Adulteland - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 01 Septembre 2014

Oh Yeong Jin est un auteur coréen atypique, au trait tout droit venu de nulle part. Il ne semble ni s’être inspiré du manga, ni de la BD franco-belge. Il s’est illustré principalement avec Le Visiteur du Sud, un récit mettant en scène les relations entre les deux Corées. Dans Adulteland, il touche au social et la science-fiction d’anticipation.


Dans ce bel ouvrage édité en France par FLBLB, l’auteur nous peint le portrait de personnages, des gens d’âge mûr pour la plupart, en proie aux doutes de notre société contemporaine : la peur du chômage, la dépression, la perte d’un proche… Tout se rassemble autour d’un étrange point commun : des robots d’apparence féminine, mis à disposition à des gens en recherche d’affection dans un parc d’attractions appelé « Adulteland » et qui leur font la conversation.


Ce qui distingue cette histoire de science-fiction de celle des autres, c’est que l’aspect SF et l’aspect social sont très distingués. En réalité, les robots ne servent qu’à justifier la réaction de certains personnages, pour que l’auteur puisse mieux parler de ces problèmes de société. C’est une sorte de prisme.


Et justement, la psychologie des protagonistes et la façon toutes les intrigues s’entremêlent sont des éléments parfaitement gérés par Oh Yeong Jin. L’histoire ne paie pas de mine au départ, notamment quand on regarde les cases qui se déroulent de manière régulière (six par six) et qui, l’on pense, ne permettent pas une narration surprenante. De même, le dessin est plutôt minimaliste, sans trop de décors, juste quelques jeux de lumière. Le premier « chapitre » montre un personnage dialoguant avec un robot d’Adulteland, et croit reconnaître sa femme, décédée il y a quelque temps. On peut même se dire que ce pitch n’est pas d’une originalité exceptionnelle. Pourtant, une fois l’ouvrage lu, on ne peut qu’applaudir l’auteur pour sa maîtrise, où toutes les histoires de tous les personnages présentés se rejoignent, en se permettant des effets de flash-back assez bluffants compte tenu de ce format de narration. Adulteland est une histoire rondement menée d’un bout à l’autre d’un point de vue qualitatif.


En plus de cela, les thématiques abordées valent le coup d’œil. Là où, dans le milieu du manga, nous connaissons beaucoup d’auteurs, à l’instar d’Inio Asano, qui peuvent parler du mal-être humain avec brio, il est intéressant de s’attarder sur une autre nation de la bande dessinée qu’est la Corée du Sud. Le témoignage des personnages transpire l’émotivité, la nostalgie même par moment (comme lorsque Park contemple le bord de la mer et dit que « c’est le bout du monde », « qu’il n’y a plus rien après cela »), sans pour autant d’excès dans le pathos. Le propos de l’auteur sonne juste.


Enfin, parlons un peu des sujets qui fâchent : le dessin. Les visages féminins présentent de longs mentons pointus, les visages masculins sont plus variés, mais tout disgracieux… Est-ce qu’on peut parler de laideur ? Pas sûr ! Ce trait si étrange est pleinement maîtrisé, et surtout, totalement unique ! Et comme dit plus haut, la mise en scène en apparence simpliste (six cases par six cases) montre en fait un remarquable jeu sur le noir et blanc et renforce certains aspects dramatiques ou inquiétants.


En bref, Adulteland est une franche réussite. Au cas où le monde ne le sait pas encore, la Corée est capable de réaliser des bandes dessinées qui ne sont pas décalquées de leurs voisins japonais, la preuve en fait avec l’œuvre de Oh Yeong Jin. Et c’est tant mieux !


L’édition de FLBLB est convaincante. Hormis l’absence de rabat sur les couvertures qui occasionne rapidement des dégâts sur les contours, le papier est d’excellente qualité et la traduction, impeccable. Merci à eux de publier un auteur tel que celui-ci !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Raimaru
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs