ARAMAKI Shinji - Actualité manga

ARAMAKI Shinji 荒牧 伸志

Interview de l'auteur

Publiée le Lundi, 20 Avril 2015

Interview 1 :



Alors que Captain Harlock est actuellement projeté dans les salles obscures nippones, nous vous proposons aujourd'hui l'interview de son réalisateur Shinji Aramaki, réalisée lors de la première édition de Geekopolis à Montreuil en mai dernier.

    En tant que pionnier dans les longs-métrages d’animation en images de synthèse au Japon, quel a été votre sentiment Shinji Aramaki lors de notre interview au Dernier Bar Avant la Fin du Mondelorsqu’on vous a proposé de diriger Captain Harlock ?

J'ai été contacté par la Toei pour travailler sur ce projet-là mais, au départ, ce n'était simplement qu'un pilote. Pour moi qui possède toute la collection et que j'adorais lorsque j'étais adolescent, j'étais extrêmement excité à cette idée. Même si ce n'était pas encore un projet de film, c'était tout de même une bonne occasion de s'éclater, donc je me suis dit "Ok ! Allons-y !". C'est comme ça que je l'ai ressenti.

    Votre travail sur les personnages de Starship Troopers Invasion, plus réaliste que les Appleseed, a-t-il influencé le style graphique choisi pour Captain Harlock ?

Appleseed : EX MachinaEn fait, il faut savoir que Starship troopers Invasion et Appleseed ont été pratiquement dirigés en parallèle, il y a donc forcément eu des influences mutuelles. Comme vous le savez, Starship Troopers était un film live action à la base, et c'est en pensant à tous les fans des films que je me suis dit qu'il fallait faire quelque chose de réaliste. Mais pour Harlock, nous avions pris cette décision dès le départ, et l'on peut ainsi dire qu'il n'y a pas eu d'influence.

    Comment avez-vous mis vos talents de mecha designer à contribution dans Captain Harlock ?

En fait, je n'ai pas vraiment touché directement au mecha design. C'est plutôt l'une de mes connaissances, Takaguchi-san, qui a par exemple réalisé le design de l'Arcadia. Bien entendu, j'ai néanmoins réalisé tout le travail brut qui a servi de base aux mecha designers par la suite. Également, lorsque Takaguchi-san n'a plus eu assez de temps après s'être occupé de points de détails très importants, comme le pont de l'Arcadia, j'ai pris sa relève.

    On peut voir dans le making-of de Starship Troopers Invasion que vous avez eu accès aux archives de Sony, et notamment une réplique du vaisseau Rodger Young de trois mètres de long. Est-ce que, pour Harlock, vous avez eu accès à des trésors similaires ?

Nous avons eu accès aux sets, c'est-à-dire les dessins de concepts du dessin animé d'il y a trente ans. On m'en a donné plein, mais je n'ai pratiquement rien regardé car je me souvenais absolument de tout ce que j'avais vu étant enfant (rires). J'ai néanmoins parfois repris le manga de Matsumoto-sensei comme référence, afin de me rapprocher le plus possible de l'original.

    Avez-vous travaillé en étroite collaboration avec Leiji Matsumoto ?

En fait, il y a simplement eu les choses de base. Je suis venu pour le saluer et lui dire que j'allais m'occuper du film, puis je l'ai consulté en cours de route alors qu'il venait voir comment le travail avançait. Il a vraiment fait le geste de venir au moins une fois voir comment ça se passait, et a été extrêmement ému qu'il y ait autant de jeunes créateurs qui travaillent sur le projet. Mais, les deux tiers du temps, il a en fait signé des dédicaces au staff (rires). Un très bon moyen de motiver les troupes !

    À quelle époque se situe l’histoire de Captain Harlock ? Est-ce une suite directe de l’un des arcs scénaristiques développés par les séries précédentes ?

Cette fois, c’est plutôt un reboot. Nous avons surtout gardé le personnage de Harlock et son entourage, sans préciser l'époque. On a vraiment voulu reconstruire la légende de Harlock, et ce à partir de zéro.

    Qu’est-ce que le budget alloué par la Toei Animation vous a permis de faire que vous n’auriez pas pu avec vos précédentes productions ?

Il y en a beaucoup. J'avais toujours eu envie de faire comme dans Avatar de James Cameron, à savoir de la performance capture, avec le corps mais aussi les expressions faciales enregistrées pour avoir un rendu très réaliste. Mais ce n'est pas tout, puisque nous avons pu utiliser un nouveau pipeline pour le rendu des images, avec un nouveau moteur spécifique au long-métrage.

    C’est la première fois que vous travaillez avec la 3D. Qu’est-ce que cela a changé pour vous ?

Vous parlez de la 3D stéréoscopique ? Et bien j'ai surtout vu son utilité dans certains plans, où j'ai pensé que ça devait avoir plus de punch. J'ai bien fait attention à ne pas faire de séries de plans très courts, pour plutôt m'arranger à ce que chacun d'entre eux aient une certaine longueur. L'espace est, de plus, un monde avec une grande profondeur, donc j'ai vraiment fait attention à ce que la 3D stéréoscopique apporte un bon rendu.

    Ne vous est-il jamais venu à l'idée de faire comme Alfonso Cuarón, notamment sur son film Gravity, à savoir des plans séquences en 3D ?

(Rayonnant) Ah ! Non, il n'y a rien d'aussi long que ça !

    Mais est-ce que vous aimeriez pouvoir le faire ?

Ah, c'est vrai que ce serait intéressant d'y arriver mais, pour moi, il faudrait qu'une telle séquence ait sa place dans le scénario. Sinon ça ne serait qu'un plaisir coupable pour les yeux (souriant).

    Enfin, quels sont vos projets futurs ? Pas d’Appleseed 3 en vue, ni de suite à Starship Troopers Invasion ?

Désolé de la formulation extrêmement ambiguë, mais même si c'était le cas je ne serais pas autorisé à le dire (rires) ! Je suis désolé, je ne peux dire que ça !

    Changeons alors la dernière question ! Pourquoi a-t-il fallu que le vaisseau de Starship Troopers Invasion faillisse s'écraser sur Paris dans le film ?

Il y a une petite histoire derrière les coulisses pour ça. Le producteur de Sony Pictures sur ce projet-là avait grandi à Paris, et c'est pour ça qu'il a énormément insisté pour que cela se passe à Paris. Il nous disait qu'il n'y aurait pas de problèmes pour les droits, et que donc on devait mettre la tour Eiffel ! Mais le staff se plaignait de ne pas savoir à quoi la capitale française pourrait ressembler dans le futur (rires), mais il nous a dit que, de toutes façons, ça ne devrait pas changer tant que ça !

L'équipe avait tellement de difficultés à faire les backgrounds de Paris qu'ils ont été insister, voire même supplier le producteur plus d'une fois. Il faut savoir qu'au départ, l'action devait se passer en banlieue, et le vaisseau allait ensuite s'écraser dans Paris. Mais, à force de discussions avec le producteur, l'équipe a réussit à déplacer le crash jusqu'en Ukraine, pour que ce soit vide et beaucoup plus simple à rendre à l'écran. La complexité de Paris aurait aurait été impossible si la scène dû s'y dérouler.

    Et bien, merci infiniment pour cette anecdote croustillante !

Merci à vous, je me suis bien amusé !

Mise en ligne le 22/10/2013.


Interview 2 :



Fort du succès de son film Albator, Corsaire de l'Espace, qui revisite en images de synthèse les aventures du célèbre "captaine corsaire", Shinji Aramaki était de retour en France en juillet 2014, à l'occasion du 15ème impact de Japan Expo. Il profita du salon pour présenter en avant-première sa nouvelle production, Appleseed Alpha, qui offre un reboot aux aventures de Deunan et Briareos. Très demandé durant le festival, le réalisateur a répondu à de nombreuses interviews, à tel point que les entretiens s'en retrouvaient fort écourtés... Notre équipe a cependant pu lui poser quelques questions.
   
    
   
      
Bonjour M. Aramaki, et merci pour cet entretien. Pouvez-vous nous parler de vos débuts dans le monde de l'animation, et plus particulièrement dans le mecha-design ?
Je me suis intéressé très jeune à l'animation, mais ce n'est qu'à la fac que j'ai commencé à me pencher sérieusement sur le sujet. Pendant mes années de fac, je faisais partie d'un club où nous proposions quelques créations. A l'âge de 20 ans, j'avais déjà réalisé un court-métrage d'une vingtaine de minutes, qui m'a ouvert les portes du domaine professionnel : un de mes amis l'a présenté à de grandes firmes, qui m'ont alors repéré. J'ai ainsi arrêté mes études et je suis allé à Tokyo pour travailler.
  
A 21 ans, J'ai d'abord été engagé par la firme de jouets Takara, où j'ai commencé à concevoir des designs de robots pouvant changer de forme. Grâce à cette première expérience, j'ai commencé à étendre mon réseau de contacts, pour pouvoir accéder aux maisons de productions d'anime. J'ai ainsi fait mes débuts sur Macross, puis mon premier travail de mecha-designer pour Mospeada (Robotech – New Generation).
  
Je me suis tourné vers les mechas car, comme beaucoup de monde je suppose, j'aime beaucoup le design des voitures et des avions. Tous les enfants sont fascinés par les grandes machines, je pense ! J'ai peut-être aussi subi l'influence de mon père, qui faisait également de la réalisation et qui possédait du matériel professionnel. Pour ce qui est du dessin, je me souviens que je reproduisais souvent les vaisseaux que je pouvais voir à la télévision, comme le Yamato. D'ailleurs, malgré les années qui passent, l'émerveillement reste toujours le même.
    
   
  
   
     
Vous êtes l'un des rares réalisateurs japonais à travailler en images de synthèse. Selon vous, pourquoi les grands films d'animation 3D ont mis si longtemps à percer au Japon ? Y a-t-il une frilosité de s'échapper de la traditionnelle 2D ? 
Très simplement, le milieu de l'animation japonaise est basé sur un modèle très structuré, qui existe ainsi depuis des décennies. Et les productions traditionnelles d'animation en 2D continuent de fonctionner auprès des spectateurs. D'un point de vue financier, les techniques 3D sont bien plus coûteuses, pour un résultat auprès du public qui n'est pas forcément à la hauteur des attentes des producteurs.
   
Les images de synthèses sont aujourd'hui beaucoup utilisé dans le domaine du mecha, où elles offrent facilement un résultat très correct. Mais il n'en est pas de même lorsque l'on veut animer des personnages. Il est difficile d'exprimer autant d'émotions qu'avec un dessin classique. En tous cas, c'est ce que les spectateurs préfèrent, et ce sont toujours eux qui ont le dernier mot !
   
   
Pour Albator, vous avez procédé à de nombreux changements par rapport au manga original. Quels choix d'adaptation ont été pour vous les plus importants que vous avez du faire sur l'adaptation ? Quel message vouliez-vous faire passer avec cette version ?
Il y a beaucoup de changements qui ne sont pas de mon ressort, nous étions beaucoup à travailler de concert sur l'histoire. Avec le scénariste du film, Harutoshi Fukui, notre optique était de proposer un véritable reboot de la licence, pour présenter le monde de Harlock sous un nouveau jour. Après tout, la série d'origine a déjà 30 ans, et nous devions le faire découvrir à la génération qui n'a pas grandi avec lui. 
   
Le changement le plus important, par rapport au récit d'origine, a été de supprimer les Sylvidres pour proposer un conflit entre factions humaines. C'est le choix qui a été le plus lourd et le plus réfléchi à prendre lors de la genèse du film.
    
   
Avec Appleseed Alpha, vous revenez sur le passé des deux héros, Deunan et Briareos, avant leur arrivée à Olympus. Pourquoi avoir décidé de faire une préquelle des précédents Appleseed avec ce nouveau long métrage ? Est-ce une logique de reboot ?
J'ai eu en effet l'envie de prendre un nouveau départ, en espérant que ce film puisse appeler à ses propres suites. Mais je souhaitais également quitter Olympus pour mieux mettre en avant les deux protagonistes, et étudier plus profondément la relation qui les unit. 
     
     
   
   
   
Remerciements à Shinji Aramaki, à son interprète, ainsi qu'à l'équipe de Japan Expo.
 
Mise en ligne le 20/04/2015.