Tokyo Godfather DVD - Actualité anime

Tokyo Godfather DVD : Critiques

Critique du dvd : Tokyo Godfather DVD

Publiée le Mercredi, 08 Septembre 2010

Tokyo, la veille de Noël. Trois SDF fouillent dans les poubelles. Gin est un ivrogne brut de décoffrage, Hana un travesti légèrement hystérique et Miyuki une adolescente fugueuse. Dans les immondices, ils trouvent un bébé abandonné. Ce trio improbable décide d'en prendre soin et de retrouver les parents. Une belle aventure les attend dans les rues de Tokyo.

Après l'inquiétant Perfect Blue et le mélancolique Millenium Actress, le réalisateur Satoshi Kon étonne avec son troisième film. Vaudeville nouveau genre, sentiments sur fond de chronique sociale, fresque épique dans un Tokyo où, tantôt la nuit, tantôt l'hiver, semblent interminables, Tokyo Godfathers est une expérience à part. Cette réalisation fait office de renouveau pour Kon avec l'exploitation de thèmes inédits pour lui, traités avec tant de circonspection qu'on se prend à espérer que l'inventivité soit si aisée. Tokyo Godfathers est d'abord basé sur un classique du cinéma américain signé John Ford, Three Godfathers (Le Fils du désert en France), dans lequel trois bandits aident à accoucher une femme au milieu du désert. Ils adoptent l'enfant, la mère mourant en couche. Satoshi Kon transpose cette idée originelle dans le Tokyo contemporain et fait vivre à ses personnages des événements hors du commun.

La religion est un thème fort du film. La providence constitue la principale explication à ce qui arrive à la petite bande. Les transitions entre deux situations pourraient donc paraître exagérées mais sont si bien amenées qu'on ne retient au final que l'humour irrésistible et un attachement certain à ces personnages. Le rapport à la mère, des évocations nombreuses à la Vierge étant faites, est aussi présent. Satoshi Kon n'en oublie pas la gravité, notamment dans un final où le suspense est prégnant. Les rapports entre les trois SDF et leur famille sont capitaux. S'occuper de cet enfant abandonné les conduit tous à renouer avec un passé refoulé, fragile, complexe. Mention spéciale à la fin qui laisse entrevoir, non un avenir radieux, mais des perspectives où la discussion peut s'engager et les souffrances être partagées.

La féminité est un des thèmes forts du film, ce qui est là une constante avec les précédentes réalisations de Kon. Gin et sa relation avec sa femme et sa fille, Hana mélangeant perpétuellement des attitudes contradictoires (des efforts incessants pour avoir l'attitude d'une femme, mais des manières d'hommes revenant comme des tics), Miyuki presque asexuée et garçon manqué : la richesse des liens et du statut de femme est traitée par Kon avec finesse.

La palette de personnages est prodigieuse. Très loin d'être angéliques, les trois marginaux gagnent pourtant l'empathie du spectateur. La violence sociale est bel et bien présente à travers, évidemment, le phénomène de marginalisation, mais aussi par des destins choisis : Gin ancien joueur compulsif, Hana et son changement d'identité sexuelle, Miyuki et le rejet de l'autorité parentale marqué par un acte aux conséquences a priori irréversibles... De plus, les rares autres personnages rencontrés ne sont guère plus engageants : le père de Miyuki policer rongé par le départ de sa fille, la « soi-disante mère » de l'enfant abandonné... Les ruelles de Tokyo sont à l'honneur et la dénonciation de la société nippone n'est jamais loin : passage à tabac de SDF par des jeunes, étrangers en situation irrégulière se vengeant des yakuzas (on a si peu l'occasion de voir cela dans un film japonais que l'apparition d'un couple de latinos-américains, qui fait vraiment avancer l'intrigue, est significative).

Côté graphismes, l'ensemble est chatoyant (un Tokyo nuptial aux néons multiples qui semblent réchauffer l'atmosphère) ou hostile (la neige, les intérieurs) : un contraste intelligent, comme Kon a su le faire auparavant dans Millenium Actress. Les scènes d'action et de courses-poursuites ne manquent pas. Le récit est de toute façon dynamique, mais leur présence accentue cette impression de vitesse, tandis qu'on profite généralement des moments d'accalmie pour connaître les souffrances des personnages. L'ensemble s'avère très fluide.

On regrettera que cette version DVD soit si avare en bonus : quelques bandes-annonces (souvent en anglais qui plus est), un reportage vidéo d'une vingtaine de minutes faisant la promotion du titre plus que véritable making of. L'hommage à la richesse de l'oeuvre de Kon est encore loin, alors qu'il y avait tout un travail à faire sur l'inspiration du film de John Ford et la dénonciation sociale ! On ne saurait que trop conseiller les voix japonaises, correspondant parfaitement avec la personnalité des personnages.

Même si l'on retrouve la patte Satoshi Kon, Tokyo Godfathers est un souffle de fraîcheur dans la production nippone. Se distinguant en tant que fresque urbaine narrant les péripéties de personnages avec une forte dose de sentiments, ce film a pour avantage de ne jamais tomber dans le mélodrame. L'humour provient de l'humanité des personnages, et c'est cette même humanité qui les a plongés dans leur situation peu recommandable – l'humanité, mot fort de Tokyo Godfathers, trop souvent négligée par un cinéma ne présentant que des personnages vivant les événements sans les ressentir –.

Loin des petits drames nombrilistes, plus qu'un mélange de genres, Tokyo Godfathers est un film d'animation humaniste, genre trop rare au Japon.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs