Colorful - Actualité anime

Critique du dvd : Colorful

Publiée le Vendredi, 27 Juillet 2012

Colorful est le nouveau film de Keiichi Hara, célèbre pour son travail précédent Un été avec Coo. Son nouveau long-métrage a reçu un très bon accueil en France, notamment au festival d'Annecy en 2001 où il a remporté 2 prix, celui du public et la mention spéciale du jury; mais il a également reçu cette année le prix Polymanga Award Film. Proposé au réalisateur par le studio Sunrise (Cowboy Bebop), ce film est une adaptation du roman éponyme de Eto Mori, un livre qui a conquis beaucoup d'adolescents à sa sortie au Japon en 1998. D'ailleurs, il faut noter que c'est la deuxième fois que le titre est adapté sur grand écran, la première datant de 2000 sous la direction de Shun Nakahara; la différence étant que la première adaptation usait de prises de vues réelles. Qu'en est-il donc de cette version ? La réponse dans notre chronique.

Contrairement à Un été avec Coo, Keiichi Hara revient sur un film plus réaliste : en effet, pas de petit monstre tel un kappa dans Colorful, ici nous avons affaire à une histoire dite banale qui pourrait arriver à n'importe qui. Ce long-métrage commence par l'entrée d'un esprit d'un individu au paradis, ou du moins au lieu dans lequel on se retrouve après la mort. Dès son arrivée il va faire la rencontre de Pura-Pura, un ange qui lui propose un marché afin de racheter son crime qu'il aurait commis avant de mourir... Pour cela, il doit être "transféré" dans le corps d'un jeune collégien en 3° qui vient de se suicider, Makoto Kobayashi. Il va falloir qu'il s'habitue chaque jour à sa nouvelle vie, apprendre à connaitre ses proches et surtout tirer profit de cette expérience qui pourra le sauver. En s'efforçant tant bien que mal de ne pas reproduire les erreurs de l'ancien Makoto, il devra découvrir la vérité enfouie au plus profond de lui-même, une vérité qui risque fortement de bouleverser son existence...

Colorful aborde tout premièrement plusieurs thèmes qui tiennent à coeur aux japonais dont la réincarnation. Une fois le film lancé, on se retrouve à la place des yeux du héros : nous sommes donc une âme, sans voix, observant ce qui se passe devant nos yeux. Pura-Pura apparaît et se dit être la personne devant se charger de notre héros. Petit enfant à la bouille d'ange, il éclaircira le brouillard qui se trame dans la tête de notre individu : celui-ci est bel et bien mort et a commis un crime. Nous ne connaissons ni la manière, ni la raison et encore moins la personne victime de celui-ci. La seule info donnée par Pura-Pura est le fait que notre héros va avoir le droit de se réincarner dans le corps de Makoto, ce jeune collégien qui vient de se suicider en gobant un paquet de médicaments. Le voilà à l'affut d'une nouvelle tâche : il a 6 mois pour incarner le jeune homme, s'adapter à la vie dont il a voulu mettre fin, et trouver la "vérité" enfouie dans son coeur. Un travail bien difficile cependant, surtout lorsque l'on ne connaît rien de l'âme qui possédait avant ce corps, tout comme les relations que Makoto avait autrefois envers ses proches.
Selon la religion bouddhiste (qui rappelons-le domine au Japon), les êtres reprennent naissance dans l'un ou l'autre des six types de formes de vie après la mort. Parmi celles-ci trois formes passent par la douleur (enfers, esprits affamés ou animaux) tandis que les autres formes sont des renaissances relativement heureuses, comme celle du protagoniste principal de Colorful qui se retrouve donc réincarné dans le monde des humains. Une seconde vie lui est offerte, libre à lui de parvenir à sa tâche ou de gâcher cette chance inespérée.
Un des autres points cruciaux du film est la famille. En effet en arrivant chez lui, le nouveau Makoto va vite se rendre compte que son ancien lui ne vivait pas dans le bonheur le plus total, ses diverses relations avec sa famille étaient souvent très ambigües. Celui-ci n'avait pas aussi une vie facile au collège : subissant régulièrement des brimades par ses camarades de classe, il était de plus mauvais en classe et n'avait pas un seul ami. Le portrait de ses quelques proches sont vite dévoilés par la voix de Pura-Pura (qui suit parfois notre héros) : entre un père qui s'acharne au travail sans jamais avoir eu de promotion en plus de 20 ans, une mère qui a trompé son mari avec son maître danseur, un frère qui contrairement à son cadet ne vit que pour les études et s'enferme dans son cocon, il ne restait plus que Hiroka aux yeux de Makoto, la jolie fille de sa classe sympathique avec lui, jusqu'au jour où il l'aperçut entrer dans un hôtel habillée de manière légère avec un homme d'âge mûr. Toutes ses conséquences ont poussé Makoto à se suicider, mais notre héros désormais sous le contrôle de ce corps, va devoir se prouver qu'une vie mérite d'être vécue et qu'il ne faut pas se laisser abattre.

Colorful aborde également d'autres sujets difficiles connus au Japon que l'on va voir à travers la vie de Makoto. Un des phénomènes touchant principalement les adolescents japonais est l'incompréhension. Malgré que le pays du soleil levant fleurisse de tout ce qui est réseaux sociaux et téléphones portables à haute technologie, beaucoup de jeunes se replient sur eux-mêmes et ont des relations beaucoup trop singulières avec leurs parents qui se cantonnent souvent à de simples "bonjour/au revoir". Il n'y a qu'à voir Makoto qui se rend vite compte que son ancien lui entretenait des relations vraiment maussades avec les siens, il ne leur parlait pas à table et le repas se faisait dans le plus triste des silences.
C'est le cas aussi à l'école, où les élèves ont bien du mal à discuter entre eux, ce qui explique aussi les nombreuses brimades que subissent les collégiens. Le seul moyen de s'ouvrir aux autres est donc de partager une passion commune. Makoto se rapprochera par exemple de Saotome qui est passionné par les anciens tramway disparus. D'ailleurs, l'ancien lui était un passionné de peinture et faisait de merveilleuses toiles; notre héros trouvera vite une certaine liberté mentale lorsqu'il passera quelques temps à admirer ses oeuvres.
Enfin, le film traite aussi de la pression scolaire. Peut être ne le savez-vous pas, mais la scolarité japonaise est très différente de la notre. Contrairement à la France où l'on passe "seulement" 2 diplômes généraux (le brevet et le baccalauréat), au Japon les élèves en passent chaque année, avec surtout des concours d'admission même pour le collège ! Cependant ceci s'exerce sur les établissements privés, les établissements publics sont plus softs mais il sera du coup bien plus difficile pour l'élève d'entrer dans une grande entreprise plus tard. Selon le livret offert avec le DVD, il est indiqué qu'en moyenne une famille doit débourser environ 1260€ chaque année au collège dans une école publique, et environ 9077€ pour un établissement privé !
Dans Colorful, Makoto a donc la pression concernant la future entrée dans son prochain lycée. Entre son professeur principal qui lui dit de se mettre à travailler plus sérieusement et ses parents qui cherchent désespérément un lycée qui pourrait convenir à leur fils, celui-ci ne s'en inquiète cependant pas des moindres, son but étant de se retrouver au même lycée que son seul ami.
Cette pression scolaire n'aide donc en rien les relations que l'on soit bon ou mauvais en cours, Mitsuru le grand frère de Makoto en est l'exemple type : bien qu'il soit un excellent élève, celui-ci n'adresse que très rarement la parole à sa famille.

Là où le film excelle, c'est donc bien par son réalisme. Le réalisateur a su créer des personnages dont la vie est bien loin d'être extravagante, et qui essayent de survivre dans cette société en essayant d'apprécier la moindre des choses. Bien que commençant sur un ton plutôt gentillet, le film va évoluer petit à petit dans un véritable portrait humain dans lequel on va pouvoir s'identifier. De nombreuses scènes sont clés, certaines joyeuses d'autres plus tristes, représentant l'évolution des sentiments du nouveau Makoto. En effet, bien qu'étant dans un nouveau corps, notre héros subira très vite le ressenti que devait avoir son ancien lui.
On pourrait considérer que le film se découpe en plusieurs parties, chacune illustrant le rapport entre le jeune garçon et un de ses proches. Par exemple, un passage du film se concentre sur sa relation avec Hiroka. Incarnant la perfection pour lui, il rejette l'affection d'autres personnes pour ne la donner qu'à cette jeune fille. Seulement voilà, c'est en la suivant un soir qu'il se rendra compte qu'elle n'est peut être pas forcément la fille qu'il attendait, et que sa façon de penser ne colle pas du tout à la sienne.
Un des passages qui marque sans aucun doute l'évolution de Makoto est aussi lorsqu'il commence à se façonner une amitié avec Saotome. Bien qu'il ne s'intéresse pas à lui au début de l'histoire, il se rendra vite compte que ce garçon, bien qu'étant très mauvais en cours et pas spécialement proche de sa famille, arrive à garder le sourire. Sa passion pour les tramways disparus va ouvrir les yeux à Makoto qui constatera qu'il manquait un élément crucial à sa vie : un véritable ami. Commence donc une relation très humaine entre les deux garçons, une relation qui éveillera peut être une part de vérité qui est enfouie dans le coeur de notre héros.

C'est donc petit à petit au fil de l'histoire que le réalisateur, à travers le personnage Makoto, va nous faire une véritable leçon de vie. Les décors aident aussi beaucoup à rendre l'oeuvre encore plus profonde, ceux-ci sont des quartiers typiques des extrémités de la ville dessinés avec un souci du détail très pointilleux, renforçant l'idée que c'est une histoire "banale", pouvant arriver à n'importe quel individu (malgré le petit côté fantastique avec la réincarnation).
Colorful brille donc par ce côté humain, Makoto nous montre malgré lui que toute vie mérite bel et bien d'être vécue et que l'on trouve toujours solution à nos problèmes. On se retrouve captivé du début à la fin du long-métrage tant on a envie de savoir comment notre héros va évoluer, et surtout s'il va réussir à se racheter ou non. Colorful nous montre également la cruelle vie que mènent de nombreuses familles japonaises, un pays où il y est tout de même difficile de vivre tant le travail est le sujet le plus prépondérant, passant souvent avant les relations familiales...

Parlons à présent de la réalisation. Celle-ci est d'excellente facture tant les personnages et les décors sont travaillés au détail près. Chacun joue un rôle important dans la vie de Makoto, tous comme les lieux, qui représentent souvent un endroit spécifique à notre héros (son atelier de dessin le rend bien, sa cuisine où ils dînent avec ses parents est un lieu qu'il cherche à éviter, etc...). Quelques scènes sont excellentes par leur graphisme (la scène où l'on voit la photo en noir et blanc du tramway devenir colorée et s'animer est très bien faite), mais sont aussi criantes de vérité : on pense ici à la scène où Saotome bizute Makoto dans le magasin à chaussures, ce dernier commence par avoir envie de s'énerver contre lui mais se rend compte que cela fait partie des joies de l'amitié, de ses délires entre amis.
Il n'y a aucun temps mort durant tout le film, les deux heures se déroulent d'une incroyable vitesse tant on reste accroché à la vie de Makoto, chaque passage joue aussi un rôle majeur dans ce qu'il va se passer par la suite, et le long-métrage se termine par une scène finale d'excellente qualité scénaristiquement parlant. On termine le visionnage avec un petit pincement au coeur, en repensant à tout ce que l'on a vécu et en se disant qu'il faut être optimiste dans la vie et qu'il existe bien une manière de nous rendre heureux malgré les soucis que l'on peut avoir.
De jolies musiques accompagnent les différentes scènes et il faut avouer que l'on pourra être surpris par leur variété, la musique qui passe lorsque Makoto court avec Hiroka est très dynamique et donne un excellent effet, tout comme celles accompagnant les scènes de ballade de notre héros avec son seul ami.

L'édition DVD de Colorful est aussi très bonne, le boîtier plastique étant protégé par un coffret cartonné rigide. Nous pouvons bien évidemment voir le film en VO, mais aussi en VF qui est notons le très bonne avec quelques voix qui seront familières pour sans doute quelques uns d'entre vous.
Le DVD est également sorti dans une édition limitée comprenant un livret de 30 pages parlant de quelques sujets autour du film et donnant également quelques infos supplémentaires concernant l'équipe qui s'est chargée de la réalisation de Colorful.
Enfin, il est aussi possible de regarder une interview de Keiichi Hara de 30 minutes, nous donnant quelques infos supplémentaires sur la réalisation de son film qui sont fortes intéressantes.

Il faut l'avouer : Colorful est certainement le dernier bijou de l'animation japonaise et saura satisfaire petits et grands. Partant d'une histoire banale, la suite du film brille d'ingéniosité, nous captivant par ses personnages "humains" et ses scènes de la vie de tous les jours que bien des gens ont du cependant connaître.
Profond, touchant, Colorful sera certainement le coup de coeur de l'année pour bien nombreux d'entre vous. En tout cas, c'est déjà le mien !


 

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Kiraa7

18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs