Critique du volume manga
Publiée le Mardi, 29 Mars 2016
Critique 1
Kaori a initialement confié Kôsei à l’accompagner lors du concert de gala. Mais le jour venu, la violoniste ne se présente pas, laissant la pianiste seule face au public… Mais Kôsei n’abandonne pas et décide de monter seul sur scène, à la grande surprise de tous ! La salle est alors sur le point d’être en émoi, car la prestation de l’ancien « pendule humain » devient un hymne d’adieu à sa défunte mère…
Le passage du concert de gala touche à sa fin, et c’est encore un moment d’une grande beauté que nous propose Naoshi Arakawa par sa plume et son crayon. On ne se préoccupe pas tant de l’absence de Kaori durant cette séquence, mais plutôt de la prestation de Kôsei qui, comme de coutume dans la série, est d’une intensité incroyable quand bien même le lecteur ne pourrait entendre la mélodie du piano à travers les pages. Cette musique, elle est transcendée par la pureté du dessin de la mangaka et pas l’impact du jeu du pianiste. La performance de Kôsei est ainsi la concrétisation de l’évolution du personnage et de son deuil de sa mère défunte, celle qu’il a détestée pendant un temps, mais celle qui n’a jamais cessé de l’aimer et de se soucier de lui, ce malgré sa maladie. C’est même presque des révélations que l’intrigue nous apporte à cet instant puisqu’on découvre les raisons de l’acharnement de la mère de Kôsei sur son fils marquant un drame humain profondément poignant, celui d’une mère contrainte de quitter trop tôt le monde sans avoir vu grandir l’enfant qu’elle a engendré. En découle alors un message de la part du pianiste, bien conscient des volontés de sa mère. On peut même considérer que la fin du récital achève un cycle de la série, celui du deuil du héros et la manière dont il reprend du poil de la bête, réoriente son futur et adresse un ultime message d’amour à celle qui l’a mis au monde. La performance de Kôsei est alors poignante, sublimée par des instants de mémoires montrant l’amour que Saki Arima portait pour son fils. On en ressort forcément troublés, à l’image du public qui a su comprendre la douceur et le message qu’a voulu porter le jeune artiste. Les phases de concert sont des moments particulièrement forts dans la série, et la mangaka nous en apportent encore une fois la preuve, sublimant son message par son déjà et utilisant la musique comme une métaphore décrivant l’évolution du protagoniste.
La seconde partie du volume prend une autre orientation, mais n’est pas non plus avare en séquences profondes et captivantes. On retrouve alors la brochette de personnages clefs dans leur quotidien et leur quête de lendemains radieux. Le cas qui nous intéresse particulièrement est celui de Tsubaki, l’amie d’enfance de Kôsei qui est soumise à une rude remise en question à propos de ses sentiments. Derrière le garçon manqué, nous découvrons alors une personne presque meurtrie émotionnellement, pour laquelle la musique est davantage un adversaire qu’un art. C’est comme si nous redécouvrions le personnage et son rapport à son ami d’enfance tant ses pensées et ses sentiments sont mises sur le devant de scène, sans jamais oublier une prise de conscience qui arrive progressivement et qui est rondement menée grâce à une ambiance mélancolique que la dessinatrice dépeint avec justesse. On en vient même à ressentir ce petit pincement au cœur à l’idée que les sentiments de Kôsei soient orientés vers une seule et même personne : Kaori.
En parlant de cette dernière, la violoniste n’est que peu présente dans le tome, mais ses apparitions sont particulièrement frappantes. Outre sa relation avec le héros qui est toujours aussi détonante et amusante, c’est la progression du personnage dans l’intrigue qui apparaît lourd d’impact, s’annonçant à chaque fois un peu plus grave. Pour Kôsei, le passé a des élans de déjà-vu, ce qui ne manque pas d’éveiller une certaine crainte chez le lecteur comme pour le héros. Dans tous les cas, et peu importe le personnage, c’est un avenir meilleur qu’on aimerait voir émerger pour chacun de la petite troupe !
Comme de coutume, Naoshi Arakawa nous émeut avec ce septième tome, cette musique en deux temps qui s’intéresse d’abord aux adieux du héros pour sa mère puis au développement de différents personnages, Tsubaki en tête, qui ne cesse de complexifier les tourments de chacun pour nous permettre de mieux s’attacher à eux. Quel que soit le pan de l’histoire, Your Lie in April raconte son récit en musique et en poésie, rendant le manga beau à chaque instant.
Critique 2
En l'absence inexpliquée de Kaori, Kôsei a choisi d'interpréter seul au piano Chagrin d’amour de Kreisler, le morceau qui lui rappelle le plus sa mère. Mais le jeune garçon a commencé à changer. Porté par une Kaori qui lui a fait découvrir de nouvelles possibilités, et par les conseils de Hiroko Seto, il a compris comment aller de l'avant... et comment se débarrasser de l'image qu'il garde de sa mère. Totalement improvisée, sa performance étonne autant qu'elle finit par toucher le public, car, jouée avec le coeur, elle marque surtout dans l'émotion un véritable adieu à celle qui lui a tout appris...
Ainsi le tome s'ouvre-t-il sur la prestation musicale, peut-être un peu plus courte que certaines représentations tout aussi importantes des précédents volumes, et pourtant tout aussi puissante voire plus, que ce soit dans la mise en scène ou dans tout ce qu'elle apporte dans l'évolution de Kôsei. Car une nouvelle fois, au gré d'un découpage savant, immersif et passionné, et de pensées finement ciselées chez les personnages, on sent à quel point l'adolescent évoluer au fil de sa musique, tantôt un peu meurtrie, tantôt volontaire, tantôt plus douce. Et cela lui permet bien, plus que jamais, de faire le point sur l'image qu'il a gardée de celle qui a tout fait pour lui. N'est-elle pas faussée ? Kôsei a-t-il vraiment déçu cette mère ? La réponse se dessine via ce morceau qui permet à Kôsei de prendre conscience de certaines choses, mais aussi à travers les pensées et souvenirs de Hiroko Seto qui viennent éclaircir en profondeur cette maman bien plus touchante qu'il n'y paraissait et qui faisait ce qu'elle pouvait, avec ses moyens... Tout est impeccable dans ce passage, au bout duquel Kôsei, plutôt que de renier celle qui lui a tout appris, pourra l'assimiler et, quelque part, continuer de la faire vivre en lui. Mais la prestation du jeune garçon est loin d'avoir un impact uniquement sur lui, et Toshiya ainsi qu'Emi en sortiront eux aussi différents ou grandis. L'émulation est bien là, la musique peut dessiner permettre de nouer bien des liens...
Avec ce concert d'une émotion rare, la principale question sortirait presque de notre esprit pendant un instant, mais elle reste toutefois trop intrigante pour ça : où est passée Kaori ? Pourquoi n'est-elle pas venue au gala ? La réponse finit par se dessiner en plein milieu de tome, et laisse tremblant tant elle est bien amené, et tant la petite phrase fermant le chapitre 26 apparaît au bon moment pour ça... Chapeau à Naoshi Arakawa qui mène décidément très bien sa narration, avec des textes toujours très justement placés. Ainsi, le lecteur s'interroge à nouveau sur la jeune fille et sur son avenir, tandis que Kôsei y voit comme un air de déjà-vu, avec une peur de perdre ce qu'il a de plus cher qu'il ne connaît déjà que trop bien...
Mais l'autre personnage féminin central de ce tome est bien une autre jeune fille, celle qui s'affiche en couverture : Tsubaki. Sortant avec Saitô, considérant Kôsei comme une sorte de petit frère sur lequel elle a toujours veillé... mais est-ce encore exactement le cas aujourd'hui ? On le devinait déjà peu à peu dans les quelques volumes précédents, et cela se confirme de plus en plus : sa façon de rester ébahie en voyant le jeune garçon jouer, ses rougissements qu'elle n'explique pas, son impression qu'elle ne parvient plus à lui parler normalement, la façon dont elle se remémore de nombreux souvenirs... Mais quand on a un caractère comme le sien, à la fois un peu gamin et assez borné, il peut être difficile de prendre conscience et d'accepter les choses. Toute la dernière partie du tome, plus axée tranche de vie sentimentale, résonne alors elle aussi de superbe manière, tant Arakawa parvient à y insuffler une émotion touchante et une pointe de nostalgie et de mélancolie, notamment lors de la scène nocturne sur la plage qui cristallise parfaitement tout ça. Tsubaki prend encore un peu plus d'importance, et ce n'est sans aucun doute pas terminé.
A cela, il faut ajouter la chaleur humaine que dégage constamment le récit, que ce soit via l'expressivité sans faille des personnages, le rôle bienveillant de personnages secondaires comme Kashiwagi l'amie de Tsubaki, ou les nombreuses notes d'humour qui sont toujours bien placées, ne sont jamais envahissantes et sont portées par des dessins devenant plus caricaturaux. Et l'on obtient un tome de très haut niveau, où Naoshi Arakawa, sans jamais s'égarer, avec des textes toujours bien ciselés, poursuit avec un talent immense son récit.