censé avoir disparu, et c'est un autre univers cognitif qui a pris sa place. Dans ces lieux, les Ombres d'individus peu scrupuleux que sont les Monarques de Prison règnent, et les Voleurs Fantômes y sont traités en criminels. Un mystère qui relance l'activité de nos bandits, déterminés à connaître le fin mot de l'histoire.
Dès le début de leur périple, ils font la connaissance de Sophia, une intelligence artificielle trouvée dans les profondeurs de la Prison d'Alice. Et en parallèle, un policier affilié à la sécurité publique guette les faits et gestes de nos héros : Zenkichi Hasegawa.

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Dans ses grandes lignes, le scénario de Persona 5 Strikers est à l'image de l'ensemble du jeu : L'idée est de parler aux fans du cinquième opus, quitte à reprendre plus ou moins ses codes et sa structure narrative. Bien que les schémas des épisodes 3, 4 et 5 présentent certaines similarités, la démarche pour Strikers est flagrante. Aussi, il sera question de nouvelles métanoïas, en remplaçant les Palais par des Prisons, et de retournements de situation assez similaires. Plus la trame progressera, et plus la sensation d'avoir affaire à un P5 bis se fera sentir, y compris lors de son final. On aurait préféré être davantage dépaysé, sans parler des ficelles qu'on voir ainsi venir à des kilomètres. Pourtant, cela n'empêche pas le titre d'avoir ses petites fulgurances d'écriture.

Car malgré la volonté de coller au mieux à l'intrigue originale (sans jamais créer de vrais liens, seuls quelques échos sont parfois proférés), on apprécie tout ce qui est tenté d'original. En premier lieu, les deux nouveaux personnages que sont Zenkichi et Sophia apportent beaucoup de nouveauté, de l'émotion et de l'humanité. Concernant le policier de la sécurité publique (dont le rôle est largement spoilé dans le générique du jeu), on mettra de côté un arc très similaire à celui de Ryôtarô Dôjima de Persona 4, pour apprécier un personnage charismatique aux dilemmes forts, et profitant d'une jolie alchimie avec les Voleurs Fantômes.

Aussi, chaque arc viendra apporter de micro discours répondant au Persona 5 originel, ou le complétant. Les histoires des Monarques feront par exemple échos aux enjeux rencontrés par certains membre de la troupe de voleur, créant un lien subtil entre les deux épisodes. Dans Strikers, il sera aussi question d'un discours positif sur l'intelligence artificielle et une autre facette miroir à celle du libre-arbitre de P5 : Les désirs personnels. D'autres belles idées viennent compléter l'ensemble, notamment une légère remise en question des actions des Voleurs Fantômes qui viennent peindre une ambiguïté appréciable, même si tout ceci reste au final peu exploité. En réalité, il aurait fallu un jeu plus long et complet pour dresser en détail toutes ces thématiques, ce qui aurait permis à Strikers d'éviter le piège de la suite scénaristique qui se répète.

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Le gameplay : Persona et action-RPG font bon ménage ?

La question du gameplay de Strikers est parfaitement légitime. D'un RPG au tour par tour misant énormément sur la stratégie et les combinaisons de personae, nous passons à un action-RPG impliquant une dimension plus nerveuse et batailleuse. Des choix d'adaptation ont donc dû être fait par Atlus et Koei Tecmo afin de garder l'essence Persona tout en la transposant, afin d'aboutir à un gameplay prenant et immersif. Et avant même de parler de la réussite ou non, c'est davantage un résultat évident qu'il faut relever : Persona 5 Strikers n'est pas un Warriors. Car si le jeu propose de nombreuses batailles contres des hordes d'ennemis, celles-ci ne sont pas perpétuellement présente. Le soft ne se limite d'ailleurs pas à ses batailles, et n'inclue même pas les habituelles conquêtes de terrains ennemis des Warriors.

Tout comme dans les opus principaux de la série, les aventures seront des explorations de donjons plus que des maps qui se succèdent. Au nombre de huit, ces Prisons gardent un esprit purement P5, misant sur des micro énigmes (jamais bien compliquées tant le jeu nous aiguille à chaque minute) et une progression qui s'appuiera sans cesse sur le scénario de l'arc en cours, impliquant parfois des allers et retours forcés dans le vrai monde. De l'impulsion de la conquête d'un terrain ennemi, on passe à de l'exploration minutieuse, soit tout ce qu'est Persona en temps normal. Des voyages dans des univers cognitifs pourtant moins percutant par rapport au titre d'origine, la faute à des mécaniques des environnements très ordinaires, et un un rendu graphique bien en deçà du P5 que l'on connait. On appréciera néanmoins (surtout eu deuxième partie de jeu) des mécaniques qui se renouvelles, et pas mal de bonnes idées supplémentaires pour donner un nouveau souffle à l'action.

Mais à côté de ça, le gameplay proposé lors des moments de combat sait jouer d'une balance équilibrée. L'idée est de dessouder des armées d'ennemis dès lors qu'une embuscade sera réussie ou échouée, les coups d'armes se superposant aux attaques de personae via des combo simples ou des utilisations manuelles des compétences des entités. La gestion des SP, si précieux, est de nouveau très importante, tandis que les adversaires n'auront pas grand mal à vider les jauges de vies. Autrement dit, l'utilisation d'objets de soin est plus importante que jamais, aussi négliger cet aspect reviendra, à certains moment, à se mettre dans une impasse.
La barrière à tout ce gameplay vient en réalité de son amorce. Dès le départ, les mécaniques nous sont imposées dans un tutoriel assez agressif, aussi il faut un certain temps pour assimiler l'ensemble. Il n'y a donc pas à rougir de défaites répétées au départ, tout étant question de familiarité avec ces mécaniques de jeu nouvelles, l’importance des relais d'un personnage à l'autre, et la gestion des points de vie et de magie. Sans oublier l'utilisation des environnements, les fameux Assauts fantômes très importants pour infliger davantage de dommage. Tant de subtilités qui doivent être acquise tant les boss et sous-boss se montreront impitoyables. Ne croyez pas que bouriner un adversaire puissant peut passer, il en faudra bien plus pour aller au bout de ce Strikers.


Une dimension sociale en demi-teinte ?

Depuis son troisième épisode, Persona est une série qui mise sur les interactions sociales et l'agenda lycéen que le joueur peut agencer à sa guise, soit pour explorer les donjons, soit pour nouer de solides amitiés. De par la formule de Strikers, de par son rôle de suite et de par sa situation chronologique limitée sur le temps d'un petit mois, toute cette dimension devenait difficilement exécutable. Là aussi, il a fallu adapter et ne pas simplement mettre cet aspect sur la touche. Aussi il se compose en deux points : Les scénettes obligatoires, et les événements que le joueur doit développer seul.

Car comme pour les épisodes initiaux, deux grands arcs seront séparés par de nombreuses phases de dialogues et des cinématiques qui aident au développement du scénario, tout en croquant l'atmosphère qui règne entre les Voleurs Fantômes. La dimension sociale passe par des petits moments anodins mais toujours croustillant si on aime l'alchimie entre les personnages. L'idée était sans doute de permettre au joueur de retrouver le casting comme de vieux amis, à l'instar du héros, un pari honoré en ce sens.

A côté, la possibilité est laissée d'entretenir des liens, principalement à travers des quêtes facultatives. Ces quêtes ne sont pas à sous estimer tant elles peuvent jouer un rôle dans l'aventure, comme débloquer des objets indispensables dans la boutique. Celles qui concernent la fine équipe sont au second plan mais aboutissent à de nouveaux échanges agréables, parfois même en faisant écho aux événements en cours. Et plus globalement, une jauge se remplira automatiquement au fil de l'histoire mais aussi via vos actions personnelles, celle-ci donnant des points pour débloquer des bonus et facultés parfois obligatoires pour l'exploration complète d'une Prison.
En somme, un ensemble sympathique, même si ça ne peut remplacer toute l'immersion de l'épisode principal, si généreux et solennel dans le traitement de vos camarades. A l'instar de ce qu'est le jeu, ces interactions sont du bonus pur, et un cadeau fait au fan. Une sorte d'apéritif qu'on apprécie d'avoir, même s'il n'apporte rien à notre bedaine.

