Still Walking - Actualité anime

Critique du dvd : Still Walking

Publiée le Lundi, 11 Avril 2011

« Aruitemo, aruitemo. Je continue à avancer, sans cesser de marcher. Jamais. »

Une journée d'été à Yokohama. Les membres d'une famille se retrouvent, comme chaque année, pour commémorer le décès du frère aîné, intervenu il y a quinze ans, qui avait sauvé un enfant de la noyade. Dans la maison familiale des parents, on se rassemble en cuisine pour les préparatifs.

Avec Still walking, Hirokazu Kore-Eda persévère dans le thème de la disparition et nous livre un nouveau film à la douceur infinie. Le cinéaste y expose la capacité des Hommes à continuer de vivre malgré ce qu'ils ont perdu. Vivre avec drame et changer, petit à petit. Kore-Eda orchestre avec sensibilité et douceur le rassemblement d'êtres meurtris.

Médecin à la retraite, retranché dans son bureau, le père est froid. Il demeure celui le plus touché par le décès brutal de son fils aîné. Le fils cadet fait, tous les ans, les frais du deuil. Ne s'estimant pas à la hauteur de son frère décédé, sa fragilité est compensée par l'appui sur sa femme, veuve qui doit se faire accepter par sa nouvelle belle-famille, et faire accepter à son enfant cette situation. La mère cache son amertume derrière une politesse trop appuyée. Les parents déplorent les choix du fils cadet : travail aléatoire, refus de s'acheter une voiture, mariage avec une veuve. Mais comme dans Nobody knows, Kore-Eda montre de nouveau que les conflits directs sont parfois bien plus sains que certains non-dits. Les conflits déclarés entre les parents et le fils cadet ne sont pas tant importants que les conflits intérieurs. Ainsi par exemple, du personnage de la soeur, joué par You, dont on ne se préoccupe pas : elle seule semble avoir accepté la disparition du frère aîné... Pendant tout le film, ce personnage énigmatique, voilé sous la désinvolture, étonne. Son mari, un brin pataud, est accepté par les parents sans l'être vraiment, et sait jouer de son statut de looser.

Kore-Eda, au fur et à mesure du film, va s'attacher à montrer l'évolution de ces individus. Cela donne au film un rythme intéressant. Dans la première partie du film, le deuil est encore présent et pesant. Puis les personnages évoluent. Une scène vient couper littéralement l'histoire, car on ne l'attend pas forcément. Invité comme chaque année, le jeune sauvé des eaux par le défunt, donne de ses nouvelles, s'excuse, remercie. C'est un raté, sale et négligé. Il ravive les plaies. Mais c'est surtout la fin de Still walking qui est absolument sublime. Lorsque la communication parvient à s'installer, Kore-Eda, tour à tour, s'attachant à chaque personnage un à un, va faire tomber les masques. Avec le père, médecin à la retraite, impuissant face à un accidenté, ne pouvant que l'envoyer à l'hôpital, et qui finira par reporter son affection sur son petit-fils adoptif curieux de tout. Avec la mère, qui craquera littéralement face à un papillon de nuit dans lequel elle verra l'âme de son fils réincarné. Avec le jeune Atsushi et sa mère Yukari, le jeune garçon posant des questions sur la mort de son père et la mère lui expliquant qu'une nouvelle famille et une nouvelle vie démarrent. Le titre du film trouve sa raison d'être dans une scène mélancolique forte, lorsque la mère sort un microsillon comprenant une chanson intitulée « Aruitemo, aruitemo » (ne pas cesser de marcher), sur laquelle elle se met à chantonner, alors que joie et fébrilité se conjuguent. Soulignons d'ailleurs que le nom anglais du film est une excellente traduction du titre japonais (Aruitemo aruitemo).

En plus d'être un film merveilleux sur la disparition et les liens familiaux, Still walking est une ode à un Japon méconnu, un pays et une culture qui vont bien au-delà de l'image caricaturale vue ça et là. Ainsi, Still walking entremêle la chronique sociale d'une famille nippone contemporaine aux traditions profondes du Japon. Après avoir vu ce film, qui osera encore dire que le Japon se résume à des mégapoles surpeuplées, au summum de la modernité ? Kore-Eda commence ainsi à capter les retrouvailles sur le seuil de la porte, avec boniments et banalités d’usage. S'ensuivent les longs silences, une visite au cimetière sous un soleil tapant où des louches d'eau fraîche sont versées sur les tombes, des balades dans les ruelles, la végétation nippone qui bourgeonne. Puis c'est au tour de la cuisine japonaise d'avoir les honneurs. Un repas est préparé pour la commémoration. Radis blancs, nouilles froides, anguilles, porc aux échalotes et fèves vertes, sushis évidemment, thé froid, choux à la crème, pastèques, et la spécialité de la maison : des tempuras de maïs frits. Puis le modèle social japonais en prend un coup, à travers le mariage du fils cadet avec une veuve, mal vécu par les parents, à travers les réflexions de la mère qui dénonce le fait qu'elle ait été dépendante de son mari médecin mais qu'elle était seule à tenir le foyer, à travers enfin les difficultés du fils cadet dans sa situation professionnelle. La pudeur et la dignité nippones ne sont pas les seules à transparaître ici. Still walking est un film riche et beau, rappelant la poésie de Yasujiro Ozu.

On vit, pendant tout le film, grâce à un jeu de caméra au plus près des acteurs, dans l'intimité de cette famille, unie malgré les ressentiments et les secrets. La mise en scène de Kore-Eda est par conséquent toujours aussi intense et poignante, se focalisant sur les visages et les gestes avant tout, tout en englobant habilement l'environnement.

Kore-Eda a su diriger ses acteurs pour former un tout. L'ensemble des acteurs, par leurs prestations, contribuent à renforcer la sensation d'avoir affaire à une vraie famille : jouant tous sur un pied d'égalité, même si Hiroshi Abe (jouant le fils cadet) semble se distinguer, chacun se complète. On a là des prestations excellentes aboutissant à une harmonie dans le thème traité. Si un acteur avait été mis en avant plus qu'un autre, la justesse de Still walking aurait été atteinte.

Concernant l'édition, rien de très original, hormis une VF de qualité.

Nobody knows était déjà très métaphorique sur le thème de l'enfance. Still walking va encore plus loin, véritable métaphore de la vie. Face aux drames, ne pas cesser de marcher. Un film dont la dureté n'a d'égale que la beauté.

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

18 20
Note de la rédaction