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Avis sur Stranger of Paradise Final Fantasy Origin

Voq

De Voq [683 Pts], le 06 Juin 2023 à 22h45

14/20

    Le tout premier Final Fantasy possède une place particulière dans l'histoire de Squaresoft (depuis fusionné en Square Enix), et de manière générale dans celle du JRPG pour avoir initié une de ses sagas les plus populaires. Mais au-delà de ce statut particulier, quand on évoque la licence aujourd'hui, ce n'est clairement pas cet opus qui vient à l'esprit : les épisodes les plus marquants sont arrivés plus tard. Aussi, lui apporter une préquelle n'a pas suscité le même engouement qu'un projet basé sur un épisode considéré comme culte (le VII, à tout hasard). Quand en plus la première bande-annonce se fait davantage remarquer pour répéter « Chaos » à tout bout de champ que pour ce qu'elle montre du jeu, difficile d'être véritablement emballé.

    Malgré tout, un Final Fantasy orienté action, plus violent qu'à l'accoutumée, par l'équipe de développement des Ninja Gaiden, ça a de quoi rendre curieux. Pas au point de le payer plein pot dès sa sortie, mais au moins de quoi surveiller une éventuelle promo, et ne pas trop traîner à y jouer après en avoir fait l'acquisition. (Bon, d'accord, les Trails From Zero / To Azure lui sont impitoyablement passés devant ; ainsi que Ys IX, que j'ai eu à la même période ; et que le dernier Star Ocean, qui était en promo en même temps que ce Stranger Of Paradise. Mais bon, ça ne fait que quelques mois, ce n'est rien du tout à côté de certains autres jeux. World Of Final Fantasy par exemple, auquel je n'ai toujours pas joué.)

 

 

*« Lorsque les Ténèbres choiront le monde, quatre Héros de Lumière apparaîtront. »

(Quitte à revenir aux origines, j'ai recopié la citation du livret de la compilation Final Fantasy Origins sur PS1. Oui, la formulation est incorrecte. Mais je ne me rappelle plus précisément comment c'est dit dans Stranger Of Paradise.)

 

    On incarne Jack, un « Étranger » guidé par l'obsession de vaincre Chaos, le responsable des ténèbres qui enserrent le monde. Il rencontre Ash et Jed qui sont dans le même cas que lui, et ensemble, ils se font connaître de la famille royale de Cordélia comme les potentiels héros de lumière dont parle la légende, pourtant censés être quatre.

    Qu'à cela ne tienne, après avoir prouvé leur valeur, direction le Temple du Chaos, où ils comptent bien affronter le grand méchant et en finir rapidement avec cette histoire. Sauf qu'au bout du compte, ce n'est pas Chaos qu'ils affrontent, et pire ! il se pourrait bien que ce « Chaos » n'existe pas réellement, qu'il ne soit rien de plus qu'une légende, un moyen de donner de l'espoir au peuple en lui faisant croire qu'un ennemi est responsable de ses malheurs, et qu'un jour des héros parviendront à le vaincre.

    La quête n'est pourtant pas achevée pour nos guerriers, désormais accompagnés de Neon, portant leur nombre à quatre comme il se doit (bien qu'on reste limité à trois membres actifs dans l'équipe, et qu'un cinquième perso nous rejoigne un peu plus tard encore) : les cristaux des quatre éléments, répartis à travers le monde, sont étouffés par des démons et auraient besoin d'être restaurés...

 

    Tout n'est pas parfaitement clair dans ce que je viens de dire ? Ça tombe bien, tout n'est pas parfaitement clair non plus dans le jeu. En dehors des péripéties auxquelles on assiste directement au fil de l'aventure, le fond de l'histoire n'est jamais établi de façon explicite. Outre quelques bouts de cinématiques assez cryptiques, il faudra récolter et lire divers documents pour s'en faire une idée. Et même alors, pas sûr que ça suffise. Tout au long du jeu, on ne sait jamais vraiment s'il s'agit d'une préquelle à Final Fantasy ou d'une relecture du soft d'origine, et bien que la fin apporte son lot d'éclaircissements, il reste encore pas mal de zones d'ombre. À titre personnel, j'ai peut-être raté des éléments mais si j'ai bien saisi le déroulement des événements, certains aspects continuent de m'échapper (pour le détail : je n'ai toujours pas compris à quoi rimait cette histoire de réinitialisation du monde, ni ces références à divers espaces-temps, ni même pourquoi les Luféniens interféraient ainsi avec ce monde... si tant est qu'il y ait une raison).

