Voyage de Ryu (le) Vol.1 - Actualité manga

Voyage de Ryu (le) Vol.1 : Critiques

Ryû no Michi

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 25 Février 2011

"C'est cette intelligence qui nous a coûté... tant coûté..."

Après un voyage de quarante ans vers des systèmes solaires lointains, le vaisseau spatial Fuji 1er est de retour sur Terre. Mais à son bord, il n'y a plus qu'un seul survivant : Ryu, passager clandestin de ce voyage intersidéral, fut cryogénisé, et découvre à son réveil qu'une terrible maladie à décimé le reste de l'équipage. Sortant du vaisseau, il découvre pourtant un univers très éloigné de ce qu'il pouvait attendre : la nature semble avoir repris ses droits sur Terre, alors que sous la dense végétation pointent quelques vestiges d'une gloire passée. Mais surtout, des créatures hostiles témoignent de mutations effrayantes... Ryu parviendra-t-il à survivre dans ce monde de retour à l'état sauvage ? Trouvera-t-il des semblables qui auraient réussi à perpétuer l'espèce humaine depuis tant de temps ?

Longtemps resté confidentiel auprès du public français plus éveillé par Tezuka, Shotarô Ishinimori semble enfin trouver une certaine gloire depuis quelques temps dans les rayons des librairies spécialisées. Après Cyborg 009, signant un malheureux échec éditorial, Le Voyage de Ryu est la seconde œuvre du Roi du manga à paraître dans le label Vintage de l'éditeur Glénat, sous la forme de cinq volumes de 350 pages. À l'instar du titre précédent, le maitre verse ici dans un récit de science-fiction, mais là où Cyborg 009 se voulait porté par l'anticipation de conflits nucléaires et robotiques dans un contexte de guerre froide, l'œuvre ici présente prend un cap bien plus lointain !

En effet, si la croisière interstellaire de Ryu lui a paru durer quarante années, du fait de la théorie de la relativité d'Einstein, il se serait en réalité passé bien plus de temps. Ainsi, c'est une Terre totalement transfigurée que découvre ce malheureux héros, à tel point que le doute nait dans son esprit (et dans le notre) d'être bien revenu au bon endroit. C'est en présentant des symboles typiquement japonais détournés, comme un Mont Fuji redevenu un volcan en pleine activité, qu'Ishinomori rompt tout doute ! Il est alors très appréciable de suivre ce héros perdant soudainement tous ses repères et plongé dans la solitude, même si cette dernière sera rapidement résorbée par la rencontre d'une jeune femme et de son petit frère, Maria et Jimmy. Ces derniers, dans un cas similaire, lui permettront pourtant de recomposer le puzzle des évènements passés, révélant une histoire des moins réjouissantes.

En effet, sous couvert d'un récit d'aventure et de science-fiction aux antipodes de notre monde contemporain, Ishinomori laisse transparaître tous les marqueurs de son époque. Les causes évoquées très rapidement pour rationnaliser l'évolution de notre planète sont celles d'une Troisième Guerre Mondiale et d'un conflit nucléaire à grande échelle, aux radiations irrémédiables. L'auteur met en garde l'humanité face à une course contre l'armement qui pourrait mener à sa propre perte, en détruisant son berceau. On ressent alors un message profondément pacifiste, voire écologiste, dont la portée pourrait nous paraître naïve aujourd'hui par son caractère explicite, mais qu'il est toujours bon d'entendre.

Mais Le voyage de Ryu est avant tout un récit d'exploration, où le héros cherche à comprendre toute l'histoire, porté par son espoir de trouver ses semblables au milieau des vestiges d'une antique civilisation. Le récit oscille ainsi entre phases de découverte, d'oppression dans un univers hostile, et souvent de conflits entres nouvelles races humanoïdes, rappelant d'ailleurs le roman La planète des Singes de Pierre Boule, écrit une décennie plus tôt. Certes, l'avancée des protagonistes ainsi que leur développement peut paraitre aujourd'hui très basique, les combats primaires et les retournements classiques, mais le style d'Ishinomori n'a rien perdu en clarté ni en expressivité malgré le poids des années. Les évènements sont avant tout agencés dans un but contemplatif, pour que le lecteur contempler un monde désolé dont il pourrait bien être lui-même la cause.

Cet aspect immersif est d'ailleurs rendu par un travail saisissant sur des décors fourmillants de détails, de finesse, des jungles denses aux bâtiments en ruines, en passant par des éléments futuristes à l'aspect rétro particulièrement savoureux. Le tout se mêle très habilement et rend la confusion des genres très appréciable. Chauves-souris géantes, hommes-singes, robots, mutants,... le lecteur ne sait où donner de la tête ni ne sait ce que les prochaines pages réserveront comme nouvelles rencontres. Concernant l'édition offerte par Glénat, les habitués de la collection vintage ne seront pas surpris de retrouver les caractéristiques propres au label : une couverture cartonnée fine et souple, comme celle d'Ashita no Joe, et un habillage noire aussi sobre que peu engageant.

Alors que son autre série fleuve connait quelques déboires, nous ne pouvons que souhaiter bon courage à Ryu dans son voyage en espérant que de nombreux lecteurs le suivront dans ce monde hostile et primitif qui pourrait bien être le notre dans quelques siècles ou millénaires. Shotaro Ishnimori prouve encore une fois ici son talent de conteur d'histoire exceptionnel, et on le suit sans trop de difficultés, malgré des canevas scénaristiques et des morales nous paraissant aujourd'hui très classiques. Mais après tout, c'est là toute la marque des grands maitres de poser les bases fondatrices pour les générations futures ! De par sa lisibilité, son message explicite et sa taille relativement réduite, Le Voyage de Ryu constitue sans doute à ce jour le titre le plus accessible de la collection Vintage. Avis à tous ceux qui hésiteraient à franchir le pas vers ces titres incontournables !


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Tianjun
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs