Rencontre avec Shonen autour d'Outlaw Players- Actus manga
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Manga Rencontre avec Shonen autour d'Outlaw Players

Samedi, 24 Septembre 2016 à 17h00 - Source :Rubrique interviews

En juillet dernier se tenait l’édition 2016 de Japan Expo, apportant son lot d’invités et de mangaka. L’un d’eux fut Shonen, auteur français au dessin très dense, connu jusqu’ici pour son coup de crayon sur BB Project et Omega Complex. Sa venue célébrait la sortie d’Outlaw Players aux éditions Ki-oon, un projet de longue date remis aux goûts du jour et plongeant ses lecteurs dans un univers virtuel. Shonen a accepté de répondre à nos questions afin de décortiquer sa série et ses influences, un entretien auquel s’est joint Ahmed Agne, directeur de publication aux éditions Ki-oon, nous livrant ainsi l’envers du décor éditorial de la série.



A l’origine, Outlaw Players est un webcomic que vous avez créé en 2002. Pouvez-vous nous parler de cette première version ?

Shonen : A la base, cette première monture d’Outlaw Players était plus une farce qu’autre chose, un délire personnel car j’étais moi-même joueur de beaucoup de J-RPG et de titres d’action. J’ai simplement mis un contexte, piégé des gens dans un jeu virtuel, puis parodié ce qu’on pouvait voir dans les jeux.


Quelles sont les différences majeures avec la version que l’on découvre chez Ki-oon ?

Shonen : La différence majeur c’est qu’il y a désormais une trame (rires). Il y a un contexte, une histoire, et on en sait par exemple beaucoup plus sur les concepts technologiques présents dans la série. A l’origine, il n’y avait rien de tout ça et le manga ressemblait surtout à un délire.

Ahmed : Je n’ai jamais pu voir les planches. Shonen a honte, alors il les cache. (rires)

Shonen : Les dessins datent de 2002 et ne sont qu’en crayonnés donc… Il y a eu une évolution graphique depuis. On pouvait juste lire le premier chapitre en 2009 ou 2010, mais il est difficilement trouvable maintenant. Et en plus il était en anglais !



Quatorze ans se sont écoulés depuis ce premier jet, et voilà que l’œuvre est de retour aux éditions Ki-oon. Comment s’est déroulée la collaboration ? Comment Outlaw Players est rené de ses cendres ?

Ahmed : Nous nous sommes rencontrés en 2007, à Angoulême. A cette époque, Shonen dessinait BB Project pour les Humanoïdes Associés. A cette période, Ki-oon n’avait pas les moyens humains et financiers pour se lancer dans le manga français car on n’était qu’une petite boîte de deux salariés et nous avions en contact les éditeurs japonais. Mais j’aimais beaucoup ce que Shonen faisait, je le lui avais dit ! Je m’étais toujours assuré que si un jour je devais faire du manga français, je bosserai avec lui car je trouve qu’il est un cran au-dessus des autres dessinateurs français. On s’est retrouvés en 2014 par l’intermédiaire de connaissances communes, on a parlé, et une discussion en amenant une autre Shonen a évoqué ce projet.

Shonen : En fait, tu m’as proposé à ce moment de réaliser une série qui me serait personnelle, où je serais seul. Car c’est vrai que jusqu’à présent, j’étais plus dessinateur qu’auteur. J’ai alors repensé à Outlaw Players car même si j’avais arrêté le webcomic des années auparavant, j’avais quand même pensé à la suite de l’histoire. Je réfléchissais à la manière de remettre la série aux goûts du jour car quand on m’a parlé de projet personnel, c’est à cette série que j’ai pensé et que c'est elle j’ai proposé de reprendre.


Outlaw Players se déroule dans des univers virtuels, c’est une idée en vogue dans le manga, l’animation japonaise et les light novel en ce moment. Mais sachant que le webcomic date de 2002, il fait office de pionnier pour des titres comme Sword Art Online ou Log Horizon.

Shonen : Je ne pourrais pas vous le dire vu que je n’ai pas lu ou vu ces séries. (rires)

Ahmed : Pour ma part, quand on a fait notre réunion où Shonen m’a présenté Outlaw Players, je l’ai directement averti qu’avant de lire le manga, les gens l’accuseront d’avoir fait un clone de Sword Art Online et de surfer sur un thème qui marche. C’était inévitable parce que les concepts sont proches. En tant qu’éditeur, j’ai lu Sword Art Online, Log Horizon et toutes ces séries. Si j’ai décidé de publier Outlaw Players, c’est que de mon point de vue il n’y a pas grand-chose en commun entre le titre de Shonen et les autres œuvres en terme de narration, de personnages et d’univers. Certes, ils sont dans un jeu-vidéo, mais ce n’est pas du tout la même histoire. C’est ce qui compte au final.

Shonen : Ca n’a pas l’air d’être la même chose car ce qu’on m’a dit de Sword Art Online, c’est que c’est l’administrateur du jeu qui piège ses joueurs. Dans Outlaw Players, les joueurs sont enfermés dans le jeu à cause de bugs et d’anomalies. Même le système n’est pas conscient de ses problèmes.



Comment avez-vous imaginé le jeu virtuel Thera ? Vous êtes-vous basé sur vos propres expériences vidéoludiques, sachant que vous êtes amateur de RPG ?

Shonen : C’est tout à la fois. Un lecteur, venu pour une séance de dédicace, m’a fait une excellente remarque à laquelle je n’avais jamais pensée. Il a constaté que j’avais mes influences sur des J-RPG et des RPG occidentaux, il a trouvé le tout très hybride, notamment par le côté très ouvert et le fait que dans Thera, on ne prend pas le joueur par la main. Il y a bien un tutoriel au début mais c’est pour donner les bases au joueur qui, ensuite, est libre de partir à l’aventure et faire ce qu’il veut, bâtir sa propre légende.


Concernant vos influences graphiques, certaines architectures ont un aspect méditerranéen, est-ce voulu ?

Shonen : En général, même quand il s’agit d’un jeu virtuel, qu’il s’agisse de Fantasy ou autre, on ne peut s’empêcher d’utiliser des références existantes. Vu que c’est un jeu-vidéo virtuel, l’architecture proche à celle de notre monde est volontaire car il faut que le joueur s’y retrouve.



A propos des costumes de vos personnages, vous basez-vous sur vos expériences passées ou la création est-elle plus personnelle ?

Shonen : C’est un peu des deux. Je suis très friand de RPG japonais où les designs sont particuliers. Mais en général, j’essaie d’aller vers un compromis car il y a une différence entre le côté pratique et le côté esthétique. Dans les RPG occidentaux, on trouve généralement des costumes et armures qui ont un aspect pratique, il y a moins de tenues légères là où ans les RPG japonais ou coréens, il n’est pas rare de trouver des bikinis en guise d’armures, et en plus il s’agit souvent des tenues les plus rares et les plus couteuses. (rires)
J’essaie de trouver un équilibre entre ces deux aspects car j’aime l’esthétique qu’ont les japonais et les coréens, mais j’aime aussi quand on garde une dimension cohérente et pratique. Mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas me laisser aller à certains délires mais dans ce cas, c’est volontaire et on entre plus dans le registre parodique.


Votre patte couleur a des tons très pastels. Quelles sont vos techniques de colorisation, vos outils…

Shonen : A vrai dire, j’utilise simplement Photoshop, je colorise par informatique. Mais comme je disais au début, comme j’ai toujours voulu être concept-artist, il y a donc un style que j’ai voulu adopter : cet aspect qu’on retrouve dans les backgrounds de jeux-vidéo. C’est comme les illustrations préparatoires qui sont assez fouillées mais aussi abstraites sur certaines zones, comme si c’était fait à la peinture. C’est ce côté que j’ai voulu reproduire.



Outlaw Players est une série où vous êtes seul, vous n’officiez pas simplement comme dessinateur comparé à vos titres précédents. Est-ce que cela a impacté votre rythme et vos méthodes de travail ?

Shonen : J’ai dû m’adapter. Concernant le rythme, ça revient au même. J’essaie de produire une trentaine de pages par mois. Le changement vient des storyboards que je dois réaliser pour exposer mes idées et une fois ceux-ci validés, je peux passer à l’encrage.

Ahmed : C’est le système de création à la japonaise vu que nous avons déjà réalisé des créations originales avec des japonais. C’est toujours le même procédé : D’abord le scénario, puis les nemus (le storyboard, ndt) et enfin les planches définitives. C’est vrai qu’avant, Shonen dessinait directement.

Shonen : C’est parce que j’étais pressé. (rires)

Ahmed : C’est vrai qu’on prend d’avantage le temps, d’ailleurs je ne sais pas si c’est plus embêtant pour toi ou non…

Shonen : Pas forcément. C’est embêtant dans le sens où il y a une étape préparatoire supplémentaire mais l’expérience acquise compense cela et me permet d’aller plus vite.


Avez-vous déjà le scénario complet d’Outlaw Players en tête, ou du moins certaines pistes narratives ?

Shonen : Oui, je connais déjà la fin de la série.



Est-ce qu’un nombre de tomes est déjà établi et signé avec Ki-oon, ou l’avancée de la série dépendra du succès ?

Shonen : Tout dépendra du succès en effet, de l’accueil du public. Dans l’idéal, il me faudrait une vingtaine de volumes pour pouvoir aller jusqu’au bout de l’histoire.

Ahmed : Ce que je me suis refusé à faire, et ça se fait pourtant beaucoup dans le manga français, c’est signer un arc d’environ trois tomes, d’arrêter si ça ne fonctionne pas et poursuivre si ça marche. C’est trop contraignant car tu ne racontes pas ton histoire de la même façon si tu additionnes les arcs de trois volumes par rapport à l’imagination d’une série prévue sur vingt tomes en pensant que la parution ne sera pas interrompue. Si ça fonctionne on continue, et si ça ne marche pas on réfléchira à adapter la fin prévue par Shonen d’une autre manière. Même si ça devait ne pas fonctionner, on fera une fin, on ne fera pas une conclusion japonaise du type « l’aventure continue » ! (rires)


Quels sont vos RPG préférés ?

Shonen : Pour les J-RPG, je n’en ai plus beaucoup de favoris mais j’aime beaucoup les Star Ocean. Il y en a un qui vient de sortir, mais il paraît qu’il est trop court, une vingtaine d’heures pour l’histoire principale alors que les autres opus en font au moins le double. J’ai aussi joué à Persona 3 et Persona 4 même si je ne les ai pas finis, il y a tout un univers derrière. Et je vais peut-être me faire taper dessus mais parmi les RPG occidentaux, j’aime bien ce que fait Bethesda. Visiblement, certains aiment et d’autres non… Ça fait partie des jeux solos encore joués cinq ans après, notamment par la capacité de mod des jeux qui permet de créer du contenu. J’aime aussi leur vision de l’open-world. Aujourd’hui, on voit beaucoup de RPG voire de jeux d’action qui s’essaient à l’open-world, mais ils le font assez mal selon moi. Par exemple, Just Cause 3 qui a une map énorme mais on ne fait rien dessus. C’est comme si on devait se rendre d’un point A à un point B en pouvant visiter les lieux, sachant qu’il n’y a rien à faire… Je cherche avant tout du gameplay.


Interview réalisée par Takato et Koiwai. Remerciements à Ki-oon pour l’organisation de la rencontre et à Shonen et Ahmed Agne pour leur présence.
  



commentaires

Angyo

De Angyo, le 15 Novembre 2016 à 17h14

Avec ki-oon derrirèe on peut espérer que la manga dure quelques temps et en finissent pas par être arrêter de manière abrupte. Les deux premiers tomes sont en tout cas très sympa, pour le moment pas un hit en puissance mais on sent que l'oeuvre a pas mal de mystères à nous révéler.

ShiroiRyu

De ShiroiRyu [635 Pts], le 28 Septembre 2016 à 13h13

Il aime Persona.
A partir de là ... C'est quelqu'un de bon goût !

Alphonse

De Alphonse [421 Pts], le 26 Septembre 2016 à 22h09

Il y a quelques semaines, alors que je me promenais dans une de mes librairies parisiennes préférées, l'auteur était entrain, dans le cadre d'une séance de dédicace, de dessiner sur un des murs. Je regrette de ne pas avoir eu le temps de lui demander quelques gribouillis de sa part ; d'autant qu'il n'y avait pas foule et qu'il avait l'air vraiment sympa. Son trait est excellent ; j'espère qu'il se fera le cuir avec cette série et, bien évidemment, qu'il nous surprendra. 

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