Trait pour trait, dessine et tais-toi Vol.5 - Actualité manga
Trait pour trait, dessine et tais-toi Vol.5 - Manga

Trait pour trait, dessine et tais-toi Vol.5 : Critiques

Kakukaku Shikajika

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 26 Novembre 2021

Chronique 2 :

Le succès semble enfin à portée de mains pour Akiko, dans la voie de mangaka qu'elle s'est choisie. Kisekae Yuka-chan, sa toute première série, a été lancée il y a peu dans le magazine Cookie en recevant de bons échos dans l'ensemble, et en parallèle elle a l'occasion de se lancer sur une histoire courte de 100 pages. Tout devrait donc rouler pour la jeune femme, qui n'a plus une minute à elle face à ces projets qui accaparent toute son attention... au point d'avoir peut-être un peu oublié, pendant un temps, son professeur à Miyazaki. Ainsi, c'est quand elle s'y attendait le moins que Hidaka lui passe soudainement un coup de téléphone qui va la chambouler: son cher professeur s'est vu diagnostiquer un cancer du poumon en phase avancée, et les médecins lui donnent à peine 4 mois à vivre...

Au vu que la manière dont Akiko Higashimura, depuis les tout débuts de la série, parlait dans ses pensées à son professeur avec mélancolie, l'issue concernant son cher professeur Hidaka ne faisait quasiment aucun doute... mais la narration et le ton de l'autrice dans l'oeuvre ont été tels que, malgré tout, la toute fin du volume 4, avec cette dramatique information, faisait indéniablement son effet. Dès lors, il va de soi que ce 5e et dernier volume, tout du long, est marqué par cette nouvelle, jusqu'à son inévitable issue.

Concrètement, pourtant, il n'est pas forcément question pour Akiko Higashimura de changer considérablement la tonalité de son oeuvre. Même si une part dramatique, mélancolique et douce-amère y est plus prégnante, on distingue même encore pas mal de notes d'humour (parfois amenées par Hidaka lui-même, car lui non plus ne change aucunement malgré la maladie), et finalement l'autrice de Trait pour Trait ne change pas de cap, en premier lieu en poursuivant jusqu'au bout son retour sur ses premières années de mangaka, où elle parvient encore à glisser efficacement, dans sa narration toujours immersive, nombre d'anecdotes sur le travail du manga et sur différentes difficultés qu'elle a pu rencontrer, que celles-ci concernent purement le milieu du manga (la difficulté pour une débutante de réaliser plus de 100 ages en un mois, par exemple), soient plus personnelles (son impossibilité à dessiner au calme en revenant chez ses parents) ou soient en lien avec l'état de santé voué à se dégrader de Hidaka (doit-elle revenir s'installer à Miyazaki pour l'épauler à l'école de dessin comme il l'aimerait, au risque d'atténuer ses chances dans le manga à la capitale ?).

Mais comme toujours depuis les débuts de la série, le parcours de la jeune Akiko est toujours à mettre en lien avec Hidaka et tout ce que cet homme lui a apporté, ne serait-ce qu'en croyant toujours en elle et en lui ayant enseigné le dessin mais aussi, certes à sa manière, des valeurs dont elle a ensuite pris bien conscience, parfois trop tard. Au fil de l'oeuvre, Higashimura a présenté en son professeur un homme authentique, certes pas toujours facile et un peu rustre au premier abord, et pourtant infiniment gentil en étant très soucieux de ses élèves (il le montre encore dès le début du tome: quand on lui diagnostique son cancer, il pense en premier aux élèves de son cours qui doivent préparer les concours), et qui n'a jamais cessé d'avoir en vie de peindre, de dessiner, de sculpter, de créer... chose qu'il fera jusqu'à la toute fin de sa vie.

Cette façon d'être, quelque part, on sent bien qu'elle a imprégné Akiko Higashimura, puisque, un peu à la manière de son professeur qui a créé des oeuvres jusqu'à sa fin, elle-même se voue à dessiner, encore et encore, toujours. Dessiner, dessiner, dessiner, comme Hidaka le lui a inculqué. Mais le chemin pour en arriver là aura pu être long pour une autrice qui, encore en dessinant Trait pour trait, et sans doute encore aujourd'hui, en a gardé des marques. Un regard un peu amer sur certaines années de sa jeunesse qu'elle estime avoir perdues à faire n'importe quoi, ses regrets de ne pas avoir pu être là pour Hidaka, etc, etc... La mangaka, avec le recul acquis au fil des années, pose sur elle-même un regard qui n'hésite pas à être parfois acerbe, y compris quand elle évoque des faces encore plus personnelles (la façon dont elle s'est séparée de Nishimura, son mariage suivi rapidement d'un divorce, la naissance de son enfant...). Et l'ensemble touche au plus haut point tant il semble criant de sincérité, offre des moments où plus d'une personne pourrait se retrouver, permet d'entrevoir l'humaine se trouvant derrière la mangaka, et offre un hommage abouti en tous points à ce professeur qui a marqué à tout jamais la vie de la jeune Akiko pendant 7 années.