    En plus de cela, les environnements eux-mêmes ont de quoi dérouter, à mesure qu'on les découvre : on part sur un univers typé medieval fantasy, et puis ici apparaît un gadget moderne, et là un donjon futuriste... Sur le coup, l'ensemble paraît un peu foutraque. Alors certes, on finit par avoir une justification à tous ces mélanges, mais un petit effort sur la narration nous épargnerait peut-être cette impression que tout ça est balancé de façon aléatoire.

    Ou alors, il faudrait signaler au préalable qu'une bonne connaissance de FF I est fortement recommandée. Parce que oui, beaucoup d'éléments du jeu en sont directement tirés (merci Wikipedia pour le résumé qui m'a permis de le vérifier)... mais sans chercher à resituer leur contexte. Sauf que pour ma part, FF I, je ne l'ai terminé qu'une seule fois, ça remonte à pas mal d'années, et je n'en ai gardé quasi aucun souvenir. Les héros de lumière, les cristaux des quatre éléments, à la limite la princesse enlevée par Garland au tout début du jeu, ça me parle, mais ça ne va pas plus loin, et je doute qu'en dehors des fans hardcore de la saga, beaucoup de joueurs en sachent tellement plus. Il est même plus probable que beaucoup de joueurs n'aient jamais touché au Final Fantasy original. Dans ce contexte, difficile d'apprécier le déroulement.

 

    Enfin bref. Pour résumer plus simplement : la cinématique d'intro est très cool, la fin est très cool aussi, et tout ce qu'il y a entre deux l'est nettement moins. Mais ça, c'est si on ne parle que de l'histoire.

    Heureusement, il y a le gameplay.

 

 

*Quand vaincre Chaos vire à l'obsession

 

    On pouvait s'en douter venant de la Team Ninja, Stranger Of Paradise est avant tout un jeu d'action. Un Action-RPG, certes, mais faisant fi de divers éléments classiques des RPG. Quand il s'agit de traquer Chaos, on ne s'embarrasse pas de chichis. Pas de villes, pas de terrain extérieur, juste des donjons (assez variés, les environnements sont sympas, mais parfois un poil longuets), comme autant de niveaux d'un beat-them-all qu'on sélectionne depuis la carte du monde. Et parlant de la carte du monde, on sent bien qu'elle a simplement été reprise de FF I et qu'elle n'a pas été conçue spécifiquement pour ce jeu, parce que la moitié nord est quasi inutilisée ; on aurait pu y placer du contenu facultatif, mais non. Si on a bien des missions annexes, elles se contentent de réutiliser les donjons de l'aventure principale.

    En revanche, les PNJ sont là, eux - quelques-uns, en tout cas. D'habitude, on les croise en se baladant en ville, eh bien là, à défaut de ville où se balader, on peut choisir de leur parler depuis la carte du monde. « Que les cristaux vous protègent ! » Euh... merci ? Vous servez à quoi, exactement ? Des PNJ qui n'ont rien d'intéressant à dire, juste là pour éviter que les rues soient vides, je veux bien ; sauf qu'ici, on nous retire les rues et on nous laisse les PNJ qui n'ont rien d'intéressant à dire, faudrait m'expliquer l'idée. Si on veut être gentil, on dira qu'ils reflètent l'évolution de l'opinion publique à l'égard de notre équipe au fil du jeu, mais il y avait mieux à faire pour ça.

 

    L'absence de villes à visiter s'accompagne de l'absence de boutiques : le jeu fait le choix de s'en passer. Les seuls objets consommables sont les potions, qui se rechargent aux points de sauvegarde ou qu'on récolte en battant certains monstres. Quant à l'équipement, c'est uniquement du butin lâché par des ennemis, des coffres, ou des récompenses de fin de mission. Et on en récolte beaucoup. Beaucoup, beaucoup, beeeaaauuucoup. On dispose d'un inventaire limité à 500 places, toutes pièces d'équipement confondues (ce qui est déjà pas mal), eh bien il faut penser à le vider régulièrement entre les donjons, sans quoi il se retrouve plein et on ne peut plus rien ramasser. Autant dire que si au début on choisit son équipement manuellement, on passe très vite à l'optimisation automatique (pourtant loin d'être parfaite), sinon c'est sans fin.

    Et tout l'équipement surnuméraire, qu'en fait-on ? Il y a toujours la solution de le jeter (ce qu'on fait quand on se rend compte en cours de niveau que l'inventaire est plein). Ou on peut l'envoyer à l'entrepôt, où il ne sera pas plus utile que dans l'inventaire. Ou alors on peut le démanteler pour obtenir des matériaux : depuis la carte du monde, on a accès à un système de forge qui permet de renforcer certains attributs de l'équipement à l'aide des matériaux précédemment obtenus. Mais comme l'équipement, on le change trois-quatre fois par donjon à mesure qu'on en trouve du meilleur, l'améliorer représente surtout une perte de temps. Donc, pour répondre à la question du devenir de l'équipement surnuméraire : on le démantèle, et puis on ne fait rien des matériaux obtenus. Vachement utile.

    Allez, histoire de dire que la gestion de l'équipement n'est pas uniquement une perte de temps, il y a un aspect où elle peut s'avérer utile : les affinités de classes. On y viendra en abordant le système de classes.

    Avant ça, tant qu'on parle de l'équipement, n'oublions pas l'aspect esthétique : plutôt que d'avoir une tenue fixe pour chaque personnage, ils sont vêtus en fonction de l'équipement qu'ils portent. (Un peu comme dans FFXIII Lightning Returns, sauf que là il était surtout question de mettre en valeur la plastique de l'héroïne, ici on nous épargne au moins les armures bikinis.) En bref, on se retrouve avec des persos qui changent d'apparence toutes les dix minutes, ça en devient ridicule. Surtout si le meilleur équipement de tête est actuellement un masque et qu'on ne voit plus les visages des personnages dans les scènes de dialogues. Bon, en farfouillant dans les paramètres de jeu, on peut désactiver l'affichage de l'équipement de tête... mais ça ne marche pas pour les capuches, qui sont liées à l'équipement de corps. Mouais. Et désactiver l'affichage de tout l'équipement, c'était trop compliqué à inclure, comme option ?

 

    Avec tout ça, ça se voit que j'ai bien aimé ce jeu ? Non ? Et pourtant si. Des différents spin-off Final Fantasy auxquels j'ai pu jouer, c'est sans conteste celui sur lequel je me suis le plus éclaté (avec Theatrhythm qui était étonnamment addictif, dans un genre très différent). Parce que malgré tout ce que j'ai pu dire jusqu'ici, le gameplay, lui, vaut franchement le détour. À condition d'abord de reparamétrer convenablement les touches, mais ça c'est du détail (qu'est-ce que c'est que ces jeux modernes avec une attribution des touches contre-intuitive ? que ce soit là ou dans God Of War Ragnarök, l'esquive sur la croix, ça ne passe pas).

    Sans être aussi nerveux qu'un Ninja Gaiden, les combats n'en sont pas moins techniques, et si les commandes de base sont simples à prendre en main, maîtriser toutes les possibilités va demander pas mal d'entraînement. Aux attaques/combos de base, esquives et parades, s'ajoutent les coups spéciaux et la gestion des MP (qui se régénèrent en usant d'attaques normales, avec une jauge réduite à l'entrée d'un donjon pour ensuite s'accroître peu à peu en achevant des ennemis), la possibilité d'absorber certaines techniques ennemies pour les leur renvoyer, une jauge de rupture qui permettra d'étourdir l'adversaire et ainsi pouvoir déclencher un coup de grâce qui l'achèvera sans avoir besoin de le vider de tous ses PV...

