Coffret Tetsuo I & II - Actualité anime

Critique du dvd : Coffret Tetsuo I & II

Publiée le Jeudi, 02 Novembre 2017

Critique 2

Tetsuo de Shinya Tsukamoto est une pièce emblématique, qui touche à plusieurs pans de la culture cinématographique nippone. Bien que durant seulement une heure, ce film explore à fond le potentiel des genres du j-horror, du body-horror et du cyberpunk. Tour à tour métaphore sociale, métaphore sexuelle et trip esthétique halluciné, c'est une œuvre qui ne laisse pas indifférente, qui n'est pas pour tout le monde certes, mais qui s'impose comme une référence absolue de tous les genres sus-cités.
La principale qualité du film réside dans son esthétique. Bien que la « bande » ne soit pas toujours d'une grande netteté, elle ne nuit en rien à l'aspect sensoriel qui se dégage des images et des sons. La musique industrielle que l'on entend en fond est là pour appuyer l'aspect cyberpunk du propos, où la matière qu'est le métal a une importance considérable.
Mais dans ce cas, que symbolise ce métal, qui attaque l'intégrité des corps et se propage chez plusieurs protagonistes ? On peut facilement y voir la parabole du progrès, des nouvelles technologies qui violentent les individus, pas assez préparés pour s'intégrer dans une société où tout va trop vite, et où tout se déshumanise, se désincarne (au sens étymologique du terme, « qui sort de la chair »). Le métal représente alors la technologie, mais il représente aussi la souffrance des corps : en tant que matière lourde et anguleuse, il déforme douloureusement les corps. Le personnage du « fétichiste » serait alors un accro aux technologies, ultime déviant de cette société de consommation à outrance, qui dont l'humanité se noie peu à peu dans un amas d'appareils et de câbles.
Comment interpréter les séquences sexuelles ? Si on les rattache au fait que le salaryman développe sa transformation en homme métallique à partir de contacts avec d'autres personnes possédant cette faculté de mutation métallique, on peut penser à la transmission d'une MST. À cela, on ajoute la date de sortie du film (1989), et de là à évoquer le sida, sujet majeur de cette décennie, il n'y a qu'un pas. D'autres éléments viennent alimenter cette théorie : le métal serait alors le symbole d'une maladie violente, qui torture la chair.
Plus probablement, le film est un mélange de ces deux aspects, et rejoint une thématique importante de la société nippone. La sexualité des Japonais étant réputée refoulée, les personnages qui mutent en hommes de métal seraient des accros aux technologies et dont l'addiction intervient jusque dans la sphère privée, c'est-à-dire la sexualité (probablement un rapport au virtuel). Dans tous les cas de figure, Tsukamoto nous livre non pas un message moraliste, mais un souffle d'angoisse. À ce titre, la durée courte du film, seulement une heure, ne le rend que plus efficace.
En bref, Tetsuo est un film riche et puissant, dont l'esthétique sidérante est millimétrée à chaque instant de la pellicule, à chaque seconde de la bande-son. Il ne faut pas se laisser avoir par l'aspect « film à petit budget » ou « film amateur ».
L'artiste qui a écrit, réalisé et composé les divers éléments du film a fait preuve d'une rigueur implacable pour accoucher de son œuvre. Il n'a rien laissé au hasard, aucune image, aucun son et il est résulte un film d'une intensité incroyable. Alors qu'au début des années 1980, Katsuhiro Otomo produit sa bombe Akira et ouvre la voie vers des pistes créatives qui se poursuivent aujourd'hui encore, Tsukamoto, à la fin de cette décennie, s'en inspire et arrive déjà à boucler une boucle, en créant un film sulfureux et fracassant, dernier chef d’œuvre cyberpunk d'une époque. Difficile d'en ressortir indemne, puisque le métrage met à l'épreuve la psyché et l'estomac, tout en stimulant notre sens esthétique et notre appréhension d'une société. 
Tetsuo est une œuvre d'une grande intelligence, qui 30 ans après, conserve son aspect visionnaire dans la peinture de la société japonaise, alors que le réalisateur ne pouvait pas prévoir comment évoluerait la technologie, sujet pourtant central du film.
18/20


Tetsuo II

Le premier film Tetsuo de Shinya Tsukamoto était une véritable petite révolution du cinéma, tout comme le manga auquel il fait référence (Akira d'Otomo) l'était pour son médium (le manga et le film d'animation). Tsukamato, en créateur accompli, creuse ses thématiques à travers des suites.
Le concept de ce Tetsuo 2 est sensiblement le même que le premier opus : il s'agit de montrer un homme en proie à la violence suite à la métamorphose de son corps en un mélange de chair et de machine. À l'instar du premier film, le personnage principal, le transformé est confronté à des semblables.
L'apport le plus notable de Tetsuo 2 est la couleur, là où le premier arborait un superbe noir et blanc. On peut même penser que le choix du noir et blanc en était la qualité plastique principale. Pourtant, Tsukamoto fait un usage judicieux de la couleur ici : les teintes sont bleues, grises, sombres, froides et collent parfaitement à l'ambiance cyberpunk du métrage.
L'effet de surprise n'est toutefois plus présent : Tetsuo 2 se montre à bien des égards sensiblement similaire à Tetsuo 1. De plus, la seconde partie est assez brouillonne, après toute une première partie assez passionnante.
Tetsuo 2 pâlit donc de la comparaison avec son prédécesseur. En temps normal, il n'est pas forcément de bon ton de comparer les films les uns aux autres sans juger de leur qualité intrinsèque, mais il s'agit ici du deuxième volet d'une série de films : il est donc impossible de faire l'impasse sur ce qui a été fait avant. Reste tout le pan scénaristique sur la fille du protagoniste principal, élément original et qui est traité d'une manière, une fois de plus, sans concession.
En définitive, Tetsuo 2 est une variante de Tetsuo 1, et c'est peut-être son principal défaut. En revanche, il s'agit d'un pur film underground japonais, tout droit sorti de l'esprit punk d'un artiste incroyable, et à ce titre, il demeure un objet filmique original qui mérite votre attention.
14/20
Critique 2
Feu la collection Asian classics dirigée par Jean-Pierre Dionnet portait bien son nom. Destinée à faire découvrir les pépites méconnues du cinéma japonais, il n'est pas étonnant d'avoir vu y débarquer deux films qui ont fait grand bruit lors de leur sortie : « Tetsuo » et « Tetsuo II ».


Mais remettons-nous un peu dans le contexte. Tetsuo, c'est le prénom du biker fait prisonnier qui subira des expériences dans l'excellentissime Akira, le seinen de science-fiction post-apocalyptique des années 1980, chef d'oeuvre de Katsuhiro Otomo. Le réalisateur Shinya Tsukamoto reprendra, comme un hommage, le nom du personnage pour ses films. « Tetsuo » et « Tetsuo II » font partie, d'une part, d'un triptyque thématique sur Tokyo qui se conclura avec Tokyo fist, et d'autre part, d'une trilogie qui s'achèvera avec la sortie inattendue (le film ayant été conçu secrètement) de « Tetsuo : The Bullet man », projeté lors de la Mostra de Venise 2009. « Tetsuo » et « Tetsuo II », c'est aussi l'histoire d'une production chaotique et d'un succès chez un certain public. Le cinéaste Shinya Tsukamoto a passé plus de deux ans pour réaliser le premier, largement autofinancé, explorant des déchèteries pour trouver des objets utilisés pour la création des décors, opérant en tant que réalisateur, acteur, chef de la photographie, à la bande-son... A la fin de la production, quasiment toute l'équipe l'avait abandonné. Une histoire de cinéma comme il en existe beaucoup. Pourtant, « Tetsuo » connut un succès énorme dans certains milieux. L'écrivain et leader du mouvement cyberpunk William Gibson considéra « Tetsuo » comme le premier véritable film de genre cyberpunk, omettant volontairement « Blade runner » et « Mad max ». Darren Aronofsky et Quentin Tarantino auraient littéralement déliré lors du visionnage. En bref, il y aurait quelque chose chez les deux premiers longs métrages de Shinya Tsukamoto, quelque chose qui les rend cultes et indispensables. Mettons les choses au point dès à présent : ces deux « Tetsuo » sont réservés à un public restreint de cinéphiles adeptes de contre-cultures, et plus particulièrement fans de cyberpunk. S'il y a bien quelques éléments qui rappellent fortement l'esthétique noire des Cronenberg, Lynch et Fincher lors de leurs débuts (« La Mouche », « Elephant man », « Alien 3 »), « Tetsuo » et « Tetsuo II » sont bien trop difficiles d'accès, tant dans leur narration que dans leur mise en scène, pour espérer être visionnés par tout un chacun.


Commençons par une critique de « Tetsuo », sorti en 1988, et qui a atteint le statut d'oeuvre culte chez une certaine catégorie de spectateurs.

Un chauffard fauche un homme en plein milieu d'une rue et le tue. Après l'accident, le coupable souffre d'un mal étrange et évolutif. Le premier symptôme ? Une pointe de métal qui sortant d'une joue. L'homme va peu à peu se transformer en homme de métal.

La première chose qui marque, c'est la progression narrative assez chaotique. Tsukamoto l'a dit lui-même, il a conçu son scénario au fur et à mesure, rajoutant des pièces çà et là, tel une métaphore de son propre film, qui montre un homme qui se transforme peu à peu en créature composée de métal. Finalement, le film est assez simple à comprendre, gravitant autour de scènes fortes : celle, introductive, assez géniale il faut le dire, dans laquelle un homme se perfore la jambe pour y insérer une tige de métal, mais paniquant lorsqu'il trouve des vers dans sa blessure ; celle de la découverte par le chauffard de son mal ; celle de la poursuite dans le métro par une femme dont le corps est envahi par le métal ; des scènes sexuelles très particulières... Cette succession de scènes fait penser à un patchwork d'étudiants en cinématographie qui auraient tourné chacun une scène ayant pour thème la mutation de l'homme en machine. Ce qui pose problème, ce sont les transitions abruptes et sèches, l'image en noir et blanc brouillonne, et la mise en scène épileptique qui donne le tournis tant certaines séquences (le plus souvent, celles avec caméra à l'épaule) produisent une atroce migraine, voire la nausée. Cette nausée probable ne pourra qu'être renforcée par des bruitages qui frétillent (l'huile de vidange comme si vous y étiez...), bourdonnent (la vermine) ou hurlent (la télé à fond) en permanence, et une musique industrielle métallique (forcément...) hardcore. Ne pas regarder au casque, sous peine de vous exploser la cervelle ! Vous voilà prévenus. Ainsi, la forme anticonventionnelle, typique d'un cinéma underground, donne lieu à une oeuvre visuelle, sonore et narrative expérimentale et nébuleuse presque irregardable. « Tetsuo » est une gigantesque hallucination greffée de tout et n'importe quoi, telle une métaphore de décharge où se côtoieraient organique et métallique.


Pourtant, pour les plus patients ou passionnés, tout n'est pas à jeter, bien au contraire ! Dans les détails, c'est visuellement très ambitieux malgré des moyens limités (superbes décors composés de ferraille et de crasse, trucages étonnants), les acteurs sont absolument épatants. La symbolique reste de même intéressante malgré la mise en scène anarchique, bouillie où s'entremêlent l'hybridation de l'homme et de la machine, de la chair et du métal, la douleur et le sexe. D'ailleurs, la puissance de la machine prenant le pas sur l'humain rappelle fortement la transformation de Jeff Goldblum dans « La Mouche » de Cronenberg, en infiniment moins maîtrisé cependant. De plus, toujours en faisant l'effort de s'intéresser de près à ce qui se passe sous nos yeux malgré l'évidente torture visuelle, Shinya Tsukamoto a une curieuse façon de filmer les matières organiques, donc les machines, à la fois sensuelle et morbide. La critique sociale en seconde lecture n'est également jamais loin, puisque le personnage qui aura le privilège de se métamorphoser en amas de fils et tuyaux n'est autre qu'un salaryman à cravate (avec chemise parfaitement blanche, attaché-case... et maîtresse pour assouvir ses désirs). Que la transformation sadique touche une caricature d'homme nippon semble assez jubilatoire pour le réalisateur, qui lui fait subir des sévices métalliques ou sexuels. « Tetsuo » apparaît donc comme une expérience plus proche du clip amateur que du cinéma, d'autant que le film est relativement court (une heure).
(« Tetsuo » : 09/20)


Place maintenant à « Tetsuo II », sorti en 1992.

Un couple se fait enlever sa petite fille par deux punks en pleine rue. C'est en fait après le père qu'ils en ont. Celui-ci se fait également enlever et devient le cobaye d'expériences destinées à faire de lui un être mi-homme, mi-machine.

Avec « Tetsuo II », Shinya Tsukamoto a voulu faire un remettre de « Tetsuo ». Bien que le second volet ne reprit pas les mêmes personnages, la thématique reste l'hybridation de l'homme avec la machine. « Tetsuo II » est désormais en couleurs, et s'avère un peu plus accessible que le premier opus, comme s'il avait digéré la fusion entre un cinéma grand public à l'ambiance cyberpunk et un cinéma plus expérimental. En effet, le film s'avère mieux organisé, moins brouillon dans sa mise en scène, qui lorgne cependant toujours en majorité du côté de l'underground avec des angles de vue et une image prises depuis un tambour de machine à laver. Dans l'ensemble, le tout reste moins vomitif que le premier volet, heureusement ! « Tetsuo II » est également mieux scénarisé, donc plus clair, et toujours aussi direct dans ce qu'il veut montrer, avec toujours pas mal d'éléments intéressants sur le thème traité : le mélange entre homme et machine. Plus simplement un exercice de style, mais pas mieux toutefois qu'un objet visuel, car le scénario n'atteint pas non plus des summums. Bis repetita en somme ? Oui, presque. La forme reste (très) particulière, le fond parfois réussi mais souffrant de la première. « Parfois réussi » ? Oui, parce que Tsukamoto s'appuie toujours sur des scènes fortes, en délaissant le reste. Cela ne vous rappelle personne ? Si. Takashi Miike, dont il est depuis devenu proche. Notons d'ailleurs la propension désagréable de Tsukamoto à utiliser les accélérés, comme Miike. Et les scènes fortes sont moins chargées symboliquement que celles du premier opus, telle celle, extrêmement violente, de la mort d'un enfant. Il y a bien le débarquement d'un tank mixte cyber-organique, les battements d'un coeur artificiel de métal, mais le tout reste bien moins intéressant, et évoqué de façon infiniment plus confuse, que dans l'excellentissime Ghost in the Shell sorti 3 ans après. On finit donc par chercher de la symbolique et de la métaphore partout, et à voir du « Metropolis » de Fritz Lang dans une secte occupant une fonderie... Toutefois, il y a bien de vraies références, à peine voilées et peu inspirées, à Alien et Terminator 2 (un tuyau qui émerge de la poitrine du cobaye, un monstre froid qui élimine froidement ses victimes tel le Terminator ou les poursuit sans relâche tel un T-1000).


« Tetsuo II » est par conséquent plutôt lassant, et le cinéaste, même s'il reprend quasiment tous les éléments du premier, ne transcende pas son schéma. Effectivement, on ne s'éloigne pas de son monde supposé futuriste, entre robots, vols d'enfants, et sexe à outrance, le tout sur une bande sonore apocalyptique. On reste sur un film sadique, nihiliste et violent dans un univers de punk...pour les punks.

Le plus intéressant réside dans l'introduction de la couleur : Shinya Tsukamoto s'intéresse toujours à Tokyo, inhospitalier, morne, déshumanisé...mais désormais en bleu ou en rouge ! Il est d'ailleurs étonnant de relever quelques points communs entre le Tokyo de Tsukamoto et le Bangkok de Winding Refn dans « Only God Forgives ». Ce sont le bleu et le rouge qui mènent la danse dans ces mégapoles, pas les autres couleurs.


(« Tetsuo II» : 09/20)

L'édition est de très bonne facture. Le livret est riche en infos (et, malheureusement, en fautes d'orthographe). Sur le DVD de « Tetsuo », vous aurez notamment droit à une interview du réalisateur par Jean-Pierre Dionnet de près de 20 minutes, et à une seconde interview de cinq minutes. Sur la galette de « Tetsuo II », ce sera une interview assez courte et un making-of...aux allures d'images volées et tout en japonais (pas de sous-titres !). Un spectateur japonais lui-même aura du mal à profiter de ce drôle de reportage, car les voix de l'équipe (réalisateur, techniciens, acteurs) sont toutes couvertes par le bruit de fond. Dommage. Mais ne pas bouder son plaisir est de rigueur. Le constat est là : avec ses très bonnes interviews, cette édition est clairement faite pour les fans, pour deux films déjà destinés à des fans. Jean-Pierre Dionnet, par ses propos, semble en être un assez absolu. Rarement on l'a vu si enthousiaste, même face à du Kitano. Cela n'est guère étonnant, au regard des passions et des activités passées du monsieur.


Au final, peu de spectateurs risquent apprécier d'être confrontés à ces deux films. « Tetsuo » est maelström de violence fait d'une mise en scène hallucinatoire et un son qui arrache les tympans. « Tetsuo II » est plus cadré, mais pas plus doux. Seuls les amateurs de cinéma underground et expérimental, ou les passionnés de cyberpunk qui verront deux oeuvres fondatrices de ce courant, seront séduits. Je ne les ai personnellement appréciées que pour ce dernier point. Loin de moi l'idée de les regarder à la manière de ce qui est recommandé par Dionnet ou le réalisateur lui-même : proche de l'écran, le son à fond. Ce genre d'expérience ne plaira qu'à un public (très) averti.
Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Raimaru

16 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur


9 20
Note de la rédaction