Eté de Kikujiro - Actualité anime

Critique du dvd : Eté de Kikujiro

Publiée le Mercredi, 30 Novembre 2011

A Tokyo, les vacances d'été débutent. Masao (Yusuke Sekiguchi) ne peut plus aller à l'école, ni faire du sport. Le jeune garçon vit seul avec sa grand-mère. Tandis qu'il réceptionne un colis, il se retrouve face à des photos de sa mère, dont il n'a que de vagues souvenirs. Avec l'aide d'un ancien yakuza (Beat Takeshi), Masao part en voyage pour la retrouver. Tous deux sillonnent le Japon et font la rencontre de personnages insolites. Le yakuza s'adoucira au contact de l'enfant, l'enfant trouvera dans le yakuza une figure masculine jusque-là absente, en même temps qu'un ami, un clown, un protecteur.

Sorti en 1999, l'été de Kikujiro a révélé Takeshi Kitano comme cinéaste complet. Ce dernier n'avait jusqu'alors produit que des yakuza eiga, si l'on excepte Sonatine. Chaque amateur du cinéaste sait que Kitano a pour habitude de faire des films de yakuzas soit purement violents, soit « violents aigre-doux », à savoir qu'il distille une dose de douceur parmi la violence. L'été de Kikujiro peut difficilement faire l'objet d'une classification. On s'écarte majoritairement du milieu des yakuzas, pour se lancer dans un genre de road-movie en compagnie d'un duo improbable. Mais une référence aux yakuzas reste quand même prégnante, à travers l'un des deux personnages principaux, un ancien voyou un peu benêt, joué par Kitano lui-même. Contrairement à ce qui a été dit lors de sa réception au festival de Cannes en 1999, l'été de Kikujiro n'a rien du film facile d'accès, tout public, familial. On en profitera pour souligner le manque total de clairvoyance du jury à l'époque qui n'a décerné aucune récompense à cette petite pépite (mais bon, le festival de Cannes 1999 est une grande supercherie, il suffit de voir la place accordée à Tout sur ma mère de Pedro Almodóvar dans le palmarès... bref !). Sous un apparent voile de simplicité et de légèreté, Kikujiro est en réalité sur beaucoup d'aspects le film le plus riche réalisé par Kitano. Et cela, beaucoup de critiques spécialisés semblent être passés à côté.

Le point le plus marquant est sans nul doute le savant mélange des émotions établi par Kitano. D'une tendresse déconcertante, d'une douceur profondément touchante, on n'imagine pas Kikujiro laisser n'importe quel amateur de cinéma de marbre. Ce film suinte d'humanité ! Halte aux bons sentiments, Kikujiro ne joue pas dans la basse-cour. Kitano a su au contraire mêler des scènes aux tons très divers pour faire, plus qu'un film homogène, une oeuvre empreinte de délicatesse.

Tout commence par la formation du duo. Ils apprendront à se connaître pendant tout le film jusqu'à la séparation (?) finale. Le yakuza protégera l'enfant, l'enfant protégera en quelque sorte le yakuza contre ses vieux démons. Les deux personnages se complètent. De façon assez classique, le vieux yakuza (« ojisan », pour « tonton ») se retrouve dans ce petit garçon et l'abandon parental, mais le film va bien au-delà. Une scène avec un pédophile, d'autant plus surprenante qu'elle est imprévisible (comme l'ensemble du film, ce qui fait aussi sa force) sera la seule marque de violence du film. Par cette scène, c'est comme si Kitano voulait nous dire que l'humanité est laide pour ensuite nous abreuver du contraire – de douceur – pendant plus d'une heure. Passée cette scène choc, l'aventure commence véritablement. Le yakuza, se doutant un peu de l'issue du voyage (que l'on taira ici), se met en tête de faire passer à Masao les meilleures vacances possibles. Et c'est l'humour, typiquement nippon, typiquement Kitano, à base de comique de situation et de personnage, de dialogues savoureux, qui prend le relais. L'été de Kikujiro est irrésistible et regorge d'instants géniaux. La discussion entre Masao et « Ojisan » pour choisir les numéros des courses hippiques (à mourir de rire, et on voit bien que Yusuke Sekiguchi, qui joue Masao, a lui-aussi du mal à contenir ses rires devant Beat Takeshi !), le défi de la natation, les rencontres avec des marginaux loufoques, les jeux, tout est propice au sourire, à l'humain.

Kitano n'oublie pas d'enrichir sa fable sur l'enfance et l'amitié entre deux êtres de scènes plus fantaisistes et de ses symboles, à savoir tatouages, bords de mer.... Cette symbolique s'avère en tous cas bien moins pesante que dans les autres films du réalisateur où il en ajoute parfois à outrance. Ici, les symboles de Kitano ne s'insèrent pas dans le film, ils le servent parfaitement. Notons aussi la narration maîtrisée, et le jeu que le réalisateur nous offre autour du titre du film. Qui est Kikujiro ? Vous ne le saurez qu'en fin de film, et cette révélation ne pourra que renforcer le parfum de douceur qui se dégage du film. Sachez en tous cas que Kikujiro était aussi le prénom du père de Takeshi Kitano, joueur pathologique avec lequel l'acteur-réalisateur n'a pas pu nouer autant de liens qu'il l'aurait bien voulu.

Enfin, le génial pianiste japonais Joe Hisaishi a composé un thème principal au piano absolument divin – et pourtant si simple – qui ajoute encore au sentiment de tendresse ressenti durant le film. L'été de Kikujiro rend aussi hommage au pays du Soleil levant avec de superbes décors apparaissant tout au long du voyage. On oublie trop souvent que le Japon n'est pas qu'aires urbaines qui se succèdent.

Côté acteurs, Kitano excelle en ancien yakuza un peu bête et looser, grande gueule mais surtout pas méchant ! Il ne cessera de s'attacher à Masao, qui seul peut passer à travers son caractère brut et ses paroles vulgaires. Quant à Yusuke Sekiguchi, qui joue Masao, un peu bouboule, il s'avère parfait en sachant être malicieux et illustrant l'innocence de l'enfance.

Sur le DVD, vous trouverez du classique niveau bonus (bandes-annonces, liens internet, filmographie/biographie) ainsi qu'une interview (trop courte) de Kitano. On aurait apprécié un petit making-of !

Basé sur un duo de personnages excellent et le thème du regard de l'enfant envers le monde des adultes, l'été de Kikujiro est gai, beau et doux. Le meilleur film de Kitano n'est pas un film de yakuzas.
 
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

18 20
Note de la rédaction