La technique : Une bande-son aux petits oignons, mais des graphismes en deçà


Un épisode de Persona, y compris un spin-off, se doit mettre à une part de la composition ses deux musiciens fétiches : Shôji Meguro et Atsushi Kitajô. Ces derniers sont en effet derrière la piste sonore principale de ce P5S, en arrangeant certains thèmes phares de l'opus d'origine ou en développant de nouvelles mélodies et chansons. Des ajouts bienvenus et totalement dans l'esprit du cinquième épisode, et ce ne sont pas les pistes chantées qui prouveront le contraire. Lyn la vocaliste du cinquième opus, pousse de nouveau la voix sur des compositions qui savent mêler son chant très "soul" à des pistes endiablées, épiques et nerveuse. Tout comme pour Royal, chaque chanson supplémentaire est un régal. A ce titre, on apprécie particulièrement le bonus proposé, une application faisant office de "disque supplémentaire" pour offrir (à moindre coût, certes) l'artbook, la bande-originale et un excellent making-of sur la création de deux des nouvelles chansons. Un documentaire de plus d'une heure qui vient cristalliser tout le processus créatif autour des pistes lyriques de la licence, l'une de ses caractéristiques sonores majeures.

Pourtant, il y a bien des pistes qui semblent sortir d'une autre licence, des mélodies qu'on n'associerait jamais à du Persona, comme les thèmes de certaines Prisons. A juste titre puisque Koei Tecmo a placé certains de ses compositeurs tels que Gota Masuoka et Ayana Hira sur une partie de la soundtrack. Les impressions seront alors selon : Le contraste est évident, mais ces mélodies servent très bien les ambiances du jeu, sans jamais être désagréables qui plus est. Un peu classiques, mais pas dérangeantes à l'oreille.

Mais la technique du jeu est surtout entachée par un aspect graphique qui semble en retard. Malgré une direction artistique conforme à celle de Persona 5, le moteur graphique est beaucoup plus faiblard. L'impression a surtout lieu dans les donjons qui sonnent un peu vides et bateau, la puissance graphique n'aidant donc pas. Sans doute que l'existence du soft sur Switch explique cette lacune, le jeu ne devant pas être trop solide puis coller à l'hybride de Nintendo. Reste que le constat est là, et que Persona 5 Strikers ne brille certainement pas pour sa portée visuelle.

Concluons néanmoins cette dernière partie principale par une belle note : Le jeu est de nouveau traduit en français (de même pour les bonus vidéos, ce qu'il faut souligner), tandis que les pistes vocales japonaises et américaines sont proposées. Persona ayant un fort rapport avec ses comédiens anglophones, cette présence a de quoi ravir, d'autant plus que les acteurs vocaux ont suffisamment entretenu leurs personnages depuis 2017 pour proposer une vraie alchimie dans leurs interprétations.

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Bilan positif, ou opus mitigé ?

Il est évident qu'un fan acharné de Persona 5 qui parcourt Persona 5 Strikers ne pourra s'empêcher de tiquer sur quelques défauts, que ce soit dans la manière d'écrire la suite de l'histoire d'origine ou dans l'adaptation des mécaniques principales du soft initial. Pourtant, si on aime relever ces petits points noirs, Strikers n'en reste pas moins un très bon jeu, et un spin-off particulièrement convaincant. La sauce action-RPG prend totalement, l'aventure est immersive, le challenge bien précis, et le contenu suffisament généreux pour pousser à une seconde partie, intégrale, dans laquelle on accomplira toutes les quêtes pous débloquer un maximum de bonus, et ainsi apprécier la puissance accumulée. On n'en demandait pas plus pour un dérivé de Persona, aussi on saluera la combinaison entre Atlus et Koei Tecmo, avec l'espoir de voir un nouvel épisode être proposé ultérieurement. Un peu plus de prise de risque scénaristique ainsi qu'un petit effort graphique, et l'expérience sera aux petits oignons !

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Chroniqueur: Takato


Note de la rédaction
Note des lecteurs