SASANO Marie - Actualité manga

Interview de l'auteur

Publiée le Jeudi, 12 Avril 2018

Marie Sasano était l'une des invitées des éditions Ki-oon pour le salon du livre 2018 de Paris. L'autrice de Momo et le messager du Soleil nous a accueilli tout sourire, une peluche de son petit manchot rouge sur les genoux, pour une interview.
Momo et le messager du soleil est une création originale de la maison Ki-oon. Ce manga nous invite à suivre l'histoire d'un petit manchot rouge, Momo, qui rêve de pouvoir voler.



Comment vous est venue l'idée que les enfants naissent sous forme d'œufs tombés du ciel ?



Marie Sasano : La première idée qui m’est venue fut de faire naitre différents animaux à partir d’œuf. En filant l’idée, j’ai voulu faire en sorte que des animaux qui ne sont normalement pas vivipares pondent des œufs. Je me suis donc dit que le plus simple était que tous les œufs tombent du ciel dès qu’un couple se forme.




Cela offre des choses intéressantes : les parents et enfants peuvent être d'espèces totalement différentes. Pourquoi avoir fait ce choix ?


Marie Sasano : J’aurais pu faire en sorte que l’un des parents soit un modèle pour l’apparence de l’enfant. Ce que j’ai voulu retranscrire c’est l’idée que dans notre monde réel, chaque enfant a le droit de choisir un métier, pas forcément celui des parents. C’est de là qu’est venue l’idée que chaque enfant a le droit de poursuivre son propre rêve. Momo est un manchot dans l’histoire. Si nous le transposions dans notre monde, cela pourrait être un enfant qui a choisi sa voie.



Parmi tous ces animaux il y a un personnage humain. Pourquoi avoir choisi d’en introduire un ?


Marie Sasano : Je voulais introduire des humains dans cette histoire car l’Homme fait partie du monde animal. Il est donc logique que des humains puissent faire partie de la transformation des œufs. Après, c’est un hasard si Lilly est humaine. Dans ce cas elle a choisi cette forme parce qu’elle était fascinée par un humain qui travaillait chez ses parents.

Après de façon plus générale, quand on se met dans la perspective de la narration, cela permet d’élargir le champ des possibles.



Pour rebondir sur cette question, les humains ont-ils des particularités que les animaux n’ont pas ?


Marie Sasano : L’avantage de l’humain c’est qu’il a des mains et une grande maniabilité que les animaux n’ont pas. Avec ses ailes Momo ne peut pas faire de tâches très avancées. Les animaux comme Momo font des métiers qui ne nécessitent pas une grande dextérité manuelle. Les humains font ces tâches manuelles, se sont par exemple eux qui construisent les maisons.

Il y en a qui préparent les aliments transformés. Notamment les aliments à base de viandes pour les animaux carnivores.





Lily a les cheveux jaunes et orange, Momo a le plumage rouge, Noah a la crinière bleue. Autour d'eux d'autres animaux ont des couleurs étonnantes. Pourquoi ces choix de couleurs ?



Marie Sasano : Je me suis dit que si je faisais le choix d’utiliser les couleurs de la nature, cela serait assez terne et répétitif finalement car il s’agit surtout de nuances de brun. J’ai donc décidé d’adopter un stratagème, les animaux naissent d’œuf soit de la même couleur que leur coquille. Cela permet d’avoir un monde beaucoup plus vif.



Quelle est la charge supplémentaire de travail d’un manga en couleur par rapport à un manga en noir et blanc ?


Marie Sasano : C’est vraiment plus compliqué. Par exemple, la peau de Lily en noir et blanc, je n’aurais rien eu à faire. Pareil pour le ciel. C’est une contrainte supplémentaire. Cela demande deux à trois fois plus de travail.




Concernant le design des animaux, comment faites-vous pour bien jauger entre fidélité aux animaux d'origine et humanisation ?



Marie Sasano : Ce sont des animaux donc ils ont une gestuelle de base mais je m’arrange pour qu’il y ait un minimum de flexibilité pour qu’ils puissent faire des gestes de la vie quotidienne. Par exemple, Momo arrive à plier son aile pour pouvoir attraper des objets alors que c’est normalement impossible. C’est ce genre de petites modifications que j’ai dû faire, mais sinon les animaux restent dans la même position que leur position naturelle.



Avez-vous des ouvrages de référence, des documentaires pour dessiner les animaux ?


