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Le test du jeu video:

Publié le Mercredi, 28 Mars 2012


Sorti sur Psone en septembre 1998 au Japon et en février 1999 en Europe, Metal Gear Solid, dit « MGS », fait suite à Metal Gear sorti en 1987 sur MSX2, NES et Commodore64, et Metal Gear 2 : Solid Snake sorti sur MSX2 en 1990. Metal Gear Solid a eu un impact considérable sur le jeu vidéo, et ce dans plusieurs sens. Il est aujourd'hui cité comme l'un des jeux ayant le plus contribué à l'évolution du média. Créé par Hideo Kojima, désormais célèbre, mais qui était à la fin des années 1990 beaucoup plus discret, MGS a en premier lieu replacé le scénario, la narration, la mise en scène, comme fondamentaux du jeu vidéo. Il a en second lieu mis en exergue l'importance du gameplay, MGS étant un jeu d'infiltration particulièrement innovant à l'époque.

Tout a été dit sur le chef d'oeuvre Metal Gear Solid. Pourtant, il demeure intéressant pour nous de nous pencher dessus, car Metal Gear Solid est fortement marqué par les sous-cultures nippones, notamment les mangas et animés. Nous essaierons de mettre en évidence les nombreuses références à ces sous-cultures, tout en vous proposant un test qui puisse, en plus de rendre hommage pour ceux qui le connaissent déjà, donner envie aux autres de craquer pour ce petit bijou (rendez-vous sur le SEN pour cela). Sachez que la version Psone originale n'est pas rare ou hors de prix sur le marché de l'occasion (saisissez votre chance si vous ne possédez pas de PS3 pour le télécharger), et que le jeu a fait l'objet d'un remake intitulé Metal Gear Solid : The Twin Snakes sorti sur GameCube en 2004 par le studio Silicon Knights sur Gamecube.

Metal Gear Solid est une oeuvre uchronique qui s'inscrit dans le genre « techno-thriller » (XIII, 24 heures chrono, les produits estampillés Tom Clancy...), à savoir le développement d'une intrigue ancrée dans la géopolitique et les conflits armés, une politique-fiction catastrophe dont l'aboutissement est l'accomplissement d'actes héroïques le plus souvent individuels pour contrer les menaces militaires.

Dans le cas de MGS, l'intrigue se déroule intégralement sur l'île de Shadow Moses, une île imaginaire, mais située dans un archipel réel : l'archipel Fox (en Alaska) abritant des installations militaires. Les États-Unis d'Amérique ont établi stratégiquement sur Shadow Moses un centre de recyclage et de production d'armes nucléaires nouvelle génération. En collaboration avec le DARPA (organisme américain réel, le « Defense Advanced Research Projects Agency »), la société ArmsTech y élabore un Metal Gear, un robot-tank bipède à la pointe de la technologie capable de se déplacer sur un champ de bataille et de lancer des têtes nucléaires sur une longue distance. En février 2005 (on était donc dans de l'anticipation uchronique à l'époque de la sortie du jeu), pendant un exercice sur l'île de Shadow Moses, un groupe de soldats génétiquement modifiés, appartenant à l'unité FoxHound, commettent un attentat et prennent le contrôle de l'île. Le leader de la rébellion se nomme Liquid Snake. Il menace la Maison Blanche d'un tir nucléaire si les restes de Big Boss (le plus grand soldat du XX° siècle, ayant les mêmes gènes que Liquid) ainsi qu'un milliard de dollars ne leur sont pas remis. À la demande du secrétaire de la Défense, un ancien commandant de l'unité FoxHound, Roy Campbell, est réintégré. Il appelle Solid Snake, un soldat d'élite, spécialiste de l'infiltration et ex-membre de FoxHound, pour sauver les otages et éliminer la menace nucléaire. Solid Snake doit infiltrer le complexe de Shadow Moses, aidé à distance par Codec (une oreillette intégrée) par une équipe de spécialistes composé de Roy Campbell (colonel), Mei Ling (spécialiste en communication et base de données), Naomi Hunter (médecin et experte en génétique), Nastasha Romanenko (spécialiste en nucléaire) et Master Miller (instructeur). Vous trouvez que ça fait série B ? Vous avez le droit de le penser. Mais sachez que la mythologie Metal Gear se tient jusqu'au quatrième épisode, le seul qui en fasse vraiment trop. Tout dans ce premier épisode est crédible, cohérent, complexe, passionnant... sauf peut-être l'une des fins (car il y en a plusieurs), qui pour le coup, manque clairement de classe par rapport au reste du jeu.

