Departures - Actualité anime

Critique du dvd : Departures

Publiée le Vendredi, 29 Avril 2011

Après la dissolution de son orchestre, un jeune violoncelliste de Tokyo, Daigo (Masahiro Motoki), décide de revenir dans son village natal avec sa femme, Mika (Ryoko Hirosue). Cherchant un nouveau travail, il répond à une petite annonce énigmatique, issue d'une agence « d'aide aux départs ». Le patron Ikuei Sasaki (Tsutomu Yamazaki) l’engage après un bref entretien. Daigo comprend qu’il vient d’être embauché comme croque-mort pour une entreprise de pompes funèbres. Se découvrant un talent pour ce type de cérémonie, il devra faire face à la réaction de son entourage.

« Chacun de nous accompagnera un proche. Chacun de nous partira ».

Yojiro Takita, inconnu en France (puisque Departures est le premier film du réalisateur à paraître chez nous), nous propose avec ce film de partager un instant de vie, celui d'un musicien déchu qui se trouve un nouveau travail difficile à accepter dans la société japonaise. Croque-mort... l'Occident et l'Orient ont au moins pour point commun de partager une vision pleine d'appréhension face à ce métier. C'est bien pourquoi le spectateur ne sera pas dépaysé en découvrant une société nippone, qui, comme toutes les autres, adopte un comportement d'une crainte singulière face à la mort.

Noyé dans son autosatisfaction, pusillanime, le cinéma occidental oublie parfois d'oser, de surprendre. Il se fait cette fois-ci ravir ce rôle par Yojiro Takita, qui livre avec Departures une oeuvre d'une esthétique raffinée, mélangeant humour typiquement japonais et sensibilité.

Tout d'abord, la mise en scène de Departures est une franche réussite. Le cinéaste s'attarde de nombreuses fois sur des « cérémonies d'accompagnement des défunts ». C'est l'occasion de voir comment se déroulent ces cérémonies traditionnelles au Japon, comme un Japonais qui découvrirait la mise en bière dans un pays étranger. Departures s'inscrit ainsi dans la même veine qu'un Still walking, de Hirokazu Kore-Eda, en montrant tout un pan de la culture nippone inconnu des Occidentaux. On se rend compte, en portant un regard naïf (puisqu'un Japonais serait sans doute surpris par la cérémonie d'un pays étranger), que la cérémonie funèbre est érigée au rang d'art. Le croque-mort glorifie la mort en la rendant finalement très proche de la vie, tout ceci en faisant son métier : la toilette funéraire, à savoir habiller le mort et le maquiller. Il redonne sa vie au défunt, lui rend hommage en s'occupant de lui. Ce constat devient évident lors d'un échange d'un veuf avec Daigo et son patron, les remerciant. On se gardera de citer des répliques du film, que vous devez découvrir par vous-même. Les dialogues sont en effet extrêmement bien écrits, naturels, mais souvent très durs. On ne sera pas surpris de vaciller en même temps que Daigo face à la réaction violente de sa femme, à se poser des questions lorsque Daigo reproche à son patron de le conforter (à tort ?) dans ce métier, à être ému face à des familles qui tentent d'obtenir le pardon avant la crémation, avant qu'il ne soit trop tard. Vous vous devez de voir Departures pour pouvoir comprendre la maîtrise et l'intensité de toutes ces situations, filmées par Yojiro Takita.

Avec beaucoup de tact et de prévenance, le réalisateur nous mène ainsi dans le travail quotidien de Daigo. Mais Departures va bien au-delà. Le film s'attarde sur les relations de Daigo et sa femme Mika, sur l'employée des pompes funèbres discrète et meurtrie, sur les amitiés qui se nouent entre Daigo qui « revient au pays » et les habitants, sur le patron des pompes funèbres Ikuei Sasaki. Une scène énigmatique voit un contact, autour d'un déjeuner, dans une pièce remplie de plantes, entre Daigo et son patron, que l'on n'arrive pas à cerner.

Departures n'est bien sûr pas parfait. Peu surprenant sur une situation qui interviendra et que l'on pressent dès le début, il joue néanmoins une belle carte à la fin, qui, elle, n'était pas forcément prévisible (et dont on taira les enjeux pour maintenir la surprise), qui s'avère logique, efficace, et maintient la subtilité qui caractérise tout le film.

Abordé avec pudeur, le thème de la mort n'empêche pas le réalisateur de mettre en avant un humour typiquement japonais, essentiellement né des situations et des mimiques de Masahiro Motoki (qui joue Daigo), que l'on découvre en tant qu'excellent acteur. Les réactions de Daigo face à une personne âgée retrouvée morte quelques jours plus tard, face à son patron lui annonçant les détails de son emploi, sa façon de se « purger », et caetera ! Là encore, on passera ces situations sous silence. L'humour est malin et délicat. Tsutomu Yamazaki, méconnaissable 30 ans après son interprétation du frère dans le Kagemusha de Kurosawa (oui, oui, c'est bien lui), est étonnant en patron des pompes funèbres, vieil homme renfermé et froid.

Comble de la réussite, la bande originale est signée Joe Hisaishi. Ce dernier fait des infidélités à Miyazaki et Kitano pour le meilleur ! La musique principale (qui porte le nom de « Memory ») est une métaphore grandiose du film et de son thème. Les mélomanes seront aux anges en observant que, pouvant être découpée en trois morceaux, la composition « Memory » évoque la gravité de la mort (violoncelle et piano insistants), puis l'éveil et le désir de s'en sortir (violoncelle et piano plus rapides) et enfin un sentiment de quasi-gaieté (violoncelle et piano légers). Cette musique est un bonheur, en particulier lors d'une scène lyrique, au cours de laquelle Daigo joue du violoncelle dans un champ, une scène chimérique et idéalisée. Une certaine critique de spécialistes autoproclamés y a vu une scène improbable voire ridicule... C'est absurde ! Savent-ils seulement ce que représente l'introduction d'une telle scène dans un film réaliste ? Revoyez donc toutes les figures de la littérature et du cinéma, messieurs les spécialistes.

Le film est livré dans un très joli digipack. A l'intérieur, un livret est disponible. Si on appréciera les pages-photos, l'avis donné par un rédacteur de DVDvision ne s'imposait pas, maladroit et peu intéressant. Mettant en exergue le fait que Departures ait reçu l'Oscar du meilleur film étranger en 2009, présumant que c'est pour cela que l'on s'est procuré le film, il tente d'établir un parallèle avec les prix reçus par Entre les meurs, Slumdog millionnaire ou le succès de Bienvenue chez les Ch'tis, en ce que Departures aurait la même valeur que ceux cités, conçu pour un large public et gros succès au box-office japonais. Sauf que Departures n'a strictement rien à voir avec tous les films précédents. Commercialement peut-être... D'un point de vue cinématographique clairement pas, puisqu'il s'agit d'un film puissant et mémorable. Succès populaire au Japon, Departures garde en effet une sensibilité particulière, s'écartant de tout sentimentalisme ou niaiserie, contrairement aux films cités. Le rédacteur nous donne quand même quelques renseignements sur le film lui-même et son réalisateur, et reste pertinent en utilisant le néologisme de « dramédie » pour qualifier le film. Un livret-photos aurait néanmoins suffi.

Accusé d'être mélodramatique, exagéré, sentimental, Departures n'est rien de cela. Le spectateur saura, lui, faire la différence, en appréciant le film pour ce qu'il est : simple et délicat sur un thème complexe. De ce thème, Yojiro Takita a su tirer un film d'une grande beauté.


 

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
RogueAerith

19 20
Note de la rédaction