Your Evil Past Vol.1 - Actualité manga

Your Evil Past Vol.1 : Critiques

Kimi ga Bokura wo Akuma to Yonda Koro

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 14 Décembre 2023

Chronique 2 :


Le thriller reste un genre régulièrement présent aux éditions Pika, éditeur touche-à-tout, ne serait-ce avec des titres récents tels que "Meurtres dans le décagone" ou encore "Lethal Experiment".

Actuellement, l'un des titres forts du genre de la maison est assurément "Your Evil Past", un manga signé Takashi Sano qui fut initialement publié au Japon sur la plateforme Magazine Pocket des éditions Kôdansha, entre 2017 et 2020. Achevée en 14 tomes, ce qui est une belle durée de vie pour un manga de ce registre, l'œuvre flirte avec des écueils particulièrement glauques, se destinant à un lectorat averti et friand de mystères comme de sensations fortes.

Yûsuke Saitô est un lycéen ordinaire et particulièrement appréciable, entouré d'une mignonne petite amie, et qui ne semble donc pas poser de problème à quiconque. Sa seule particularité est d'être devenu amnésique après avoir été retrouvé inerte dans une barque échouée. Son passé, il ne s'en soucie pas vraiment, mais il ne s'attendait certainement pas à ce qu'il soit si chargé. Car, lorsque l'un de ses camarades de travail décide de dévoiler à Yûsuke quel genre d'individu il était, il y a à peine quelques mois, le jeune homme tombe de haut. Depuis sa jeunesse, derrière le garçon modèle se serait caché un adolescent vicieux, capable de faire subir les pires tortures à ses camarades par pur sadisme. Mais dans quelle mesure ces révélations sont avérées ? C'est en retrouvant Yôjirô Aizawa, ancienne victime, mais aussi son plus fidèle complice d'avant, que Yûsuke va obtenir des réponses toutes plus sordides les unes que les autres...

Comme nous avons pu le soulever dans les premières lignes de cette chronique, "Your Evil Past" est un titre qui demande à avoir un certain affect avec les récits aux tons sordides. Le synopsis est déjà particulièrement cru, et Takashi Sano propose une vraie bascule en enfer pour son héros à travers ce premier tome. Du lycéen sympathique qu'est Yûsuke, la découverte du lui d'autrefois sonne comme un cauchemar, tant ce début d'intrigue va progressivement s'enfoncer dans une horreur à base de torture, séquestration et viols. Rien de trop montré, car tout relève principalement des nouvelles rencontres du héros, celle avec des personnages qui semblent sortir du passé pour permettre au protagoniste de faire face à ce qu'il a commis avant de perdre la mémoire.

Sur le papier, l'idée est bonne, voire brillante. Car des psychopathes, ou tout simplement des personnes noyées dans le vice, il en existe. Aussi, confronter un individu "ordinaire" face à un passé aussi sombre est une belle idée sur le plan psychologique, sans compter toute l'aura mystérieuse de ce plot qui promet de nous montrer progressivement tout ce qu'a pu commettre Yûsuke, et pourquoi pas créer quelques surprises au niveau du scénario. Mais pour l'heure, force est de reconnaître que ce début de récit se montre un peu timide et grossier. Celui-ci insiste surtout sur la surenchère des actions perpétrées par l'ancien Yûsuke et par son acolyte, Yôjirô, en plantant comme enjeu le risque de vendetta des anciennes victimes du personnage principal. Dans l'idée, on pourrait croire que l'auteur souhaite faire dans le racoleur et le grand spectacle morbide pour illustrer les conséquences des atrocités du garçon. La chose se présente déjà par d’anciennes victimes si marquées qu'elles ont elles-mêmes totalement vrillé, une autre bonne idée, mais beaucoup trop limitée dans son traitement. L'idée, pour l'heure, semble être d'en faire des caisses, de manière à placer le lecteur dans un vrai cadre malsain, à chaque fois un peu plus.

Alors, cette amorce est franchement déstabilisante, et pas spécialement finaude. Le mangaka ne se soucie pas vraiment d'un semblant de subtilité, mais peut-être garde-t-il celle-ci pour plus tard, au même titre qu'un travail psychologique qui méritera clairement de trouver une place dans l'œuvre. Après tout, la série compte 14 tomes, aussi on espère que celle-ci ne consiste pas en une surenchère constante sans aucun fond. Pour ce genre de bousins sans morale et né d'esprits écœurants, il y a déjà Dead Tube. On sera donc tenté de donner sa chance à "Your Evil Past", ne serait-ce parce que le titre a du potentiel en termes de thriller morbide, et que Takashi Sano possède une véritable patte graphique qui fait mouche pour créer un climat dérangeant. Affaire à suivre, donc !