Au cours de l'infiltration, vous ferez la rencontre d'autres personnages, dont deux joueront un rôle particulièrement important. Il y a d'abord Meryl Silverburgh, nièce du colonel Campbell, une « bleue », qui rejoindra Snake. Il y a ensuite Hal Emmerich, un génie scientifique, contraint par les terroristes de travailler sur le Metal Gear. Là où cela devient intéressant pour nous, c'est que Hal Emmerich possède un surnom renvoyant à l'univers de la japanimation : Otacon. Ce passionné d'animés et de mechas, ne manquant aucune « Otaku Convention » (d'où son surnom) deviendra le compagnon le plus fidèle de Solid Snake.

Et concernant les autres références à la culture nippone, le jeu de Hideo Kojima en est rempli. Parmi celles qui nous intéressent le plus :
La plupart des personnages principaux, et notamment le ninja cybernétique Gray Fox, ont été conçus par le chara-designer et mecha-designer Yoji Shinkawa. Les dessins de ce dernier interviennent très fréquemment en couverture de la presse spécialisée jeu vidéo et manga/animés. Shinkawa réalise également de nombreux artbooks.
Le personnage de Solid Snake est inspiré de Snake Plissken, personnage de fiction créé par John Carpenter et incarné par Kurt Russell dans les films New York 1997 et Los Angeles 2013. La ressemblance entre le personnage fictif et l'acteur réel sera beaucoup plus évidente dans le volet suivant.
Dans une salle des ordinateurs où l'on combat le ninja, on peut apercevoir une PlayStation sur un bureau et des posters du jeu vidéo Policenauts.
Dans certains lieux précis du jeu, si vous avez récupéré l'appareil photo, vous pouvez prendre des clichés sur lesquels apparaissent les membres de l'équipe sous forme de fantômes. Le joueur a la possibilité de les exorciser (en supprimant les visages de la photo) : sacrée référence à la culture nippone.
Et enfin, une scène culte : avant l'affrontement contre Psycho Mantis, un télépathe, celui-ci « lira les pensées du joueur » (en fait la carte mémoire) et il vous parlera de votre manière de jouer (« tu sauvegardes beaucoup ! », par exemple), des sauvegardes figurant sur votre carte mémoire etc... Il vous fera également le coup du déplacement par télépathie de votre manette : en la posant sur une surface plane, grâce à la technologie dual shock incluant les vibrations, la manette sera secouée lorsque Mantis enverra des ondes... Une scène à vivre à l'époque comme une idée révolutionnaire d'implication du joueur.

Et puisque l'on a évoqué Psycho Mantis, attardons-nous un peu plus sur ce qui constitue la richesse de MGS en plus de son gameplay et son scénario : ses personnages. Parce que les profils des soldats génétiquement modifiés de l'unité FoxHound sont quand même sacrément percutants. Parmi eux :
Liquid Snake : commandant (expert en infiltration, corps-à-corps, armes blanches, armes à feu, véhicules de combat).
Revolver Ocelot : spécialiste de l'interrogatoire sous torture et tireur hors pair. On en apprendra beaucoup plus sur l'origine de ses compétences dans Metal Gear Solid 3.
Sniper Wolf : tireur d'élite excellente. Sa patience est telle qu'elle peut rester en position de tir pendant presque une semaine sans boire ni manger. Cette obsession envers ses futures victimes fait qu'elle tombe souvent amoureuse d'elles avant de les tuer. Pour éviter de trembler, elle utilise du diazépam, dont elle est devenue dépendante. Elle a appris les techniques de tir auprès du meilleur tireur du monde, originaire d'une ethnie vivant au Népal.
Vulcan Raven : shaman géant doté d'une force physique exceptionnelle, expert en armement lourd.
Psycho Mantis : expert en télékinésie et télépathie. Tour-à-tour membre du KGB, du FBI et profiler, il a plongé trop profondément dans l'esprit d'un tueur et a été influencé par ses pensées meurtrières.
Decoy Octopus : expert en camouflage et en espionnage né au Mexique. Il est capable de modifier son visage, de prendre le même groupe sanguin que la personne qu'il imite, parle 10 langues, étudie la vie de ses victimes avant de les espionner.

Là aussi, cela vous donne un arrière-goût de série B ? Dommage, car ceci n'est qu'un résumé très bref des compétences, de la personnalité et de l'histoire des personnages. Le tour de force de l'équipe de Kojima a été de créer des personnages très travaillés, ou de réutiliser ceux déjà présents dans les premiers épisodes Metal Gear, en les intégrant dans un background où chacun d'eux apporte personnellement quelque chose à l'édifice, sans que cela jure avec les objectifs collectifs.

A ce titre, la mise en scène regorge de scènes cultes : le début et sa musique poignante, les scènes de rencontres avec les membres de FoxHound, l'ensemble des cinématiques faisant intervenir le ninja, et tant d'autres. Ce premier volet est fort d'aucune baisse de rythme, les retournements de situation se multipliant. On n'a pas le temps de souffler, mais tout est tellement logique, comme dans un bon roman Tom Clancy, que cela n'est clairement pas un défaut.


Graphismes :
Pour tout dire, Metal Gear n'était pas une machine de guerre dans ce domaine, la Psone n'ayant pas été totalement maîtrisée lors de la sortie du jeu de Konami. Néanmoins, certains effets étaient quand même impressionnants (l'eau et la neige notamment). Les décors, ancrés en majorité dans une ambiance militaire (hangars, labos...) sont froids et propres, le chara-design très inspiré, et les cut-scenes impressionnantes. Quand on vous dit que Metal Gear hissait le média jeu vidéo à un rang supérieur qui était auparavant le sien...

Bande-son :
Metal Gear est sans nul doute le premier jeu d'action à proposer quelque chose d'aussi soigné et travaillé. La mise en scène est sublimée par les musiques orchestrales (oui, oui) et les bruitages. Problème : les doublages français, complètement kitsch... C'est très simple : cela gâche beaucoup l'expérience et nuit au ton général du jeu, puisque l'on côtoie hélas très souvent la série B à cause de cela. Metal Gear en anglais a tout du techno-thriller sérieux, Metal Gear en français fait tout de suite moins classieux. Le même problème que dans beaucoup d'autres jeux finalement, à savoir que l'ambiance change du tout au tout (exemple : Final Fantasy X en japonais, sincère et touchant ; en américain, niais et traduit de façon totalement infidèle à l'histoire originale). Si vous pouvez préférer la version de MGS sur le SEN, privilégiez-la, elle est en anglais.

Durée de vie :
Le point faible du jeu en quelque sorte... 10h de jeu sont prévues, sachant que les dialogues par Codec et les cut-scenes constituent au minimum 50% de l'expérience MGS. 10h seulement certes, mais on y revient plusieurs fois pour tout réexplorer. A noter que des gros fichiers (plus de 150 pages) qui explicitent l'histoire sont présents dans les menus : ce n'est pas du jeu pur, mais cela rend l'univers foisonnant de détails. On regrettera des pics de difficulté exagérés contre les boss, même en mode facile, notamment celui de fin.

Jouabilité :
Entre innovations considérables perceptibles encore aujourd'hui (tous les mouvements propres à l'infiltration !) et maniabilité qui a vieilli, MGS est contrasté sur ce point. A l'époque, on lui pardonnait beaucoup de choses. Aujourd'hui, certains aspects frôlent l'insupportable : la maniabilité avec certaines armes (le Stinger, quelle horreur, qui gâche le boss de fin !), la strangulation par derrière qui peut se confondre avec une prise lambda, frôler les murs en maintenant à fond le bouton à s'en faire mal au doigt sans avoir la garantie qu'une fausse manip' ne gâchera pas toute notre approche. Le poids des années est là.

Scénario :
Techno-thriller travaillé, dépassant de loin 90% de ce qui se fait à Hollywood en matière de film d'action, Metal Gear est jouissif sur ce point, et pose les bases d'une grande saga.

En résumé :
Quelques errances de gameplay (maniabilité imparfaite, difficulté mal dosée), une durée de vie discutable, et des doublages français risibles, n'ont toutefois pas raison de ce qui reste un monument du jeu vidéo... Gros jeu, et début d'une grande saga.

Rogue Aerith

Note de la rédaction