Ainsi, le dernier volume de Trait pour Trait - Dessine et tais-toi !, riche, poignant, humain, est une véritable réussite, mettant comme il se doit le point final à une série qui aura été excellente d'un bout à l'autre, et qui aura de quoi nous trotter encore dans la tête pendant un petit moment.


Chronique 1 :

L'appel qu'Akiko reçoit de Monsieur Hidaka sonne comme un coup de massue. Son professeur souffre d'un cancer au stade avancée, et il ne lui reste que quelques mois à vivre. Bien qu'elle doive dessiner encore et encore pour maintenir ses débuts en tant que mangaka, la jeune femme retourne à Miyazaki afin d'aider Hidaka à maintenir son école et préparer son « départ ». Seulement, jongler entre ce soutien intense et son colossal travail de dessinatrice va la contraindre à faire un choix...

Depuis le début du manga autobiographique qu'est Trait pour trait, on s'attendait à un événement de cette ampleur. Parce que l'artiste évoquait son professeur avec une tendresse teintée de mélancolie, il était facile d'imaginer que Hidaka avait quitté ce monde. Mais cela n'empêchait pas la fracassante révélation de fin de quatrième tome de faire son effet, aussi l'atmosphère qu'amène ce chamboulement marque inéluctablement de volume final, jusqu'à sa dernière page.

Et si l'annonce de la maladie du prof amène forcément une aura maussade dans l'opus, force est de constater que le caractère du personnage reste inchangé, même face à la mort. Ainsi, la dernière phase de Trait pour trait jongle toujours entre des séquences solennelles touchantes et des instants de légèreté bien sentis, qui permettent parfois de souffler sans pour autant désamorcer la puissance globale des événements.

Le dernier opus de la série narre ainsi l'annonce de la nouvelle de la maladie du professeur, jusqu'à ce que la vie quitte ce dernier. Assez ironiquement, cette étape marque aussi l'envol d'Akiko en tant que dessinatrice de manga, un coup du destin qui aura fait de l'original enseignant un accompagnateur de l'artiste depuis ses balbutiements au lycée, jusqu'à son épanouissement total. En ce sens, la présente série montre une autre optique. Akiko Higashimura dépeint certes son parcours en tant qu'artiste, mais dresse ici un véritable deuil, évoquant ses regrets quant à son comportement d'autrefois. Une jeunesse qu'elle juge trop insouciante, idiote même par instants, et dans laquelle certains se reconnaîtront peut-être, à des échelles différentes. Aussi personnel soit le récit, il est facile de s'y retrouver, au moins en partie. Alors, notre empathie accompagne forcément cette jeune Akiko, tanguant ente les impératifs de sa carrière balbutiante et son fort attachement envers son professeur. Le tout est narré via des ambiances sincères et justes, qui ne tombent pas dans le pathos mais font mouche au moment opportun. Sans que cela soit une démarche narrative, d'ailleurs, puisqu'il est montré que la mangaka fouille dans ses souvenirs, parfois avec difficulté, pour simplement retranscrire les faits d'autrefois, et les pensées qui l'ont parcourue.

L'authenticité de l’œuvre se renforce aussi par les allers et retours plus nombreux entre l'époque d'autrefois et celle actuelle. Le récit se fait plus personnel que jamais tant l'autrice se livre, explique l'évolution de sa vie, et montre sans faux-semblants tous les regrets qu'elle peut avoir, encore aujourd'hui. Arrivé à la dernière page, avec quelques larmes aux yeux au passage, il est facile de voir dans Trait pour trait l'expression d'un deuil, celui d'une vie d'adolescente/jeune adulte insouciante, et celui de son cher enseignant qu'elle garde dans un coin de sa mémoire. La vie de l'artiste continue, mais l'instituteur excentrique, sévère et borné, celui qui lui a tant apporté, continue à vivre de différentes manières. La petite surprise que réserve Akiko Higashimura vient alors conclure la lecture en rajoutant davantage de générosité et de mélancolie, tout en constituant une preuve supplémentaire de la sincérité de l'autrice avec son lectorat, à travers cette série.

La fin de Trait pour trait est d'une force rare. Outre l’œuvre autobiographique passionnant de l'une des autrices contemporaines du shôjo les plus impactantes, la série est vectrice de bien des émotions et des intentions. Aux côtés d'Akiko et du professeur Hidaka, nous aurons ris, frétillé, grondé, et certainement pleuré sur le volume final, d'une sensibilité et d'une justesse impeccable.
  

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Koiwai

18 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
18 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs