Devilman Crybaby - Actualité anime
Devilman Crybaby - Anime

Devilman Crybaby : Critiques

Critique de l'anime : Devilman Crybaby

Publiée le Lundi, 08 Janvier 2018

Gô Nagai est l'une des figures majeures du manga et de l'animation japonaise, pour tout ce que l'auteur a pu apporter. Sa carrière, particulièrement importante, s'étale sur maintenant plus de 50 ans, un anniversaire qui a été célébré de multiples manières, y compris du côté de l'animation. On notera dans un premier temps le film Mazinger Z Infinity, sorti dans l’hexagone quelque temps avant le Japon, bien que le succès chez nous ne semble pas avoir été au rendez-vous.





Puis il y a eu Devilman Crybaby, adaptation en une série de 10 épisodes du manga de 1972, produite par Netflix et le studio Science Saru. Là où les séries animées sont généralement diffusées sur les télévisions japonaises puis en simulcast chez nous au rythme d'un épisode par semaine, la recette Netflix a amené la mise en ligne de l'intégralité le vendredi 5 janvier 2018, en version originale sous-titrée ainsi qu'en version française doublée, une pratique aussi nommée « simuldub » qui reste beaucoup trop rare dans l'animation. L'occasion alors de découvrir Devilman Crybaby en simultanée dans le monde entier, une politique qui a porté ses fruits puisque la série a su faire parler d'elle dès sa sortie, aux quatre coins du globe.





A l'instar du manga, Devilman Crybaby nous mène aux côtés d'Akira Fudô, un adolescent chétif, mais au grand cœur. Hébergé par la famille Makimura, il est particulièrement attentionné envers Miki, la fille de ceux qui l'hébergent, mais aussi sa grande amie. Après l'avoir protégée de quelques lascars, Akira est appelé par Ryô, son ami d'enfance, chercheur, qui lui fait part d'une dramatique découverte : les démons qu'abritaient le monde se sont éveillés et, en prenant possession d'humains, peuvent sévir à tout instant. Pour éviter la fin de l'humanité, Ryô offre à Akira un moyen de protéger ses semblables en mettant en scène le rituel du Sabbat pour invoquer Amon, l'une des plus puissantes entités démoniaques, et le faire fusionner avec lui. Au cours de la cérémonie, sanglante, Ryô en vient à héberger en lui Amon, devenant alors un être hybride mi-homme, mi-démon, un Devilman. Plus impitoyable, Akira entre alors dans une nouvelle vie où, en dehors de son quotidien de lycéen, il devra lutter contre les démons qui se présenteront face à lui et son entourage...





Adapter Devilman en une série animée en 2018 n'était pas le plus simple des paris. L’œuvre phare de Gô Nagai a déjà eu plusieurs déclinaisons, la plus longue étant celle en 39 épisodes par Toei Animation, qui s'éloignait du manga en se rapprochant davantage du récit classique de superhéros face à de démoniaques entités, dans un ton destiné à plaire aux plus jeunes. Plus de 45 ans après la parution du manga original, la question pouvait se poser sur la forme de cette nouvelle adaptation. Pour le studio Science Saru, le résultat devait sans conteste se démarquer de la production animée actuelle sur la forme, peut-être l'une des raisons qui ont amené Masaaki Yuasa, un animateur au style qu'on reconnaît entre mille, sur le projet. En résulte ce qu'on était en droit d'attendre pour célébrer les 50 ans de carrière de l'auteur d'origine : une mise aux goûts du jour de Devilman, respectant le manga tout en optant pour une approche nettement différente.





Et effectivement, il y a une grande fidélité au manga original dans Devilman Crybaby. Si l'esthétique et les codes visuels rétros du manga sont troqués contre des éléments beaucoup plus actuels, comme les accoutrements des lycéens, leur quotidien ou la technologie par exemple, la trame globale fait régulièrement écho à l’œuvre de Gô Nagai, retrace les principaux arcs narratifs à sa sauce, et ne s'éloigne jamais des thèmes phares de l'histoire.
Alors, Devilman Crybaby nous conte les péripéties d'Akira, devenu Devilman dans l'optique de protéger les humains des démons, une situation qui évoluera progressivement vers le climax que les fans du manga connaissent bien.

Dans le fond, la version Crybaby s'avère être proche du travail de Gô Nagai, et pas simplement parce que les différents éléments de son histoire et de son univers sont retranscrits, mais aussi parce que l'ambiance de l’œuvre originale et ses messages subsistent dans cette adaptation, et s'avèrent même sublimés d'une certaine manière. L'idée phase de Devilman est l'être humain, sa lumière et surtout ses ténèbres. Outre le simple fait d'opposer Akira à des démons, amenant des situations régulièrement violentes et dramatiques, la volonté de dépeindre un portrait peu flatteur de l'être humain et de pointer du doigt le danger qu'il représente pour lui-même reste toujours aussi important dans le scénario et ses différents rebondissements. L'intrigue ne prend pas vraiment de pincettes pour développer cet aspect sombre de l'humanité, amenant une deuxième partie de série particulièrement éprouvante moralement, et un épisode neuf à la conclusion difficilement soutenable.




