World War Demons Vol.1 - Actualité manga
World War Demons Vol.1 - Manga

World War Demons Vol.1 : Critiques

Sekai Oni

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 15 Septembre 2017

La populaire collection WTF?! des éditions Akata, en cette rentrée, accueille un nouveau shônen perché avec World War Demons, De son nom original Sekai Oni, cette série en 11 tomes fut la première oeuvre du mangaka Uru Okabe, un auteur qui, depuis, a dessiné au Japon un autre titre, Good Night World. A l'instar d'un certain Mob Psycho 100, ce manga a été prépublié sur le site Ura Sunday de Shôgakukan, un site qui aime laisser libre cours à l'imagination d'artistes atypiques et ne pouvant pas forcément correspondre au style plus grand public du classique Shônen Sunday, le magazine shônen phare de l'éditeur. A à l'instar de l'oeuvre de ONE, la série d'Okabe s'incrit bel et bien dans cette veine visuelle hors des sentiers battus.

World War Demons nous plonge à Saitama, aux côtés d'Azuma Shinonome, une jeune collégienne qui apparaît bien sombre, taciturne et inexpressive. Mais si elle est comme ça, c'est pour de terribles raisons. Depuis la mort de son père et la disparition de sa mère, elle vit chez son oncle et sa tante, qui font de son existence un désespoir permanent. Ses cousins passent leurs nerfs sur elle en la frappant, sa tata la martyrise en prenant plaisir à la nourrir mal et très peu, et son tonton, régulièrement, vient la visiter dans sa chambre pour lui faire connaître les pires horreurs sexuelles... Battue, mal nourrie, violée, la fillette ne va plus au collège, s'est complètement repliée sur elle-même... et doit déjà, à son âge, se confronter aux duretés du monde adulte. A force de désespoir, elle a développé une étrange maladie psychologique, qui ressemble au premier abord au syndrome d'Alice au pays des merveilles, un trouble neurologique qui existe réellement (on le connaît aussi sous le nom de syndrome de Todd) et qui modifie la perception de l’espace, du temps et de soi-même. Mais son cas à elle est plus profond encore : il s'agit d'une variante nommée le syndrome d'Alice de l'autre côté du miroir, qui ne cause des hallucinations que via les reflets (miroir, flaque d'eau...). Malheureusement, la jeune fille ne peut se faire soigner, car elle n'a ni argent ni assurance.
Et c'est cette maladie bizarre qui va la propulser dans une guerre impensable : à l'heure où des catastrophes ont lieu de plus en plus souvent à travers le monde, il s'avère que celles-ci sont provoquées par des démons. A cause de (ou grâce à) son étrange syndrome, l'enfant se retrouve projetée dans un monde parallèle en compagnie de six autres personnes qui ont développé le même mal qu'elle. Sous la houlette d'une étrange entité se faisant appeler le démon de Cheshire (une autre référence à Alice au Pays des Merveilles), ces 7 humains vont devoir affronter, à chaque fois qu'ils seront transportés dans cet univers, l'un des six "démons de l'univers" à l'origine des catastrophes et menaçant de mener la planète à sa perte.

Le concept de base de la série a forcément un petit goût de déjà-vu, et rien que dans le milieu du manga, on peut penser à des titres comme Samidare ou Bokurano. Cela dit, l'oeuvre d'Uru Okabe devrait sans doute, sur la longueur, trouver sa propre voie, ne serait-ce que par l'originalité que constitue la nature des 7 humains chargés de vaincre les démons : visiblement, pour qu'ils aient développé ainsi le syndrome d'Alice de l'autre côté du miroir, ce sont tous des gens marqués par un passé terrible et des événements traumatisants... que l'on attend désormais de voir se révéler au fil de la série, car sur ce tome 1 qui n'est qu'une introduction, aucun, hormis Azuma, ne se dégage excessivement du lots. On peut tout de même souligner les cas de Kôtarô Utô, éditeur de manga prétentieux qui analyse tout et permet d'amener l'essentiel des éléments de présentation, de Kaito Ôkura, ancien militaire ravagé qui est désormais en prison, ou de Teruki Adachi, travailleur précaire de 19 ans, mais concrètement aucun d'eux hormis notre jeune héroïne n'a déjà révélé les raisons profondes de leur trouble.

