Wandering Souls Vol.1 - Actualité manga

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 16 Juin 2020

En cette mi-juin, les éditions H2T accueillent une nouvelle création originale, qui est aussi leur première nouveauté manga papier de 2020: Wandering Souls (littéralement "Âmes Errantes"), une oeuvre qui devait initialement être lancée début mai mais qui, comme de nombreux titres, a dû être repoussée suite au confinement. Prévue pour compter deux tomes au total, avec un deuxième et dernier volume prévu normalement pour novembre, il s'agit de la toute première série professionnelle de Zelihan, une jeune autrice française ayant suivi des études en Art Plastique et en Art Numérique.

Ici, nous voici plongés dans un monde où la jeune Ayten vit au sein d'un village de chasseurs-cueilleurs, aux abords d'une vaste forêt et de montagnes. Loin d'être bien intégrée parmi les siens, cette jeune fille n'a d'ailleurs aucun ami et semble n'en faire un peu qu'à sa tête... Est-ce totalement sa faute si elle apparaît si solitaire ? Pas forcément, car depuis toujours elle est isolée par les autres membres de la tribu à cause de l'étrange capacité qu'elle, celle de pouvoir apparemment communiquer avec les dépouilles d'animaux. Beaucoup y voient quelque chose de funeste voire de démoniaque, et ça ne s'arrange aucunement quand, après une chute mortelle, la demoiselle se régénère sous les yeux effrayés de ses congénères, qui décident alors de purement et simplement la bannir. Seule, elle entame alors une errance sur les terres naturelles des Shagaï, les dieux oubliés de ce monde. Jusqu'à ce que ses pas la conduisent au coeur d'un temple abandonné où, alors qu'elle pense trouver refuge, elle fait la rencontre de Zêd, un mystérieux petit garçon enfermé là depuis bien longtemps. En aidant ce très faible garçon à sortir de ce temple qui le maintenait prisonnier, Ayten ne sait pas encore qu'elle vient de faire son premier pas dans une aventure qui bouleversera son existence, sur les traces des Shagaï et des "os bleus"...

Démarrant assez rapidement puisqu'il ne faut que quelques pages avant le bannissement d'Ayten, ce premier volume pourrait, dans un premier temps, décontenancer un peu dans la mesure où son scénario prend vraiment le temps de se lancer, à tel point qu'on a même l'impression que les choses sérieuses démarrent dans les toutes dernières pages, une constatation qui peut être troublante quand on sait que la série est vouée à ne faire que deux tomes. Et pourtant, petit à petit, c'est avec une curiosité et un plaisir toujours plus forts que l'on se laisse petit à petit happer par la première partie de ce "voyage" quelque peu initiatique et poétique pour ses héros pas comme les autres.

Car que ce soit Ayten ou Zêd, on entrevoit bien qu'aucun de ces deux êtres n'est tout à fait normal (ou en tout cas, comme un humain normal). Tandis que l'une peut communiquer à travers les dépouilles des animaux et se régénérer en cas de blessures, l'autre est si mystérieux que lui-même ne sait plus depuis combien de temps il était enfermé dans le temple, puis qu'il pousse Ayten à l'accompagner dans sa quête des "os bleus", dans un but précis qu'on ne révèlera pas ici. Bien sûr, cette quête, les amenant à se confronter à des Shagaï, est l'un des fils conducteurs s'installant petit à petit, et il s'agit d'une quête qui confrontera très vite le duo à différentes menaces: petits combats contres ces créatures divines, possibilité ou non de récupérer les fameux os bleus que Zêd convoite, présence dans la forêt de gigantesque créatures étranges massacrant les humains qui s'y aventurent... mais aussi querelles entre les deux jeunes gens, pour certaines raisons.

Car c'est un fait: au départ, Ayten et Zêd auront beaucoup de mal à réellement bien s'entendre. Non seulement car Zêd, bien que très attentionné et un peu Naïf voire pur, ment d'abord pour le bien de sa quête. Mais aussi parce qu'Ayten a un tempérament assez marqué que sa situation au village a sûrement beaucoup conditionné. Et pourtant, de fil en aiguille, on apprend surtout à découvrir deux êtres qui, derrière ces défauts, se révèlent très attachants, surtout à travers leur peur commune: celle de l'isolement, de se retrouver totalement seul(e). La jeune autrice présente d'ailleurs très efficacement cet état de fait, à travers, par-ci par-là, quelques pages de flashback sur Zêd, ou plus encore de "rêves" (de cauchemars, en réalité) d'Ayten si réels qu'ils semblent presque posséder la jeune fille dans sa peur d'être éternellement rejetée et esseulée. On suit alors avec attachement la relation qui, parfois difficilement, va tout doucement se bâtir entre ces deux êtres à part (puis bientôt trois avec Nonos, une excellente chèvre vraiment pas comme les autres !) qui ne semblent demander qu'à pouvoir exister en étant acceptés.. Mais est-ce seulement possible ?

Zelihan enrobe tout ceci dans une atmosphère que ne renierait pas forcément un film comme Princesse Mononoke, le long-métrage de Hayao Miyazaki semblant avoir eu un certain impact sur l'artiste française. Que ce soit pour cette forêt et ces montagnes (donc un cadre où la nature domine), certains élans un brin écolos (la critique envers les humains qui ne savent pas "écouter les cris d'agonie de ce monde", les aspects animistes des Shagaï, la manière dont les entités gigantesques de la forêt cherchent à "réguler" la présence humaine...), certains élans plus violents (corps écrasés, têtes et membres qui volent... sans que ce soit exagérément gore, mais la brutalité s'y ressent)... On peut toutefois noter aussi des influences turques ou d'Asie centrale, ne serait-ce que via le prénom Ayten, mais aussi peut-être via les tenues de nos héros, et surtout via le terme de Shagaï: pour faire très court, ce sont grosso modo des osselets servant de jeux dans différentes cultures d'Asie centrale, et leur forme rappelle d'ailleurs les fameux "os bleus" du manga.

Visuellement, Zelihan semble développer un style bien à elle, pouvant au départ paraître un peu déroutant via certains visages inégaux, mais ayant surtout beaucoup de charme pour l'allure de ses héros vraiment bien pensés, pour la richesse de certains décors de nature, ou pour pas mal de remplissages à effet "aquarelle" qui amène une densité supplémentaire aux planches ainsi qu'un aspect assez contemplatif parfois. Le découpage est vraiment clair, et certains designs s'avèrent assez impressionnants (en particulier ceux des êtres gigantesques).

Au bout du compte, Wandering Souls, au fil de cette première moitié d'oeuvre, parvient à développer des choses assez fascinantes que ce soit dans ses thèmes, ses personnages ou sa patte artistique. Le tout ne demande qu'à se confirmer par la suite, et c'est tout ce que l'on souhaite à Zelihan qui offre ici quelque chose de très intrigant. Une chose est sûre, on sera au rendez-vous pour la suite et fin dans le prochain volume !
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15 20
Note de la rédaction