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Ciné-Asie Chronique - Failan

Jeudi, 29 Septembre 2011 à 11h17

Voici venir notre troisième chronique Ciné Asie de la semaine ! Aujourd'hui, place à une tragique histoire d'amour avec Failan, métrage réalisé par Hae-Sung Song et décortiqué par notre nouvelle chroniqueuse: Ladymusaraki.



 
 
A l’instar du cinéma chinois, le cinéma coréen est devenu de plus en plus important dans le paysage cinématographique mondial, mais il demeure mal connu malgré ses succès comme « printemps, été, automne » de Kim Ki Duk, un réalisateur très prolixe et particulièrement apprécié des festivals, il faut également citer son confrère Hong Song Sang Soo, plébiscité par la critique depuis « la Femme est l’avenir de l’homme « et qui a été sélectionné au festival de cannes 2005 avec son dernier film « conte de cinéma ».
Si les cinéastes chinois et coréens de la nouvelle génération ont pour point commun de faire des films historiques ou sociaux, les cinéastes coréens se distinguent par une représentation plus directe voire plus abrupte des rapports humains , des problèmes sociaux et
de la violence.
Le cinéma coréen est le reflet du contexte social et historique (scission des deux Corées, problèmes économiques), le concept « cinéma national « prend ici tout son sens, il faut d’ailleurs noter qu’avec la France et l’inde , la Corée du sud protége énergiquement son industrie cinématographique, notamment en imposant des quotas et en s’impliquant dans le financement des œuvres cinématographiques avec d’autant plus d’efficacité que le ministre de la culture coréen est cinéaste (le réalisateur Lee Chang –Dong, auteur du film « Oasis » sorti en 2002)


Failan/ La Strada
La comparaison pourrait être hasardeuse, en raison des contextes géographiques et des époques différents mais le spectateur attentif pourra observer que le réalisme coréen n’est peut être pas si loin du réalisme fellinien, aucun des deux cinéastes ne fait de concessions à la violence des situations et de l’environnement , à l’image de Fellini, Sung Bye Song ne cède pas à la facilité, mais contrairement à ce dernier, il laisse son héros Lee Kang – Jae accomplir sa rédemption bien que la réalité finisse par le rattraper.
Comment ne pas songer à Zampano en regardant Lee Kang Jae, un faux dur pris dans la violence des gangs et des trafics minables qui se surprend à éprouver de l’amour pour une femme qu’il ne connaît que par ses lettres et sa photo – et vidéo- et il est impossible de ne pas comparer Failan à Gelsomina – toutes deux icônes de l’ innocence et de la pureté en butte à la cruauté du monde.
La critique sociale est présente de manière claire dans les deux films, mais pour « Failan » il faut aussi lire la dimension politique, car l’histoire de Lee Kang – Jae et Failan apparaît comme la métaphore de la séparation douloureuse des deux Corées, un sujet qui hantent tous les artistes coréens à des degrés divers. Malgré la noirceur et le désespoir présents dans les deux films aucun des deux n’exclut ni l’émotion ni la subtilité.


Failan : l’espace, le temps, l’ombre et la Lumière
A l’instar de son confrère Stanley Kwan, Sung Hye Song donne à voir avec « Failan » un rapport particulier au temps –spécifiquement liée à la culture asiatique- il y a cette même lenteur que dans « Center Stage » mais Sung Hye Song rajoute l’âpreté voire la sécheresse surtout dans la première partie- qui sont des traits communs de bons nombres de films coréens. « Failan » partage également avec « Center Stage » des choix narratifs et esthétiques audacieux, si le travail sur l’espace et le temps sont les règles même du cinéma, le réalisateur en fait ici les piliers narratifs et l’essence même de la dramaturgie en détournant les règles pour donner un impact à son histoire.
- L’espace : Sung Hye Song filme à merveille deux espaces distincts ou se trouvent les deux protagonistes : Lee Kang – Jae évolue dans un espace urbain saturé et cloisonné ( la hiérarchie et la soumission au gang) à l’opposé de ce qu’il veut et de ce qu’il est ( la mer, le passé de marin, le désir de sérénité) tandis que Failan évolue dans un espace à la fois étroit (la blanchisserie, sa chambre) et vaste ( la mer et la plage) qui lui donne liberté et sérénité malgré sa solitude. La caméra retranscrit avec force l’état d’esprit de chacun des personnages dans leur espace respectif, elle est nerveuse et âpre pour Lee, et fixe et caressante pour Failan.
Lorsque Lee part sur les traces de Failan, il est à son tour gagné par la sérénité et submergé par l’émotion qui le conduiront à sa prise de conscience. Au même titre que « La Strada » la mer et la plage sont des lieux essentiels pour l’ histoire, ils représentent le noeud de la dramaturgie
(solitude de Failan et douleur de Lee) et le contrepoint qui apaise l’ambiance sombre du film. Il faut noter que Failan ne pénètre que deux fois l’espace de Lee Kang – Jae, lorsqu’elle cherche un emploi – elle est confrontée à l’hostilité urbaine- et quand elle cherche vainement à rencontrer Lee Kang- Jae qui se fait arrêter par la police.
- Le temps : ce qui donne à « Failan » son originalité c’est le traitement et la représentation du temps. Nous avons déjà précisé que le rapport au temps était une question importante pour le cinéma asiatique mais elle est aussi pour le cinéma en général. Le travail sur le temps qui matérialise la distance physique et géographique ( métaphore pour la séparation des deux Corées) se décline de plusieurs façons : tout d’abord par le flash – back en noir et blanc de la séquence d’ouverture avec une indication temporelle précise - la date du 3 décembre 1999 - cette séquence permet de signifier le statut de réfugiée de Failan et son état précaire, une autre marque temporelle arrive après ce flash back » un an plus tard » signifiant l’échéance du visa temporaire et l’urgence pour elle de contracter un mariage blanc.
L’utilisation du décalage et du montage parallèle intervient au moment ou Failan apparaît à l’image et devient un élément permanent quand Lee Kang Jae sur les traces de Failan, la force de la narration réside de rendre palpable l’attachement de Failan pour ce mari lointain et l’émotion de Lee à la découverte de cette épouse idéale. Le cinéaste redéfinit la notion de temps , ainsi par l’utilisation de la voix off, Failan paraît proche bien qu’ayant disparue. Par cette présence/absence, Lee expérimente le remords et le deuil, « Failan » apparaît donc comme une histoire à contre temps. le montage parallèle abolit la distance physique et psychique mais seulement aux yeux des spectateurs – qui demeurera frusté par la non rencontre des deux héros-
- L’ombre et la lumière : l’ombre et la lumière sont des éléments qui sont ici, utilisés pour l’esthétique et sa narration. Dans la première partie, la photographie est sombre voire sale à l’image du milieu ou évolue Lee-Kang Jae - beaucoup de scènes se déroulent la nuit - à l’opposé quand Failan apparaît l’image se fait plus lumineuse, il faut noter que son visage est pratiquement toujours filmé en gros plan, celle ci semble en permanence entourée d’ un halo y compris quand elle allume la lampe de sa chambre.
Cette luminosité rejaillit sur Lee Kang Jae qui en partant à recherche, se métamorphose sur le plan physique et moral ( voir ou Lee Kang Jae est séduit par le paysage et s’amuse à glisser sur le lac gelé. Le film bascule également de l’ombre vers la lumière du point de vue narratif, en découvrant l’amour de Failan, Lee Kang–Jae se découvre une autre personnalité et entrevoit une autre vie- il tentera de devenir l’homme que Failan a idéalisé -la séquences des rites funéraires et celle ou il lit en pleurant la dernière lettre de Failan- permettent au spectateur de mesurer
l’évolution et le bouleversement du héros, et c’est là que réside la force du jeu d’acteur de Choi Min Sik et le talent du réalisateur. Dans ce jeu d’ombre et de lumière, il faut noter que le réalisateur utilise deux fois le noir et blanc : pour la séquence d’ouverture qui fait
office de flash back et la séquence de fin – Failan sur la plage- pour fixer à jamais l’ image de la jeune femme dans l’esprit de Lee Kang-Jae -c’est la dernière image qu’il gardera avant de mourir- et dans celui du spectateur.


« Failan » aurait pu être un film banal et sordide si Sung Hye Song n’avait fait des choix narratifs et esthétiques précis servis par deux grands acteurs habités par leurs personnages, le film oscille entre l’ombre et la lumière, la brutalité et la douceur mais la plus grande force du film réside dans la définition de l’espace et du temps – règle de base du cinéma- par l’utilisation du montage parallèle et du décalage qui permet de suivre le parcours tragique des deux amants et donne vie à leur histoire d’amour atypique. 

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commentaires

Kimi

De Kimi [3393 Pts], le 29 Septembre 2011 à 21h56

Pour une première chronique, celle-ci a très complète! Félicitations! ;)

Kiraa7

De Kiraa7 [2429 Pts], le 29 Septembre 2011 à 20h33

Félicitations à la nouvelle chroniqueuse !

La chronique est très bien, mais le film ne me botte pas plus que ça :)

Michiru

De Michiru [2072 Pts], le 29 Septembre 2011 à 18h28

Oui l'affiche est très belle ^^

charliely

De charliely [163 Pts], le 29 Septembre 2011 à 18h27

Je rajoute juste que l'actrice qui joue "Failan" s'appelle Cecilia Cheung, actrice Hong-Kongaise et accessoirement femme de l'acteur Hong-Kongais Nicolas Tse LOL !

Je le rajoute vu qu'apparemment son nom n'a pas été mentionné dans tout l'article.

Et malgré que l'actrice n'ait pas eu beaucoup à parler (en coréen) dans le film, elle avait bien interprété le rôle. Je trouvais qu'elle avait beaucoup de potentiel à cette époque-là (jeune et très talentueuse) mais l'avenir en a décider autrement LOL ! (je ne dis pas qu'elle est mauvaise actrice LOL, juste que ses choix dans les rôles sont bof !).

 

En tout cas, merci pour l'article, cela me rappelle des souvenirs  !

akiko

De akiko [5480 Pts], le 29 Septembre 2011 à 18h22

Très belle affiche de ciné ^^ 

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