Marie Sasano : Pour les animaux j’utilise toutes sortes de livres, des bestiaires, que ce soit des photographies ou des dessins. Quand ce n’était pas suffisant je vais sur le Net pour observer leur posture dans leur milieu naturel.
Pour les décors je m’inspire de paysages de plusieurs pays existants. J’essaie de voir plusieurs cultures pour les représenter de façon réaliste. Pour le reste, les champignons par exemple ne ressemblent en rien à la réalité, je mélange ce que je connais avec mon imaginaire.



Pourquoi avoir opté pour le sens de lecture occidentale ? Est-ce un choix de votre part ou un choix éditorial vu avec Ki-oon ? Avez-vous une des difficultés à vous adapter à ce sens ?


Marie Sasano : C’est une discussion que j’ai eue avec Ki-oon, on a décidé que le sens soit le même que celui du lecteur français pour que les enfants puissent lire facilement.

Après, cela m’a posé quelques problèmes car la façon de penser les cases est différente de ce que je faisais au Japon. J’ai eu des hésitations au début.

Accessoires Momo et le messager du soleil, crées à l'occasion de la venue en France de Marie Sasano


Avec votre mari et votre fils vous semblez très unis, on sait aussi que vous avez fait lire votre manga à votre mère et qu'elle a versé quelques larmes d'émotion, et dans le manga la notion de famille est importante aussi : Noah aimerait devenir fort comme son père, Momo aimerait retrouver ses parents, Lily est un peu une grande sœur pour eux, le serpent Caïn veut sauver son petit frère... La famille semble extrêmement importante pour vous…


Marie Sasano : La famille est effectivement très importante pour moi. J’ai une relation très fusionnelle avec mes parents et j’ai une petite sœur. Ils m’ont toujours soutenu dans ma voie. Si je suis devenue mangaka c’est grâce à mes parents qui m’ont payé une école. Mon mari aussi m’a beaucoup soutenu et me soutient toujours.
De toute façon, dans l’histoire ce sont des enfants. Pour eux la famille est le socle de base, c’est donc logique que ce soit une référence pour faire avancer l’histoire.



Par rapport à la conception de l’œuvre, d’où vous est venue la conception de l’histoire ? Avez-vous éventuellement une fin en tête ?


Marie Sasano : Le message central de l’histoire est de tout faire pour réaliser ses rêves. J’ai toujours voulu devenir mangaka, j’ai tout fait pour réaliser cet objectif et je voulais que le lecteur ressente ce message. Je pense que tous les enfants ont un rêve qu’ils ont envie de réaliser quelque part mais au lieu d’abandonner, je veux leur montrer que si on persévère on peut arriver à ses objectifs. Momo est l’image de l’enfant qui ne se laisse jamais abattre.

Après en ce qui concerne la trame globale de l’histoire je l’ai en tête mais je n’ai pas encore les détails des étapes.





Vous qui avez persévéré pendant 13 ans pour pouvoir enfin devenir mangaka. Votre premier manga est d’abord publié en France. Ce n’est peut-être pas la forme à laquelle vous pensiez au départ. Quel est votre ressenti sur cette expérience ?



Marie Sasano : Je ne sais pas si j’aurais pu devenir mangaka au Japon. La publication de Momo est une succession de hasard. C’est mon mari qui m’a montré le papier du concours qui m’a permis d’aller à l’évènement où j’ai rencontré les éditions Ki-oon. C’est pendant cette rencontre qu’on m’a parlé de dessiner des livres pour enfants et j’avais moi-même un enfant en bas à âge à l’époque. C’est pour cela que nos intérêts se sont rencontrés. C’est à cet instant que tout s’est enclenché. Maintenant je me dis que si je n’ai pas pu devenir mangaka au Japon c’était peut-être pour m’amener à cette rencontre et à cette réalisation.



Quelles furent vos influences en tant que lectrice ?



Marie Sasano : Le premier manga que j’ai lu, je pense que c’était Sailor Moon. J’ai lu divers autres mangas mais c’est celui qui était à la base de tout. En termes de dessin j’ai aussi beaucoup été influencée par Kyôko Maki qui est mon auteure préférée. On m’a déjà dit qu’il y avait des ressemblances.


Interview réalisée par Zebuline, Takato et Koiwai. Remerciements à Marie Sasano, à Ki-oon pour la rencontre et à Kim Bedenne et Mai Ono pour la traduction.