Heat - Actualité manga

Critique de la série manga

Publiée le Mardi, 26 Février 2013

Après Sanctuary et Strain, le duo Ikegami et Buronson replonge une nouvelle fois dans l’univers des yakuza avec un héros, un vrai : charismatique, violent et machiste ! Un de trop peut-être ?

Aussi connu sous le pseudonyme de Sho Fumimura, pour Sanctuary par exemple, Buronson n’a jamais fait dans la dentelle ou la demi-mesure. Le scénario des 27 volumes de Ken le survivant, c’est lui ! Logique donc que le monde de la pègre et des yakuza l’attire autant, le fascine même. Avec son talentueux acolyte Ryoichi Ikegami au dessin, il a décortiqué les luttes de pouvoir de l’ombre et livré des portraits d’hommes forts à l’aura quasi mythologique dans Strain et surtout l’incontournable Sanctuary. Et comme on ne change pas une équipe qui gagne, les voici tous les deux sur un nouveau seinen, qui sent bon la transpiration.

Femmes objets


Dès les premières pages, le ton est donné. Un yakusa et sa bande maltraitent des femmes. Celles-ci sont des clandestines qui, pour rembourser la dette de leur venue au Japon, sont obligés de faire le trottoir. Mais les yakusa n’en ont que faire : « Je prêterais à des vieilles sur le point de crever, si ça pouvait rapporter. » Glurps ! Scène suivante : une cliente d’un bar se plaint des prix trop élevés. Un des gérants est prêt à négocier, c’est-à-dire qu’il la viole sous l’œil d’une caméra. L’humiliation des femmes ne fait commencer. En effet, on fait connaissance avec le héros, Tatsumi Karasawa alors qu’il est avec une fille, et que la police débarque pour le coincer. Sauf que sa conquête n’est autre que la femme du commissaire. Quelle ironie, non ! Non ? Comme le dirait l’un des flics : « Quel homme… Il bande encore. » A travers ce rabaissement continuel de la femme à un simple objet, Buronson dépeint avec brutalité et sans fard un univers dur, cruel, où seul le plus fort peut survivre. Reste que cette entrée en matière est caricaturale, d’un machisme dégoûtant et dégoulinant. Heureusement, l’auteur retrouve très vite son sport de prédilection, à savoir la lutte des clans, ses alliances, ses trahisons, où tout le monde n’est ni tout blanc, ni tout noir. Entre politiciens véreux, triades aux envergures de multinationales, Heat se propose de décrire l’ascension d’un jeune loup. Et si ses motivations ne sont pas encore connues au terme du premier volume, ses méthodes renseignent assez sur son mode de fonctionnement, sa mentalité.

La loi du plus faible

Deux ans auparavant, Karasawa débarque au siège de la société Isami, un usurier. Sûr de lui, il demande 10 millions, avec pour seule garantie, sa parole. Et pour montrer son beau  vouloir, il accepte d’aider à récupérer de l’argent dans un club de taxi boys. Mieux encore : « Tant qu’à faire, on va pas prendre le blé, on va prendre le club. » Cette première mission est symptomatique du personnage. Il se fait ainsi tatouer un oiseau dans le dos, une grue, car il se demande jusqu’où le faible pourra exploiter les forts. Ce retournement de situation laisse pensif. Que veut-il dire exactement par-là ? Tout simplement qu’il se considère, ou du moins se considérait comme un faible : il est seul, sans le sou, sans attache, voyage de ville en ville. Comme les deux héros de Sanctuary – politicien et yakuza -, qui ont connu la guerre et la famine, Karasawa semble avoir souffert, connu le pire, avant de finir en marge de la société. Il est bien normal donc qu’il ait été récupéré par le côté obscur de la vie, par la criminalité. Peut-être a-t-il aussi une idée en tête, même inconsciemment. Un futur, une utopie qu’il essaie de mener à sa manière, en jouant dans la cour des grands. En effet, à plusieurs reprises, le manga livre quelques clés de compréhension. Shûji, un jeune membre de la bande de Karasawa, explique qu’il a choisi ce camp, car ici au moins, on ne lui fait pas dire blanc quand c’était noir. Si une hiérarchie existe, elle est moins étouffante. Chacun est plus libre. Cette notion de liberté est déterminante. Alors qu’il trouve un chiot abandonné dans la rue, Karasawa le prend, puis le jette dans les poubelles : « Grâce aux caresses, tu seras nourri, tu pourras toujours bouffer, mais tu sera enchaîné toute ta vie. » Cette philosophie résume toute l’œuvre de Buronson, et à un moindre degré celle de Ikegami. C’est aussi le symptôme de vies (dont celle de l’auteur peut-être ?) déçues, frustrées dans une société japonaise repliée  sur elle-même. Le sujet, et l’objectif final, de Sanctuary n’était-il pas l’ouverture du Japon sur le reste du monde ?

Anti-yakuza

Dans cette logique, les actes de Karasawa sont les manifestations de sa force intérieure. Il fait fi d’une grande liberté, car il prend les yakuza à leur propre jeu. Il se sert de leurs règles pour mieux leur tordre le coup. Son non-respect du code d’honneur est d’ailleurs à double tranchant. D’un côté, il réunit autour de lui les laissés pour compte, les simples exécutants, mais s’attire les foudres des hauts dirigeants, des vrais chefs de cartels. Il devient en quelque sorte un porte-parole, dont le combat, basé sur l’instinct et l’instant, ne fait que commencer. Il alors d’autant plus dommage que les femmes soient si peu considérées. Déjà dans Sanctuary, elles n’étaient qu’un moyen de prouver sa virilité, de gonfler les muscles, de prendre des poses. Voir Karasawa “baiser” (il n’y a pas d’autre mot) la clope au bec et considérer les femmes comme un objet de consommation courante peut faire tiquer. L’image de la femme n’en sort pas grandi, loin de là. Sinon, le dessin de Ryoichi Ikegami est égal lui-même. Réaliste, tramé, puissant. Peut-être manque-t-il un peu de finesse, des décors grandioses et détaillés, et surtout les fameuses pleines pages, où le dessinateur peignait de véritables tableaux. L’impression générale, dans le fond et dans la forme, est que Heat manque d’originalité et d’inventivité. Son principal défaut est donc d’arriver après


Hoagie


Note de la rédaction

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