Côté édition, Pika livre une bien jolie copie dans la fabrication et dans les finitions, notamment avec cette couverture au papier mât qui sert la sobriété de l'illustration à l'aura assez glaçante. Laetitia Citroën offre une traduction convaincante dans les excès des personnages, tandis que Hinoko assure un lettrage propre et efficace.



Chronique 1 :


Un nouveau thriller a fait son entrée dans le catalogue de Pika Edition il y a quelques jours: Your Evil Past, de son nom original Kimi ga Bokura wo Akuma to Yonda Koro (grosso modo "Quand vous m'appeliez le Démon" en français), toute première publication française d'un mangaka nommé Takashi Sano et qui a déjà quelques oeuvres à son actif dans son pays d'origine. La série a beau intégrer la collection seinen de Pika, notons qu'au Japon elle fut prépubliée entre 2017 et 2020 dans un magazine en ligne de Kôdansha plutôt catégorisé shônen, le Pocket magazine, aux côtés de séries comme Infection (Delcourt/Tonkam) ou Arrête de me chauffer, Nagatoro (Noeve Grafx).

On découvre ici Yûsuke Saitô un adolescent de 16 ans qui, en première année de lycée, a l'air d'avoir pas mal de choses qui lui sourient: une jolie petite amie en Tamaki avec qui il espère bien vivre bientôt ses premières expériences, une bonne ambiance en classe, un petit boulot où il a pu sympathiser avec son collègue Shû qui est devenu un bon ami en peu de temps... Et pourtant, il y a comme une ombre au tableau. En effet, en parlant à Shû des brûlures qu'il a dans le dos et qui lui font tant de peine, notre héroïne à la surprise de s'attirer soudainement les foudres de son collègue et "ami", qui en arrive à lui révéler une chose impensable: ces brûlures, c'est Yûsuke lui-même qui les lui a faites autrefois, et cette horreur n'est visiblement qu'un grain de sable parmi toutes les atrocités que l'adolescent aurait faites à l'époque du collège: brûlures, tortures, viols, et peut-être même un meurtre... Yûsuke était visiblement une véritable saleté il y a encore peu de temps. mais tout ça, il l'a oublié, car il est amnésique. un an auparavant, il a soudainement disparu, pour être retrouvé six mois plus tard sans blessures physique certes, mais nu et attaché dans une barque sur un étang à 10km de chez lui, et dépourvu du moindre souvenir de ses 15 premières années d'existence. C'est donc sans savoir exactement de quoi on l'accuse qu'il va devoir se préparer au profond désir de vengeance de toutes les personnes qui auraient été a priori ses victimes autrefois... Et qui sait, peut-être que les épreuves qui l'attendent lui permettront, peu à peu, de recouvrer la mémoire, à commencer par l'identité mystérieuse de la personne qu'il aurait assassinée.

Avec son personnage principal pris dans un engrenage infernal à cause d'un passé dont il n'a aucun souvenir, Your Evil Past possède un pitch de base qui pourrait éventuellement rappeler un peu des films comme Memento de Christopher Nolan ou la mémoire dans la peau, voire un manga comme The Killer Inside (Ki-oon) qui s'en rapproche aussi dans une certaine mesure. Toutefois, la comparaison s'arrête à peu près là puisque Takashi Sano va assez vite prendre une autre voie, mais malheureusement peut-être pas pour le meilleur.

L'entrée en matière commence pourtant de façon classique mais honnête, malgré quelques notes d'humour qui font tâche dans la première moitié du tome en cassant l'atmosphère. La toute première page, assez glauque, fait plutôt bien son petit effet, puis on découvre avec intérêt les bases, entre le désir de vengeance des anciennes victimes de Yûsuke envers lui, l'amnésie de ce dernier, et l'éprouvante quête qui démarre pour lui afin de peut-être retrouver petit à petit ses souvenirs, au risque de découvrir qu'il était peut-être bel et bien la pire des pourritures. Tandis que Yûsuke se sent d'abord peu concerné quand ses anciennes victimes lui font part de ces exactions (il a l'impression qu'on lui parle de quelqu'un d'autre, etc, tant toutes ces horreurs lui semblent impossibles) et que l'on apprend peu à peu toutes les choses peu ragoûtantes qui se sont passées autrefois, on est en droit de s'interroger sur la possible mise en place de certaines thématiques. Par exemple, quel serait le sens exact de la vengeance des victimes, quand on sait que Yûsuke n'a aucun souvenir de ce qu'il aurait apparemment fait autrefois et qu'il semble lui-même choqué par tout ce qu'on lui dit ?

Mais assez vite, tout part en vrille avec l'entrée en scène d'un autre personnage, Aizawa, un ami d'enfance de Yûsuke, qui fut apparemment lui-même victime des tortures de son ami par le passé (il a un grand trou au milieu de la main, et se fera un plaisir de prend des poses "dark" bien clichées avec), et qui se révélera surtout être lui-même une sacrée raclure, en se montrant prêt à tout pour rafraîchir de force la mémoire de notre "héros" pour qu'il redevienne la saleté qu'il était avant. A partir delà, le mangaka enchaîne les idées complètement débiles en cherchant juste à faire dans le choc, plutôt que d'essayer de développer réellement son propos. Evidemment, le pompon viendra de la dernière ligne droite du tome, où les manigances d'Aizawa n'ont aucune consistance, entre les menaces d'organiser une tournante sur la copine de Yusuke s'il n'accepte pas de violer une autre fille, cette idée de le forcer à violer une inconnue pour essayer de réveiller en lui le violeur qu'il était autrefois... C'est complètement idiot. Et, surtout, ce n'est que l'un des aspects désastreux d'un début de série où l'auteur se contente d'en faire toujours des tonnes dans l'évocation de trucs horribles et malsains (toutes sortes de tortures, collégiennes violées en groupe jusqu'à en mettre certaines enceintes... les choses tournant à 90% autour de viols de toute façon) sans vraiment travailler le fond. Quand il ne propose pas des personnages/éléments "scénaristiques" peu crédibles (même si Yûsuke et Aizawa s'arrangeaient pour toujours faire chanter leurs victimes avec des preuves et éléments compromettants, difficile de croire que deux collégiens ont pu commettre autant de méfaits sur autant de personnes en tout impunité, d'autant qu'ils ont impliqué un paquet d'autres gens), des situations idiotes (Si Aizawa connaissait déjà l'endroit où pouvait être Yûsuke pendant ces six mois comme il le dit pages 121-122, pourquoi n'a-t-il rien fait avant pour le retrouver ? Yûsuke devrait forcément se méfier immédiatement), voire des personnages réellement affligeants. En tête, que penser de ces deux camarades de classe autrefois violées par tous les gars de leur classe, mais qui d'après Aizawa finissaient par en redemander à la longue au point d'être devenue aujourd'hui deux "bitches" (pour reprendre le mot de ce même Aizawa ?). Merci pour cette visions des conséquences d'un viol...

Qu'on soit bien clairs, on n'a rien contre ce genre de sujets, si tant est que ce soit correctement traité. Et on aurait aimé ne rien avoir contre ce genre d'éléments quand on voit que Takashi Sano évite généralement tout voyeurisme trop prononcé (même si plusieurs situations mettent bien mal à l'aise) et que son dessin est capable de quelques montées de niveau pour faire ressortir la part sombre et glaciale des personnages. Mais entre la surenchère d'actes horribles tellement présente que ça en devient ridicule, l'absence d'un réel travail de fond (un truc un peu psychologique derrière le trashouille, façon Aime ton prochain chez Akata, c'est pourtant faisable), et les personnages très caricaturaux quand ils ne sont pas idiots ou dépourvus de crédibilité, on a sans cesse l'impression d'avoir un pseudo thriller écrit par un collégien pour des potes en mal de sensations fortes. La série ayant été prépubliée dans un magazine surtout à destination des lycéens au Japon, c'était peut-être même le but de départ, mais ça ne justifie pas tous les défauts évoqués précédemment. Et peut-être même que le mangaka saura bien développer la suite de son oeuvre (on ne va pas lui jeter la pierre plus que de raison sur un seul tome), mais un tel naufrage dès le démarrage ne donne pas forcément envie de poursuivre l'aventure.

Côté édition, Pika offre une copie dans la borne. Proche de l'originale japonaise, la jaquette n'offre rien de particulier. A l'intérieur, le papier assez souple offre une qualité d'impression honnête, le lettrage est propre, et la traduction de Laetitia Citroën est claire et généralement bien dans le ton assez malsain voulu par l'oeuvre.


Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

12 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
7.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs