Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 31 Octobre 2016
Bisco Hatori est une mangaka qui a son petit succès en France. Les fans la connaissent pour Sennen no Yuki et Host Club, deux œuvres publiées chez Panini, et l’éditeur remet à l’honneur son autrice fétiche avec Urakata !!, une comédie démarrée en 2014 au Japon où elle compte actuellement quatre opus. Série différente s’il en est, Bisco Hatori choisit, avec son nouveau titre, d’aborder le thème du cinéma, mais de manière on ne peut plus farfelue, tout en respectant certains codes afin de donner une alchimie originale…
Ranmaru Kurisu est issu d’une famille de pêcheurs, mais sa maladresse légendaire fait de lui un individu incapable d’exceller dans quelque domaine qui soit. Universitaire, il se fait le plus discret possible sur son campus, mais pour une fois sa malchance va lui donner l’occasion de sa vie. Atterrissant au cœur d’un tournage, il se retrouve catapulté parmi les membres d’un des clubs cinématographiques de l’établissement afin de réparer ses erreurs. Le Dep’Art a pour vocation de réaliser tous les préparatifs artistiques en amont des tournages des autres clubs et comptes, dans ses membres, des individus hauts en couleur qui vont rapidement juger Ranmaru à sa juste valeur. Car effectivement, les dons cachés du jeune homme vont se dévoiler rapidement…
La particularité d’Urakata !! est de proposer une comédie sur fond de thèmes liés au cinéma. La mangaka opère alors un véritable mélange des genres : son univers repose sur la cohabitation entre différents clubs scolaires afin d’aborder le septième art sous l’angle des coulisses, le tout en respectant le registre de la comédie scolaire, ses quiproquos et les personnages décalés que cela implique. En surface, l’idée est plaisante et surtout originale. A ce titre, l’œuvre de l’autrice peut surprendre à bien des égards dans cette introduction puisqu’il n’est, pour l’heure, jamais question de relations amoureuses, le sujet phare étant bel et bien celui de l’art. Pourtant, on en attend davantage de l’œuvre qui peine à exploiter vraiment les facettes du cinéma. Malgré quelques explications de notions et les phases de coulisses qui expliquent la genèse du manga et la passion de Bisco Hatori pour le septième art, ce premier opus ne fait qu’effleurer l’ensemble des thématiques et le cinéma est surtout là pour justifier tout un tas d’interactions entre personnages, et appuyer la manière dont Ranmaru deviendra peu à peu un protagoniste débrouillard.
Il demeure alors un aspect tranche de vie tout à fait agréable au cours de la lecture. Certains relèveront rapidement le manque d’enjeux dans ce début de série, le fait qu’aucune trame véritable ne soit dessinée et que l’heure soit à l’exposition. Mais celle-ci se développe sur une tonalité conviviale et déjantée, avec pour seul défaut de nous proposer de nombreux personnages qu’on peine à véritablement retenir durant notre lecture. Le récit parvient toutefois à se recadrer vers la deuxième partie du tome en insistant sur les membres du Dep’Art, figures essentielles du récit qui constituent le cœur des échanges de Ranmaru. Et c’est bien sur ces interactions que l’histoire se montre plaisante, rafraîchissante et amusante. Pour planter le décor, le ton est efficace, mais sur le long terme, on espère que l’œuvre saura exploiter toutes ses qualités, notamment la palette de personnages d’ores et déjà attachants.
Sur le plan graphique, on ressent toute l’expérience de la mangaka ainsi que sa volonté de montrer des personnages vivants. Son trait est fin et élégant, chaque membre du Dep’Art a droit à des caractéristiques physiques correctement appuyées pour bien faire ressortir leurs caractères… à ce titre, on sent le soin opéré par l’autrice sur sa bande de personnages centraux. Reste que le tout est le reflet de ce tome : les personnages sont le cœur de l’œuvre, si bien que les environnements sont souvent absents. Avec le développement de la thématique du cinéma, on espère que cette lacune sera comblée.
Côté édition, Panini livre une copie tout à fait convenable. Le papier est de qualité et la traduction d’Alice Lacroix parvient à faire ressortir tout le charme de la série. Pas de fausse note pour cette copie éditoriale, donc, les efforts de Panini depuis quelque temps sont même à saluer.
Comédie scolaire sur fond de thématiques artistiques, Urakata !! a un véritable potentiel, que ce soit dans son sujet ou ses personnages attachants si on fait exception du stéréotype qu’est Ranmaru, à juste titre puisqu’il permet de faire ressortir son entourage. Reste que les thématiques ne sont que survolées pour l’heure actuelle et servent, pour l’heure, de prétexte plus qu’autre chose. La mise en bouche de la série demeure alors séduisante par le ton du titre, mais Urakata !! doit encore montrer toute l’étendue de son art.