    Quant aux alliés, bien qu'on ne puisse pas en prendre le contrôle, leur IA se révèle autrement plus utile que dans FFVII Remake ; leur absence se fera d'ailleurs bien sentir lors d'un passage où notre perso se retrouve seul, plus loin dans l'aventure. Et s'il est impossible de changer de perso, c'est parce que c'est tout simplement inutile avec le système de classes.

    On dispose au départ de huit classes de base, chacune disposant de ses propres caractéristiques et permettant de manier un type d'arme (épées, poings, lance, hache, bâton...), dont la maîtrise permettra de débloquer des classes supérieures, elles-mêmes donnant accès à des classes ultimes : en plus de varier les plaisirs en combat, collectionner les classes devient un objectif en soi. À noter que seul Jack (notre protagoniste) a accès à toutes les classes ; on choisira alors les équipiers en fonction de leurs propres classes et de celles que l'on utilise actuellement. Celles au pluriel, parce qu'on peut s'équiper de deux classes à la fois, et passer de l'une à l'autre à volonté en cours de combat. Switcher entre le combat rapproché et la magie sera très, très utile ; de même que pouvoir changer de type d'arme selon les résistances de l'ennemi.

    Notons que notre personnage ne possède pas de niveau propre : l'expérience acquise en battant des ennemis augmente le niveau de classe, qui peut aller de 1 à 30 (on peut heureusement compter sur l'équipement pour pallier le retour au niveau 1 subi en passant à une classe encore inutilisée). Outre l'augmentation des stats, gagner des niveaux permet de remplir un arbre des compétences afin de débloquer ou renforcer des coups spéciaux, obtenir divers bonus, et gagner l'accès aux classes supérieures.

    Et c'est là que la gestion de l'équipement peut aussi avoir son importance : en effet, la plupart des armes et pièces d'armures disposent d'un certain degré d'affinité avec telle ou telle classe. En variant les classes selon les pièces d'équipement, ce degré d'affinité va permettre de distribuer de l'expérience même à des classes dont on n'est pas équipé (à condition de les avoir débloquées). À l'inverse, monter le niveau d'affinité de la classe en cours d'utilisation donnera accès, par paliers, à divers bonus de classe... mais là on entre dans des subtilités qui serviront surtout dans les niveaux de difficulté supérieurs, et je dois avouer que je ne suis ni assez doué, ni assez maso pour m'y frotter. Et donc, à part vers la fin du jeu pour éviter de donner de l'expérience à des classes déjà au niveau max, je m'en suis remis quasi exclusivement à l'optimisation auto de l'équipement.

 

    Tout ça pour dire que malgré une gestion de l'équipement bancale, le système de combat et de progression devient franchement jouissif dès qu'on commence à le maîtriser, que les boss retors et les zones grouillant d'ennemis malicieusement placés apparaissent comme autant de défis qu'on a envie de relever, et cerise sur le gâteau, affronter des monstres classiques de la série en mode action est un pur plaisir (Morbol et Tomberry en tête de liste, même si le second reste redoutable).

 

 

*Un nouveau regard sur la fantaisie finale

 

    Stranger Of Paradise - Final Fantasy Origin n'est pas exempt de défauts, loin de là. En s'affranchissant d'une partie de ce qui fait le charme des JRPG classiques (découvrir et explorer un monde, vivre une grande histoire, une aventure guidée par sa narration...), il se présenterait presque comme un jeu d'action qui n'a de Final Fantasy que le nom. Et pourtant, bien que pas toujours très clair, son scénario apporte son lot d'idées intéressantes, notamment vers la fin, qui pourrait bien nous donner envie de redécouvrir et faire porter un regard différent sur l'histoire du tout premier FF.

    Et surtout, au-delà de ces considérations, le gameplay à lui seul vaut le détour, exploitant le classique système de classes pour le transposer avec brio dans un jeu orienté action. J'irais même jusqu'à dire qu'en termes de gameplay pur, c'est à l'heure actuelle ce que la licence a engendré de meilleur comme Action-RPG. Oui, il enterre FFVII Remake. Reste à voir si FFXVI sera capable de proposer quelque chose d'aussi bon manette en main.

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