Ciné-Asie Chronique - Hero

De tous temps Hong Kong a produit quantité de films de sabres, les Wu Xia Pian, ils ont une place à part dans la culture cinématographique du pays, mais ils étaient quelque peu tombés en désuétude. Le célèbre et excellent « Tigre et Dragon » allait relancer la machine et mieux encore, étendre le genre au marché occidental ! Et soudain survint Hero !

Il y a le cinéma et il y a Hero... dont voici la chronique réalisée par Erkael !


 
 
A l’origine du projet, un réalisateur talentueux, amateur de belles images et de poésie mais qui ne s’était jamais attaqué au Wu Xia Pian, et pourtant il voulait en faire depuis longtemps : Zhang Yimou , le réalisateur de Épouses en concubines (entre autres). Il ne le sait pas encore mais avec Hero il va réaliser le premier chef d’œuvre d’un triptyque sans précédent ! Et son premier essai demeurera à jamais un coup de maître inégalé !
Pour se lancer dans cette aventure, Zhang Yimou s’est entouré d’une équipe hors du commun : un chorégraphe de talent, un compositeur génial, des musiciens exceptionnels, un directeur photo reconnu dans le monde entier…et surtout un casting…sans équivalent !!
Voyez plutôt : En tête d’affiche nous avons Jet Li, rien que ça. Artiste martial de génie, il prouve enfin avec ce film qu’il peut être également un excellent acteur avec un jeu tout en sobriété mais qui en dit long. Avec lui, on trouve Tony Leung et Maggie Cheung, couple d’acteurs splendides au talent sans commune mesure qui a franchi les frontières de l’Asie depuis bien longtemps, acteurs qui se retrouvent après avoir partagé l’affiche dans plusieurs films de Wong Kar Wai. Ajoutez la jeune mais prometteuse Zhang Ziyi et vous avez tous les acteurs les plus reconnus de l’époque dans le même film. Même si cette dernière a tendance à surjouer, et du coup à sortir du lot à coté de tels collègues, elle n’en reste pas moins un atout charme supplémentaire pour le film. Comme si cela ne suffisait pas, s’ajoute à ce casting déjà impressionnant, l’acteur de théatre Chen Dao Ming, peu connu chez nous, mais qui mériterait de l’être tant son jeu est impressionnant ! Et cerise sur le gâteau, même si il dispose d’un rôle moins important que les autres acteurs précités, ce film marque aussi le retour à Hong Kong après un périple aux États Unis de Donnie Yen ! L’exceptionnel Donnie Yen qui après Hero va réinventer le cinéma d’action Hong Kongais !
Pour le coup ce film va offrir aux fans un affrontement entre Jet Li et Donnie Yen qui se retrouve dix ans après « Il était une fois en Chine 2 »…épique !

Un tel casting suffirait à lui seul pour faire de ce film un chef d’œuvre, mais c’était sans compter la volonté de Zhang Yimou de nous offrir une fresque splendide, envoûtante, emplis de poésie !

A l’époque des royaumes combattants, 2000 ans avant notre ère, le roi de Qin étend son empire et s’attire les foudres de trois assassins redoutables. « Sans nom » (Jet Li) vient offrir les épées de ces trois assassins à l’empereur ce qui lui permet de s’approcher à moins de dix pas du monarque. Au détour du récit des aventures de « Sans nom », un duel psychologique s’engage entre les deux hommes qui se retrouvent seul sans personne pour s’interposer entre eux !

Après un prologue des plus saisissants face à « Ciel Etoilé » (Donnie Yen), « Sans nom » va raconter à l’empereur sa rencontre avec « Lame Brisée » et « Flocon de neige » (Tony Leung et Maggie Cheung)…du moins il va donner sa version. Mais l’empereur va douter et va donner sa propre version des faits pour au final apprendre ce qu’il en est réellement… trois versions différentes de la même histoire, les mêmes protagonistes, à peu de choses prés les mêmes évènements, mais sous des angles de vue diamétralement opposés. On tient déjà un élément du succès du film, ces différents points de vue apportent une profondeur sans pareil au film, mais le réalisateur va apporter une touche de génie à cette idée : il va associer chaque partie du film à une couleur qui va renforcer les émotions de ces parties ! Et quand il décide d’associer des couleurs à son film, il ne le fait pas à moitié ! Dans la partie rouge, les tenues sont rouges, les décors, les murs, sont rouges, les accessoires sont rouges…dans la partie bleu même les montagnes sont bleues… visuellement on n’avait jamais vu ça et on ne reverra sans doute jamais cela. Ce parti pris est tout simplement enchanteresque et nous emporte tout le long du film…on vit un rêve éveillé !

Après un départ relativement neutre ou tout est gris avec une pointe de orange, commence la partie rouge…symbolisant la colère, la vengeance mais aussi la détermination, tel un feu qui consume les personnages…seul nuance, le noir des soldats de l’empereur, symbolisant le mal…un manichéisme voulu et assumé qui n’aura que plus d’impact lors du final. Le combat sous la pluie de feuille jaunes vient adoucir cette partie en ajoutant de la poésie et en atténuant en partie les sentiments violents des personnages.
La partie bleu qui suivra vient marquer l’importance de la tristesse et de la peine des protagonistes, mais sera aussi un symbole de renouveau qui poussera ces derniers au sacrifice. A cela suivra la partie blanche, la plus forte du film, symbole de pureté mais marquant également l’indécision des personnages un peu perdu dans le flou de leurs sentiments. Cette couleur est aussi la couleur du deuil en Asie ce qui ne manquera pas de souligner le génial Zhang Yimou. Plus douce, la partie verte, peut être vécu comme une partie sur l’espoir, empli de plénitude…
Et comme si cela ne suffisait pas le réalisateur va également associer les éléments à son film : le vent violent et rageur dans la partie rouge/jaune, l’eau calme et envoûtante dans la partie bleu, la terre avec tout ce qu’elle a d’impressionnant et de rassurant dans la partie blanche…
L’histoire, véritable drame, va nous bouleverser tout le long, le manichéisme du départ va peu à peu s’effondrer et tous les personnages vont nous toucher au plus profond de notre être. D’une histoire basique au départ, on va se retrouver avec un drame d’une grande profondeur qui réussi à nous émouvoir.

Tout dans ce film est un véritable poème qui engourdira vos sens faisant de vous un être dépourvu d’envie si ce n’est de rester scotché devant une telle beauté.
La musique n’est pas en reste et viendra renforcer les émotions multiples que l’on peut ressentir devant ce tableau vivant.

La réalisation, outre le jeu des couleurs, est absolument magnifique, Zhang Yimou manie sa caméra de façon intelligente pour nous faire pénétrer encore plus profondément dans son film. Le jeu des acteurs est, comme on l’a dit, quasiment sans faille, et même la VF rend hommage à tel niveau de perfection.

Un second DVD de bonus vient prolonger le rêve et nous fait prendre conscience de l’ampleur du projet et de la difficulté de le mettre ne œuvre. Pléthore de bonus riches et passionnants !

Hero va au delà du simple film, c’est une aventure saisissante qui vient nous happer et ne plus nous lâcher…le retour à la réalité est difficile après un tel moment de rêverie.
Bien plus qu’un simple film d’art martiaux, Hero est une fresque qui saura séduire tout le monde de part sa mise en scène géniale qui transcende ce film !