Hakubo - Crépuscule - Actualité anime
Hakubo - Crépuscule - Anime

Hakubo - Crépuscule : Critiques

Critique de l'anime : Hakubo - Crépuscule

Publiée le Samedi, 15 Août 2020

Yutaka Yamamoto est l'un de ces acteurs du milieu de l'animation japonaise dont la personnalité s'avère plutôt explosive, alors que tout semblait avoir plutôt bien commencé pour lui: après avoir participé à divers projets sympathiques (il a notamment dirigé certains épisodes de la géniale comédie Hare+Guu) puis s'être fait remarquer dans la première moitié des années 2000 en tant que réalisateur assistant sur les OAV Munto au sein du studio Kyoto Animation, il acquiert une renommée assez forte en étant, en 2006, le directeur de production de l'anime culte La Mélancolie de Haruhi Suzumiya, et est depuis resté dans les mémoires pour avoir conçu la chorégraphie de son mythique générique de fin.

Mais c'est après que les choses commencent à déraper: choisi en 2007 pour être le réalisateur du futur anime à succès Lucky Star (qui devait être son tout premier poste de réalisateur de série), il finit par être renvoyé par Kyoto Animation au bout de seulement 4 épisodes pour des problèmes internes (des problèmes de performance, peut-on lire par-ci par-là). Et, depuis, il a d'ailleurs visiblement toujours gardé une dent contre ce studio.

A peine quelques mois après, il arrive à rebondir en co-fondant dès août 2007 le studio Ordet, un studio que d'autres anciens de Kyoto Animation (dont plusieurs ont eux aussi travaillé sur Lucky Star) rejoignent vite eux aussi, et avec lequel le bonhomme a notamment pu réaliser les séries Kannagi (2008), Fractale (2011), Senyû (2013), ainsi que la saga Wake Up, Girls! (dont il est aussi le créateur original) à partir de 2014. C'est également avec ce studio que Yamamoto a pu superviser, en 2010, la célèbre OAV Black Rock Shooter, tout premier gros projet d'Ordet en tant que studio principal. Mais dès 2011, les choses commencent déjà un peu à se gâter à nouveau pour Yamamoto, quand Ordet, en compagnie du studio Sanzigen et du futur studio Trigger, intègre la coentreprise holding Ultra Super Pictures, qui en deviendra donc la société-mère, et qui créera également en 2012 le studio Liden Films. Moins maître du studio qu'il a co-fondé, Yamamoto finit par quitter son poste à Ordet en mars 2016, après avoir été écarté d'un nouveau projet sur Wake Up, Girls!. Certains disent qu'il a démissionné, d'autres qu'il a (encore) été renvoyé.

Tantôt apprécié tantôt conspué, Yutaka Yamamoto est un homme autour duquel subsiste un certain flou, notamment concernant les conditions dans lesquelles il a été viré de Kyoto Animation et est parti d'Ordet. Mais certaines choses sont sûres: il est bien connu pour son comportement régulièrement incendiaire sur les réseaux sociaux (insultes envers les fans otakus qu'il a traité d'attardés handicapés, remarques douteuses envers les chinois et coréens, attaques injurieuses envers d'anciens collaborateurs... ce qui lui a même valu d'être temporairement suspendu de twitter en 2018), et il a dit plusieurs fois qu'il allait quitter le monde "pourri" de l'animation (notamment pendant qu'il était au studio Ordet) avant de finir à chaque fois par revenir. Le dernier exemple en date ? Tout simplement celui du moyen-métrage qui nous intéresse aujourd'hui, Hakubo.



Hakubo, c'est le dernier volet de ce qui est considéré comme la "Trilogie du Tohoku", composée de 3 animes tous dirigés par Yutaka Yamamoto, et ayant pour point commun de tous se dérouler dans la région du Tohoku, région au nord-est du Japon et où se trouve Fukushima, dans les années ayant suivi la triple-catastrophe du 11 mars 2011. Le premier projet fut Blossom, un court-métrage de 5 minutes que Yamamoto sortit en mars 2012 en guise d'hommage aux victimes du tsunami de mars 2011. Quant au deuxième projet de cette trilogie, il s'agit tout simplement de la saga Wake Up, Girls!.

Le projet Hakubo ("Twilight" en anglais, et pouvant donc être traduit par "Crépuscule" en français) est annoncé par Yamamoto fin février 2017, et est voué à passer par un financement participatif au Japon immédiatement après. Lancé sur Campfire le 25 février 2017 et achevé le 29 avril de cette même année, le projet devait permettre à Yamamoto de mener à bien ce qui était annoncé comme un long-métrage, réalisé au sein de son nouveau studio Twilight (créé pour l'occasion), et avec une sortie fixée à l'année 2018. En atteignant 140% de son objectif initial avec 21 036 500 de yens (environ 169 000€) sur les 15 millions (environ 120 500€) visés, le projet est un succès... qui ne signifie malheureusement pas que sa conception sera une partie de plaisir.

A la fois créateur original, scénariste, réalisateur et directeur du son sur le projet, Yutaka Yamamoto travailla avec une équipe très réduite, mais put tout de même compter sur la présence au character design et à la direction de l'animation de son collaborateur de longue date Sunao Chikaoka (qui occupait déjà ces postes sur Blossom et Wake Up, Girls!, et qui a aussi travaillé avec lui sur Black Rock Shooter et Fractale), et put avoir les services, pour les musiques, du compositeur Sôhei Kano, uniquement connu avant cela pour les musiques de Fractale. La conception de Hakubo ne semble pas tout à fait se dérouler dans des conditions idéales: malgré la réussite du projet de financement, celui-ci prend du retard, Yamamoto est visiblement endetté pendant les mois de cette réalisation, si bien qu'au bout du compte le tribunal de Tokyo a entamé début mars 2019 une procédure de mise en faillite à son égard. Son avocat a toutefois déclaré dans la foulée que cela n'affecterait pas le projet Hakubo, mais était-ce vraiment rassurant ?

Finalement, le film sort au Japon peu de temps après, le 21 juin 2019, après des avant-premières le 24 mai 2019 dans la préfecture de Fukushima qui n'ont pas vraiment pu être tenues puisque le métrage n'était même pas encore tout à fait terminé. A la place du long-métrage promis, le public découvre un moyen-métrage de 53 minutes (plutôt 45 minutes en ne comptant pas les génériques/crédits). Et fin mai de cette année-là, au moment des "avant-premières", le réalisateur avoue lui-même que le projet est un échec, qu'il s'excuse auprès du staff impliqué, qu'il lui a fallu 21 ans de carrière pour comprendre qu'il n'a pas le talent pour créer des animes (c'est lui qui le dit)... puis il jura (pas la première fois dans sa carrière, donc) de ne plus jamais travailler sur le moindre projet lié à l'animation. Cette promesse qu'il s'était imposée à lui-même n'a toutefois pas tenu bien longtemps puisque, en septembre 2019, il lança au Japon sur Campfire un nouveau projet de financement participatif qui fut un échec en ne récoltant que les 3/4 de l'objectif initial (mais comment aurait-il pu en être autrement après l'échec de Hakubo qui a dû briser la confiance d'un paquet de fans ? Le bonhomme ne doute de rien...). L'ambition de ce nouveau projet était de créer un anime fantastique sombre, "Magical Girls on Crowdfire", inspiré de l'incendie criminel tragique ayant ravagé Kyoto Animation deux mois auparavant. Quand on connaît la dent que Yamamoto garde envers ce studio, ce n'était pas forcément rassurant...

C'est donc avec un réalisateur au parcours chaotique et au bout d'une production l'ayant été tout autant que Hakubo est sorti au Japon, en laissant deviner à l'avance un anime voué à être raté. Mais malgré tout, Crunchyroll a pris le pari de tout de même le proposer en France en version originale sous-titrée, et le métrage est donc disponible dans notre pays depuis le 4 août. L'occasion de quand même y jeter un oeil, histoire de voir si la catastrophe est aussi forte qu'annoncée...



Nous voici donc plongés à Iwaki, dans la préfecture de Fukushima, quelque temps après la catastrophe du 11 mars 2011. Sachi Koyama est une lycéenne plutôt discrète qui, depuis toute petite, s'adonne au violon, un domaine où elle n'est pas spécialement douée mais qu'elle désire continuer au sein du club de musique de son lycée, entourée de ses deux amies musiciennes et de sa senpai, les 4 demoiselles étant d'ailleurs en train de préparer activement une audition en répétant beaucoup. Mais en dehors de ça, Sachi est une adolescente solitaire, fuyant bien souvent les sorties avec ses amies pour plutôt rentrer seule chez elle, en profitant de ce qu'elle préfère: les paysages du crépuscule, avec ses lumières si uniques. C'est son petit moment privilégié, qui n'appartient qu'à elle seule... ou presque. Car bientôt, au fil d'une de ces promenades solo, elle croise la route de Yusuke Kijinami, un garçon de son âge issu d'un autre lycée, qu'elle avait déjà repérée, intriguée. Passionné de peinture de paysages, cet adolescent, à l'instar de la jeune fille, aime toute particulièrement les crépuscules, et c'est en grande partie ce qui les rapprochera tous les deux. Jusqu'à, évidemment, ce que l'amour s'en mêle pour cette adolescente qui n'avait jamais ressenti ça et se désintéressait pas mal des autres...



Quand on commence Hakubo, il y a de quoi avoir pas mal d'espoirs. Les décors/paysages réalistes du Tohoku et d'Iwaki sont très soignés et parfois réellement magnifiques avec leurs jeux de lumière. Pas forcément hyper originaux tant on a l'habitude de voir un grand soin dans les paysages dans pas mal d'animes de ce type, mais vraiment convaincants. Qui plus est, la narration assez introspective sur Sachi (dont on suit pas mal les pensées puisqu'elle est souvent la narratrice) permet de s'immiscer facilement auprès d'elle et de comprendre son goût pour les promenades solitaires et pour les paysages crépusculaires. Enfin, on cerne assez vite un certain rapport des deux héros à la catastrophe de mars 2011: elle en a gardé visiblement certains traumatismes, tandis que lui conserve en lui la douleur du déception amoureuse non déclarée, et a tiré du drame le désir d'immortalisé la beauté de chaque chose dans ses toiles, avant qu'il ne soit trop tard. Une idée belle, artistique voire poétique, qui accroche facilement pendant les premiers instants du métrage. Mais malheureusement, c'est tout ce qu'il y a à retenir...



Car pour faire court, une fois ces bases assez prometteuses posées, Hakubo ne montre plus rien. Si le rapport des deux personnages principaux au drame de mars 2011 montre des idées intéressantes au départ, celles-ci ne sont ensuite jamais développées ou mises réellement en avant: pour Yusuke elles se limitent à l'abord succinct d'un regret amoureux propre à tout ado lambda (pas besoin de vivre le drame de Fukushima pour ça), et, pire, les traumatismes de l'héroïne passent complètement à la trappe en ne servant à rien. On se retrouve tout compte fait avec une petite amourette adolescente comme on en voit tant et sans plus-value, qui prend le dessus sur tout le reste. Les personnages secondaires sont des clichés sans la moindre consistance et dont les réactions apparaissent parfois illogiques voire irritantes (mention spéciale à l'amie énergique et caractérielle de Sachi dans le club de musique, typiquement le genre de personnage que j'aime d'habitude, mais qui ici est juste une cruche insupportable), et l'univers global est si insignifiant et dépourvu du moindre approfondissement que l'on finit vite par se désintéresser de cette histoire d'amour lambda. C'est vraiment dommage d'en arriver à ça après le début classique mais suffisamment intrigant, car on devine bien que Yamamoto voulait montrer que malgré la catastrophe qui restera dans la mémoire de chaque personnage leur vie continue et peut révéler de belles choses, avec au bout du compte un certain message d'espoir. Mais tout est tellement lisse, tellement expédié, voire parfois tellement peu logique... Si bien que l'on ressent vraiment, quand on connaît la genèse catastrophique du projet, qu'il a subi de plein fouet ce contexte chaotique, avec un début assez sympa et toute une suite dépourvue d'intérêt.



Visuellement, c'est un peu le même constat: en dehors des décors/paysages, il n'y a pas grand chose. Le design des personnages, assez standard, avait de quoi être tout de même efficace, mais sa dégrade quelque peu au fil des minutes, avec régulièrement des plans assez moches. Quant à l'animation... eh bien, il s'agit sûrement de l'aspect le plus raté sur le plan technique, avec entre autres une économie de moyens (ça bouge peu), et surtout des mouvements de personnages parfois très peu réalistes/crédibles, au point de nous faire dire "what the f***".



Alors, que retenir de Hakubo ? Cela aurait pu être un projet franchement joli au vu de l'idée de départ et du tout début assez sympathique. Mais la suite en a voulu autrement... Histoire devenant vite insipide, sujet autour de l'après mars 2011 passant en grande partie à la trappe, qualité technique de plus en plus mitigée au fil des minutes, durée écourtée par rapport à ce qui était promis au départ (ce qui a forcément eu un impact sur le récit), et donc projet de financement participatif initial qui a dû faire beaucoup relativiser les japonais qui y ont participé... tout ceci découlant sûrement des nombreux couacs autour du réalisateur et de ce à quoi il a dû faire face pendant la conception du machin. Hakubo semble presque un cas d'école en terme d'échec, où tout semble s'être réuni pour que le projet initial ne puisse pas être bon.
   
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

7.5 20