Etant avant tout un tome d'introduction, ce premier volume a le mérite de poser convenablement toutes les bases, à commencer par une ambiance tragique et brutale qui se ressent dès le départ, avec la violence exercée sur la pauvre Azuma par sa famille d'adoption. Le cas le plus terrible est bien celui de l'oncle : Okabe nous laisse d'abord deviner avec effroi ce qu'il fait subir à sa nièce en employant une métaphore visuelle où il a un pénis à la place du nez, puis il accentue l'horreur en n'hésitant pas à offrir quelques brèves pages-choc qui ne laissent plus aucun doute sur l'horreur que la fillette doit continuellement subir.
C'est précisément pendant l'un de ses viols qu'Azuma se retrouve plongée pour la première fois dans le monde parallèle, à tel point que celui-ci pourrait presque apparaître comme un moyen pour la pauvre enfant de fuir, d'échapper à l'horrible réalité. Et dès lors, on découvre avec intérêt les premiers jets d'informations sur cette guerre contre les "démons de l'univers". L'auteur nous montre qu'il a malicieusement pensé les choses via plusieurs détails, par exemple le fait que tout s'inverse quand ils franchissent le "miroir" : ainsi, dans le monde parallèle une droitière devient gauchère, etc... Puis on apprend notamment que cet univers est un monde artificiel conçu pour "l'exécution universelle", qu'un seul démon apparaît par nuit, que dans cet univers les 7 humains sont présents sous formes d'avatars d'eux-même, mais que s'ils meurent dans cet univers ils mourront aussi dans la réalité. Pour ce battre contre ces démons qui seront tous bien différents et sûrement de plus en plus forts, ils pourront notamment compter sur leur capacité à matérialiser ce qu'ils veulent et imaginent, mais pour cela ils devront forcément "savoir" et "comprendre" ce qu'ils veulent matérialiser : par exemple s'ils veulent faire apparaître un flingue en état de fonctionner, ils doivent préalablement savoir précisément comment un pistolet marche et ce qui le compose. Mais ils devront prendre garde, car toute matérialisation a une contrepartie. Et qui plus est, leur énergie vitale, qu'ils consomment plus ou moins à chaque action, n'est pas illimitée, et une fois celle-ci épuisée, c'est la mort.

Il faut bien se dire que tout ceci n'est qu'un premier jet des bases, car évidemment il reste beaucoup de choses à préciser. En cela, la lecture est assez stimulante, on a bien envie d'en découvrir davantage autant sur les personnages que sur cet univers parallèle et sur les démons.

Visuellement, World War Demons peut demander un temps d'adaptation.
On ne peut pas aller jusqu'à dire que c'est moche, mais l'oeuvre, à l'instar d'un Mob Psycho 1000, ne correspond assurément pas aux standards habituels. Les fonds sont régulièrement assez vides, et le design de certains personnages est vraiment particulier, en tête celui d'Azuma qui a souvent les yeux très bizarrement placés et assez envahissants. Egalement, l'utilisation des trames reste plutôt grossière.
Et pourtant, il y a vraiment un style qui se met en place, et qui ne demande qu'à atteindre sa maturation sur la longueur. A l'image de sa métaphore de l'oncle au nez-pénis, le mangaka offre régulièrement des petites idées intéressantes, et il faut également saluer son désir d'offrir des choses originales du côté des designs des démons, dont la conception est réellement soignée. Enfin, l'artiste semble prendre plaisir à beaucoup varier ses découpages. Ceux-cis sont rarement académiques, participent bien à l'ambiance et au dynamisme global, par exemple avec des cases en diagonale, qui se chevauchent un peu, voire qui s'arrondissent... Il n'est pas rare non plus de voir sortir du cadre des cases des éléments comme des personnages ou des onomatopées. Et c'est sûrement lors des moments plus axés action qu'Uru Okabe s'affranchit le plus des normes de découpage.
En plus de tout ça, Okabe prend un malin plaisir, surtout via le personnage de Kôtarô Utô, à offrir bon nombre de références à la culture manga, faisant par exemple référence à Gantz, à Bokurano, à plusieurs shônen développant le concept de matérialisation, ou encore à l'aspect novateur de L'école emportée de Kazuo Umezu à son époque.

Dans son ensemble, ce premier volume est très intrigant, et parvient à faire forte impression par certains aspects (surtout la violence que la malheureuse Azuma doit affronter au quotidien). Côté scénario, les bases sont dans l'ensemble suffisamment bien posées, et visuellement, c'est à la fois maladroit et porté par une forte envie de ne pas faire dans le classicisme. World War Demons regorge de bonnes idées dans son concept, ses thématiques et ses visuels, et il n'y a plus qu'à espérer que ce potentiel se confirme par la suite. Ca tombe bien, afin de nous permettre de déjà nous donner une meilleure idée de la chose, les éditions Akata ont sorti le tome 2 en même temps que le premier volume !

Concernant l'édition, difficile de ne pas saluer le travail magistral effectué par l'éditeur sur la jaquette ! Grâce à ses vernis sélectifs légèrement en relief, aussi bien sur la première de couverture que sur le dos, le tome attire facilement l'oeil. Qui plus est, le logo-titre est très bien trouvé, et on appréciera l'alternance de noir et de blanc qui a dû demander un travail minutieux. A l'intérieur, le papier est bien épais tout en restant souple, l'impression en Italie chez Lego est excellente, la traduction de Chiharu Chûjo est très limpide, et le travail de traduction sur les onomatopées est très réussi et participe activement à l'ambiance.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
14 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs