Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 28 Juillet 2011
On connait déjà Ellie Mamahara pour un précédent one-shot sorti chez les éditions Taifu : la vie raffinée de Mr Kayashima. Si cette précédente œuvre était assez anecdotique et pas véritablement aboutie, on part avec un léger à priori sur la lecture de Wisteria Manor. Pourtant, la lecture va rapidement nous faire changer d’avis, en brisant nos représentations sur un manga qu’on imaginait traité superficiellement et tombant rapidement dans la facilité. L’histoire est celle de la pension des glycines. Cette vieille bâtisse, autrefois tenue par une grand-mère attentionnée et véritable cordon bleu, se retrouve bien triste à la mort de cette dernière, laissant derrière elle ceux qui étaient devenus comme ses petits enfants. Les locataires, en effet, sont pour certains là depuis plus d’une dizaine d’année et tout le monde s’effraie à l’idée de devoir vivre sans leur bienveillante propriétaire. Mais un jour, un jeune homme débarque à la pension. Il s’appelle Masachika et annonce qu’en tant que petit-fils de l’ancienne gérante, il a pouvoir de décision quant à cette demeure. Et, sans même augmenter le loyer, il annonce à tout le monde que dans six mois ils devront partir, en leur laissant le temps de chercher un nouvel endroit où vivre. Il n’a ni le temps ni les moyens financiers de gérer la pension et n’a d’autre possibilité. En attendant, il vient emménager avec ses locataires à la place de sa grand-mère, découvrant bien vite les habitudes de ses nouveaux voisins.
Le second personnage principal est Kei, un des locataires que l’on apprend à connaitre au fur et à mesure. C’est à lui que Masachika avoue son homosexualité très rapidement, ce qui va pousser Kei à se poser de nombreuses questions, avant de se sentir irrémédiablement attiré par son propriétaire. Et sérieusement, cette fois. Pas comme cette première nuit où tous deux étaient souls ! Découvrir l’univers de cette pension est un réel plaisir, tant l’ambiance y est agréable et la lecture facile. L’auteur esquive le stéréotype d’une maison envahie de jeunes hommes et ne tombe jamais dans l’aspect harem que cela aurait pu avoir. Au contraire, les autres forment un décor apprécié mais aucun d’entre eux ne laisse présager une romance au sein de la colocation. Ce qui offre une ambiance saine dans laquelle une histoire d’amour peut réellement s’épanouir, sans souffrir du cliché ou d’une lourdeur infondée. C’est alors simplement le trajet pour Kei et Chika d’accepter leurs sentiments, la nature sérieuse de ceux-ci, et d’évoluer ensemble vers un but commun. La narration a quelque chose de délicieux tant tout y est logique et pertinent, progressant lentement mais avec finesse dans le registre d’une émotion naissante. Chika est un personnage passionnant de par la distance qu’il met entre lui et les autres, son côté râleur mais très serviable et son sérieux. Il ne fait alors pas du tout l’image classique du uke, tout comme Kei se montre très timide et incertain pour un seme. D’ailleurs, les deux jeunes gens se montrent plus ou moins demandeur de câlins, et c’est amusant de voir que Kei est, de ce côté-là, bien plus affirmé et moins réservé qu’on ne pouvait le penser.
L’auteur nous offre de réelles réflexions sur le concept du couple, mais nous gratifie également de nombreux moments sympathiques voir amusants, notamment sur la projection d’un film d’horreur ou des essais incertains de cuisine expérimentale. L’univers qu’elle met en place, bien plus facilement que l’on ne pouvait le craindre, est alors évident et nous manque beaucoup une fois la dernière page tournée. Tous les personnages sont très typés, même dans leur expression graphique, et c’est sans doute grâce à cet ensemble de détails caractériels ou physiques que l’on peut aussi bien entrer dans le monde du Wisteria Manor. Le ton est mature, bien plus que dans le précédent one-shot de l’auteur, et la relation de couple l’est tout autant. L’auteur est manifestement capable du pire comme du meilleur, et c’est ici le meilleur qu’elle signe sans hésitation possible. Une idée de base intelligemment travaillée, un personnage principal qui diffère de ce dont on a l’habitude par son assurance et ses côtés maladroits, ainsi qu’un trait plutôt réussi. En effet, le design des personnages est intéressant, surtout dans les détails qu’il donne et la variété qu’il propose. Malheureusement c’est aussi le point faible de l’auteur : sous une très jolie couverture avenante, on remarque des erreurs de proportions (certains pieds énormes, de très longs bras), des héros très longilignes et maigres, des décors vides et tristes ... Heureusement que l’originalité de la finalité des protagonistes sauve l’ensemble. Sur l’édition, rien de bien particulier : du fait du manque de décors de l’auteur le papier est un peu trop transparent, mais la page couleur du début nous séduit. Un one shot de qualité qu’on ne pensait pas découvrir aussi agréable. A lire.