Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 09 Janvier 2025
Epaulée par l'inspecteur à la retraite et alcoolique Lei Ming-chi et par la jeune prodige du go Mirai qui peut prédire des cinq prochaines minutes, parce que c'est comme ça et pas autrement (ne vous attendez pas à plus d'explications sur tout ça), Yan arrive au bout de son affrontement contre le robot, mais doit dans la foulée composer avec un autre intrus qui semble sortir de nulle part: Hollock Lapin, qui a certaines choses à lui révéler non seulement sur d'où il vient, mais aussi sur le fait qu'elle n'est pas la seule survivante de la catastrophe d'il y a dix ans. Avec ces nouveaux éléments et ses alliés, notre héroïne finit ensuite assez vite par remonter jusqu'à celle qui est peut-être à l'origine de tout: Fleur, dirigeante de Fleur Technologie (oui, le nom est très recherché), une grande entreprise avec laquelle elle effectue des recherches sur l'intelligence artificielle, dans un but bien précis et on ne peut plus inquiétant...
La rencontre avec Fleur, qui se pose au premier abord comme l'antagoniste, est censée être l'élément central du volume, puisqu'il va déclencher tous les nouveaux rebondissements autour d'une idée très classique des récits de science-fiction: l'instant où l'intelligence artificielle échappe au contrôle de ses créateurs humains pour tout ravager. Dans les faits, on a envie de dire pourquoi pas: Chang Sheng reste bien dans son trip de mélange des genres en ajoutant une couche supplémentaire de SF, ça lui offre des possibilités supplémentaires en matière d'action (coucou Lapin), et dans tout ça il parvient à offrir à tour de rôle une place suffisante aux différents alliés de Yan, puisqu'ils ont chacun un petit impact sur l'histoire à un moment ou à un autre, et que les dernières pages dramatiques laissent bien comprendre qu'ils auront probablement une place encore plus importante dans le dernier tome. Mais est-ce que tout ça suffit à assurer la qualité de l'oeuvre ? Eh bien, ce n'est pas si sûr, car même si le tome se lit tout seul à rythme rapide (on a beau avoir des tomes épais d'environ 350 pages, ça se lit vraiment hyper vite, l'auteur étant peu bavard), Chang Sheng continue de montrer beaucoup de limites dans son histoire.
La première de ces limites provient de faiblesses scénaristiques évidentes. Non seulement, l'auteur reste pour l'instant très incomplet dans ses révélations, notamment concernant les motivations exactes de Fleur, le background de celle-ci (entre autres, comment a-t-elle compris que Yan est la fillette de son enfance ?) et les raisons pour lesquelles l'IA se rebelle exactement. Mais en plus, il cède de temps à autre à des petites incohérences certes secondaires mais qui nuisent forcément au plaisir d'un lecteur un minimum exigeant (par exemple, comment, dans la dernière partie du tome, la main a-t-elle pu rester intacte dans l'explosion dévastatrice ?).
Un autre problème est que, concrètement, même si Lei, Mirai et Lapin ont un rôle assez appréciable autour de Yan dans le récit, rien ne vient vraiment justifier en profondeur leur alliance commune. On ne ressent aucune cohésion, aucune entente particulière au sein de ce groupe qui manque un peu de substance, malgré la sympathie que l'on peut ressentir pour eux quand on les prend séparément.
Enfin, il subsiste toujours une autre limite qui frappera et affectera surtout les habitués de l'auteur: sur de nombreux aspects, il se plagie lui-même. En effet, si l'on évoquait déjà, dans la chronique du tome 1, sa tendance à quasiment toujours démarrer par des histoires de vengeance, au fil de ce 2e volume il est assez terrible de voir à quel point Chang Sheng reprend toutes les grandes lignes de sa précédente série Oldman dans les ressort scénaristiques, jusqu'à même quasiment recycler certains designs et, surtout, proposer des schémas de personnages et de rôles exactement similaires. A ce stade-là, on aurait presque envie de parler de paresse scénaristique, ce qui est d'autant plus triste quand on voit l'auteur affirmer dans sa (pourtant assez intéressante) postface qu'il n'a pas l'habitude de bâcler son travail.
Alors, pourquoi s'accrocher malgré tout à la lecture ? Eh bien parce que, même si Yan sent l'inconsistance scénaristique et le réchauffé malgré certaines idées très cools, en terme de divertissement d'action à envoie généralement du lourd. Ca explose, ça pétarade, ça utilise des technologies de science-fiction qui en jettent et, surtout, ça se bat au corps à corps dans de très efficaces chorégraphies, ces dernières étant franchement très esthétiques et limpides sous le dessin impeccable de l'artiste, quand bien même celui-ci propose certaines séquences de baston qui ont vraiment trop des allures de remplissage (en tête, Yan qui attaque directement Lapin à sa première apparition sans lui laisser le temps de s'expliquer), et ne peut pas s'empêcher de trop souvent insister sur la plastique très flatteuse de son héroïne à travers des vues sur son fessier, ses cuisses ou son entrejambe (ok Chang Sheng, tu dessines des filles canons, mais c'est dommage de les limiter un peu trop à ça, d'autant qu'à la base elles ont du caractère).
Bref, pour résumer tout ça en quelques mots: mettez totalement votre cerveau sur off en lisant Yan, et profitez du pur spectacle visuel proposé par l'auteur. C'est déjà pas mal, même si on espère que son semblant de scénario ne va pas totalement se casser la figure dans le troisième et dernier volume.