Le plus intéressant vient alors de la manière dont le message peut-être perçu de nos jours : lors de la publication originale de Devilman, la Seconde Guerre Mondiale n'était pas si lointaine et un certain cynisme du Japon envers le monde demeurait, une amertume que Gô Nagai n'a pas été seul à dépeindre, loin de là, même s'il a été l'un de ceux qui l'ont représentée de manière particulièrement extrême. En 2018, la situation internationale n'est pas forcément réjouissante, ce même si aucune troisième guerre mondiale n'a officiellement été lancée. De bien des manières, on peut voir en Devilman Crybaby quelques échos par rapport au monde d'aujourd'hui, sur le fait que l'humain reste encore un danger à l'heure actuelle. Alors, le message initial qui est de montrer les êtres humains sous leurs pires aspects conserve une certaine résonance, ne serait-ce dans l'idée du danger que l'on peut représenter pour le monde. Le dernier arc, tout comme le manga, n'hésite pas à gravir les échelons du drame, aussi rarement le dicton « L'Homme est un loup pour l'Homme » n'aura été si bien illustré que dans la série.
Le propos peut s'avérer simpliste, mais sait aussi être nuancé, ne serait-ce dans le concept des Devilman (oui, au pluriel, mais jamais nommé « Devilmen »), autrement dit des humains fusionnés avec des démons qui ont conservé leur cœur, vient faire pencher la balance et aide à rationaliser. Là où certains pourraient amener notre espèce à leur perte, d'autres font l'équilibre entre leur humanité et leurs démons, un concept qui amènera d'ailleurs le spectateur à espérer une issue positive à plusieurs reprises. Akira est lui-même le fruit de cette idée : les espoirs du genre humain reposant sur les épaules d'un individu qui incarne ce que notre espèce fait de meilleur.



Une adaptation proche du manga original dans le fond donc, mais la forme change. D'abord en termes d'esthétique, puisque le style de Masaaki Yuasa pourrait ne pas plaire à tous. Sa patte est très épurée, très allongée aussi, elle est donc loin des standards que nous sommes habitués à voir ces derniers temps. Pourtant, elle est loin d'être désagréable et attire même notre regard. On y voit d'une part l'héritage du style originel du manga (les personnages étant déjà longs et fin dans le manga de Gô Nagai), tout en présentant une actualisation qui est totalement le propos de la série. L'histoire se déroule ainsi dans une époque moderne, un monde d'autant plus proche du nôtre que la série animée Devilman existe dans cet univers. Les uniformes scolaires d'époque sont remplacés par des tenues plus actuelles, Ryô vit dans un superbe appartement avec baie vitrée donnant sur une luxueuse piscine, et les discothèques n'ont plus les airs babas cools que représentait le rituel du Sabbat dans le premier tome du manga d'origine. L'immersion dans l'histoire et son univers sera peut-être plus simple pour certain, et on y voit facilement l'une des optiques de ce projet anniversaire : Rendre la série de Gô Nagai accessible par son regard plus moderne sur l'intrigue et ses thématiques, soit un véritable travail d'adaptation. Il ne s'agit donc pas de faire un simple copier/coller du manga de base, mais d'en proposer une vision nouvelle, mais aussi fidèle. Alors, Devilman Crybaby s'adresse aussi bien aux fans qu'aux nouveaux venus, l’œuvre ayant le potentiel pour parler à tous... sauf aux plus jeunes. Car Devilman est une œuvre adulte de base, par ses thèmes, sa violence et sa noirceur. Crybaby lui rend honneur par ce respect des thématiques et par ses images. Certaines séquences ne sont clairement pas à montrer aux plus jeunes, la violence et les effusions de sang de démon (jaune, certes, mais sang quand même) sont de mise, ainsi que la nudité voire la sexualité. Sur la première moitié de série en particulier, chaque épisode amène son lot de corps nus, voire d'actes sexuels. Une manière d'apporter un aspect cru plus moderne, mais peut-être pas toujours justifié, ce qui pourra représenter l'un des très rares défauts de cette adaptation.



Longue de dix épisodes, la série a été mise en ligne d'une traite par Netflix, la politique habituelle de la plateforme. La bonne surprise est la présence directe d'un doublage français qui est d'excellente facture, sur bien des points. D'abord le langage jamais édulcoré, s'inscrivant dans la tonalité moderne de cette réécriture. La prestation des comédiens n'est jamais à remettre en cause, chacun s'adaptant très bien à son rôle. Thibaut Delmotte campe un Akira convaincant, jeune et humain, quand Bruno Borsu retranscrit le côté ambigu de Ryô sans mal. On retiendra aussi le très bon jeu de Ludivine Deworst qui donne toute sa force au personnage de Miki : amicale, pétillante et terriblement attachante.

A l'heure où la même brochette de comédiens est souvent rappelée pour enregistrer les doublages d'animation japonaise en France, le casting de Devilman Crybaby est une véritable bouffée d'air frais. Et quand chaque comédien se fait aisément à son rôle, il n'y a aucune raison de bouder une version française d'excellente qualité.

Il y aurait énormément de choses à dire sur Devilman Crybaby : développer son rapport à l’œuvre originale, parler encore et encore de ses thématiques, toujours actuelle 45 ans après le manga, son pessimisme qui amène un récit qui retourne littéralement son spectateur, sa mise à jour du récit d'excellente facture, ses personnages humains et auxquels on s'attache sans mal, ses prouesses en termes de style et d'animation... Mais il est aussi question de rester évasif sur certains aspects pour que ceux qui n'ont pas vu l’œuvre gardent une surprise totale. Reste que le bilan de Devilman Crybaby est extrêmement positif. Qu'elle plaise ou non, la série ne laisse pas indifférent et quand elle séduit, elle bouleverse sans mal son spectateur sur sa seconde moitié. Une adaptation qui adapte vraiment son support et le met à jour de la meilleure manière qui soit, un type de projet comme on aimerait en voir davantage. Devilman Crybaby est une belle claque, qui garde quelques défauts très discrets, mais qui laissera un souvenir en ceux qui ont tenté l'expérience.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato

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