Yumekui Merry - Actualité anime

Critique de l'anime : Yumekui Merry

Publiée le Mardi, 26 Mai 2015

Les shônens sont légion. Difficile de faire le tri dans ce flot, entre nouveaux titres et blockbusters. Ainsi, le lecteur particulièrement exigeant aura pu passer à côté de Yumekui Merry, série assez classique, mais sympathique par bien des aspects.

Faut pas rêver

Généralement, la saison hivernale de japanimation est synonyme d’ennui, comparée au printemps ou à l’automne. C’est un fait établi dans la communauté otaku, qu’aucun élément rationnel ne parvient réellement à expliquer. Est-ce dû au climat, au creux dans la saison sportive, au fait que les écoliers japonais passent leurs concours à cette période... ? Rien de précis ne vient étayer ce constat ; on s’en contente.

L’hiver 2011 ne semble pas échapper à cette règle, et ce malgré ses quelques exceptions. Entre suites entendues (Kimi ni Todoke), portage de light novels plan-plan (Haiyoru! Nyaruani: Remember My Love (Craft-sensei), IS: Infinite Stratos) voire de n’importe quoi (Rio - Rainbow Gate!, StarrySky), le fanboy s’étiole, là où on lui avait donné à voir des Soredemo Machi wa Mawatteiru, K-ON!! et autres Arakawa under the bridge les mois précédents. Aussi, bon gré mal gré, il va s’aventurer à l’aveuglette dans la production animée du moment. En espérant tomber sur la perle rare.

C’est dans cette optique qu’on se penche sur Yumekui Merry. Le titre est déjà un peu connu en France, puisque le manga est publié depuis septembre 2010 sous le nom de Merry Nightmare chez Taïfu Comics. Notez que le volume 3 est disponible depuis le 10 mars. Bref, fort du succès des cinq premiers volumes édités au Japon, l’éditeur Hôbunsha (Hidamari Sketch, Dôjin Work) et le studio J.C. Staff ont jugé bon d’adapter le manga en anime.

Chocorêves ~~


À la base, Yumekui Merry est un shônen assez classique, avec des persos qu’on a déjà vus. Du moins c’est ce qu’on peut se dire de prime abord.

Yumeji, le personnage principal, est un lycéen lambda – forcément – à ceci près qu’il est capable de voir l’aura des gens, et de prédire leurs rêves en fonction. Par ailleurs, depuis dix ans, il fait le même cauchemar terrifiant de réalité, où un certain John Doe le poursuit. C’est au cours d’un de ces cauchemars, alors qu’il est pourtant éveillé, qu’il rencontre Merry.

Merry est une jeune fille accro aux donuts. Elle a des pupilles rectangulaires. Outre cette particularité physique, sachez aussi qu’elle est une entité onirique, piégée dans notre réalité depuis dix ans (tiens donc...). Lors de cette première rencontre, Merry sauve Yumeji, et ce dernier se décide alors à aider la jeune fille à rejoindre le monde du rêve.
Voilà. Le synopsis est somme toute assez bateau.

La particularité première de la série, animée comme dessinée, c’est de remplacer les boules d’énergie par les pouvoirs du rêve, et les méchants par des cauchemars. Rien de bien folichon. Mais ces a priori (après lecture des premiers chapitres ou visionnage des premiers épisodes) sont vite estompés. L’histoire gagne en profondeur, s’enrichit en personnages, et s’avère au final moins simple qu’il n’y paraissait.

Exit light, enter night ~~

Aux commandes de cette intrigue plus chiadée qu’on ne peut le penser, nous avons Yoshitaka Ushiki, jeune mangaka qui s’est essentiellement fait connaître par cette série. L’anime est réalisé par Shigeyasu Yamauchi (Casshern Sins, les films DBZ et Saint Seiya), et les persos sont dessinés par Masahiro Fujii (Zero no Tsukaima). Rien de plus à dire sur la fiche technique, sinon que J.C. Staff a fait le pari d’embaucher des seiyûs relativement jeunes et peu connus pour doubler les personnages (Nobuhiko Okamoto pour Yumeji, et Ayane Sakura pour Merry).

Les deux supports se complètent bien. Le manga malgré un trait parfois sommaire et brouillon (on sent que Ushiki se cherche encore) développe beaucoup le côté introspection. L’anime, quant à lui, se perd parfois dans des rallonges scénaristiques pas spécialement nécessaires, introduisant des personnages jetables d’épisode en épisode. On appréciera par contre la fluidité de l’animation qui, si elle ne casse pas des briques, rend plus perceptibles les scènes d’action.

Par ailleurs, on constatera une espèce d’uniformisation dans le chara-design par J.C. Staff. Les expressions faciales de Merry Nightmare sont les mêmes que sur Okamisan ou Hidan no Aria qui débutera en avril. Un manque d’imagination ou de travail, dommage compte tenu des différences graphiques originelles de ces œuvres.

I’M A DREAMER... ~~

Cette série est évidemment intéressante dans sa façon de traiter le monde des songes. Loin d’un Inception ou d’un Paprika, Yumekui Merry voit les rêves et les cauchemars comme autant d’êtres tangibles vivants dans leur univers propre, interagissant avec la réalité la nuit, dans un monde s’apparentant aux limbes.

En cela, l’approche de Ushiki est similaire à celle de Neil Gaiman dans son graphic novel Sandman. Si l’univers graphique du manga est loin du monde gothico-baroque de l’auteur britannique, on retrouvera cette ambivalence rêve/réalité. Le fait que certains cauchemars souhaitent se matérialiser dans la réalité peut également renvoyer à Gaiman.

Plus précisément, la série rappelle au lecteur et au spectateur que le rêve constitue aussi l’être humain. « Nous sommes faits de l’étoffe dont sont faits les rêves » faisait dire Shakespeare à Prospero dans La Tempête. Cet adage est d’autant plus vrai ici : les personnages, dont les rêves personnifiés ont été détruits par quelques cauchemars malfaisants, se retrouvent vidés de toute substance, mornes et inertes. Le rêve participe aux aspirations, aux ambitions, aux projets de tout un chacun.

Ces idées peuvent sembler désuètes aujourd’hui – d’autant plus que les rêves de ces personnages sont simples, mais accessibles, pas comme dans One Piece. Dans un monde où l’image est surabondante, la place laissée à l’imagination et la naïveté est réduite à peau de chagrin. Internet et le zapping ont pris la place des contes de fées, pour le meilleur comme pour le pire. Cette idée est renforcée par le nom même des protagonistes : Yumekui (La voie du rêve) et Merry Nightmare (Le joyeux – comprendre gentil ou joli – cauchemar).

Sans entrer dans une analyse profonde à la Bettelheim qui n’aurait de toute façon pas lieu d’être, Yumekui Merry a au moins le mérite de nous rappeler que le rêve et l’imaginaire sont essentiels à la construction de l’être. Sous ses dehors sommaires, la série porte un message certes simple, mais agréable à recevoir de temps en temps.


par YllwNgg