Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 15 Avril 2021
Chronique 2 :
La fin des quatre "années d'enfer" d'études d'Akiko à l'école des Beaux-Arts de Kanazawa arrive, sans avoir permis à la jeune femme d'y voir plus clair quant à son avenir: après quatre ans un peu en roue libre, sans objectifs précis, sans motivation pour la peinture, où elle a plutôt profité des joies de la jeunesse, une question lui vient naturellement à l'esprit, question étant déjà forcément passée par la tête de nombre d'étudiant(e)s: à présent, que va-t-elle devenir ? Que va-t-elle faire après son diplôme ? Les appels de ses parents et de Hidaka sont de plus en plus nombreux, tant ceux-ci sont déjà certains qu'elle va revenir à Miyazaki... mais pour y faire quoi exactement ? En plus, quitter Kanazawa, ça reviendrait à vivre une relation à distance avec son petit ami...
Ainsi le tome 3 de Trait pour trait, le mangaka autobiographique d'Akiko Higashimura, marque-t-il une nouvelle étape-clé dans la vie de l'autrice: la fin des années étudiantes, et l'entrée dans la vie active. Une entrée qui, pour elle, n'aura rien de rigoureusement prévu ni de très classique. Errances pour savoir ce qu'elle peut faire exactement, pressions de ses parents qui sont en colère à l'idée que toutes les dépenses dans les études pourraient n'avoir servi à quasiment rien, premier travail stable loin d'être idéal puisqu'elle se retrouve simplement à devoir bosser au centre d'appel de la boîte où travaille déjà son père sans forcément avoir les qualités ou la motivation requises... A plus d'une reprise, on sent Akiko un peu perdue, ce qui lui permet alors de dresser un constat assez universel sur les errances de l'entrée dans la vie active, tout en rendant l'autrice encore plus humaine, tant elle ne détourne jamais le regard sur les dérives et défauts qu'elle a pu montrer, et tant elle sait cristalliser ce par quoi nombre de personnes peuvent traverser. On suit alors une Akiko qui, pendant un bon moment ici, semble perdue...
Mais n'est-ce pas quand on est à bout que l'on trouve enfin la force de faire le premier pas vers son rêve de toujours, ne serait-ce que pour ne plus se sentir minable ? Dans le cas d'Akiko, ça semble vrai, et la dernière partie de ce tome commence alors plus concrètement à aborder un autre moment charnière: la période où Akiko a enfin pris en main son rêve, pour essayer de devenir mangaka, ce qui est passé par des premières étapes pas forcément communes par rapport au parcours plus linéaire de bien d'autres mangakas. Ce qui rend la lecture d'autant plus unique et intéressante, tant l'autrice n'a jamais vraiment fait les choses de façon classique pour y arriver.
De part les nombreux moments de doutes d'Akiko, il y a peut-être un peu plus encore de sérieux et de mélancolie dans ce tome... mais il y a aussi, toujours, beaucoup d'humour, notamment parce que la mangaka n'hésite jamais à faire dans l'autodérision en décortiquant celle qu'elle a été. Les anecdotes, elles sont toujours aussi nombreuses, et peuvent aussi bien concerner des choses assez générales (comme les particularité de la cérémonie de remise des diplômes de son université, des cours d'informatique insupportables, ou l'impact de sa vieille amie Futami) que nombre de choses liées au monde du manga: sa façon de s'être longtemps inspirée de son petit ami de l'époque Nishimura pour dessiner ses personnages masculins, sa passion pour feu le magazine Bouquet qui l'a accompagnée pendant des années depuis son enfance, les origines de son pseudonyme "Higashimura"... ou encore sa rencontre avec une certaine Satô, qui deviendra plus tard la mangaka Lemon Haruna (découverte en mars dernier en France chez Le Lézard Noir avec le magnifique Daruchan), et qui fut pour elle une bonne assistante en plus d'être restée une amie précieuse. Et découvrir Lemon Haruna par le regard d'Akiko Higashimura, ça a quelque chose d'assez exquis et touchant également.
Mais bien sûr, tout au long de cette nouvelle période de sa vie, il y a toujours, auprès d'Akiko, cet homme qui l'a toujours soutenue à sa manière en croyant en elle, Hidaka. Le retour à Miyazaki fut pour elle l'occasion de retourner à son école de dessin, y compris à un moment où elle ne pouvait plus se raccrocher qu'à cet endroit où elle a tant appris. Toujours portée par la confiance de Hidaka, elle y devint même enseignante (c'est dans ce cadre qu'elle a rencontrée Lemon Haruna, d'ailleurs), continuant alors de fréquenter les lieux et son professeur de façon régulière, en n'osant pourtant toujours pas lui parler de ses rêves de mangas... Y parviendra-t-elle enfin ? Et, si oui, quelle serait la réaction de Hidaka ? Dans tous les cas, il y a toujours quelque chose de très humain dans le portrait que Higashimura fait de cette relation prof-élève particulière. Certains moments étant même très touchants dans l'hommage qu'elle rend à Hidaka, à l'image de certains instants où l'homme paraît plus doux, ou de la toute dernière page qui émeut naturellement.
Chronique 1 :
Les études d'art d'Akiko se terminent, sans que cette dernière sache quoi faire de concret de sa vie. Hidaka, son professeur, lui trouve pourtant une opportunité en or : Un poste de professeur d'arts plastiques dans un lycéen. L'occasion est idéale, mais cela contraindrait la jeune femme à retourner à Miyazaki, et ainsi quitter son charmant petit-ami. Et tandis que rien ne se passe comme prévu, les années à venir pourraient bien guider Akiko vers la voie de mangaka.
Drôles mais touchants, les deux premiers opus narrant la jeunesse d'Akiko Higashimura ont su nous embarquer dans ce passé on ne peut plus personnel, contant le parcours de la future mangaka qui n'avait rien de linéaire. Avec ce troisième opus, qui marque la moitié de la série, cette impression se confirme de nouveau : L'autrice n'aura pas fait les choses dans les règles.
Le bousculement dans la vie de la concernée est amorcé par la fin de ses études, un passage qui aura pu sembler anecdotique tant la protagoniste s'est laissée allée à l'insouciance de la jeunesse, un message de regret qu'elle continue d'aborder dans ce début de tome. La suite, c'est l'émergence d'une voie nouvelle pour l'artiste qui ne touche presque plus à une seule toile, un comble pour elle qui a suivi des études d'art et qui compte s'orienter vers la voie de mangaka. En ce sens, Akiko Higashimura sait capter notre intérêt, tant on est curieux de connaître le cheminement de sa vie d'adulte. Rien ne lui réussi, elle met en exergue un contexte social peu idéal pour la jeunesse, et présente une fois encore toute l'importance qu'a eu son professeur pour elle. Et encore une fois, toute l'alchimie entre eux apporte un cachet certain à l'ensemble. La relation complice entre Akiko et Hidaka est touchante tandis que l'original professeur a su mettre de l'eau dans son vin. Au fil des années, leur lien se veut plus humain, à l'instar de l'âme de l'instituteur qui ne renie pourtant jamais une certaine forme de sévérité.
Mais alors, quand l'autrice a-t-elle pu devenir mangaka ? Le sujet est véritablement abordé dans ce troisième opus, d'une manière d'ailleurs surprenante mais qui dévoile un message fort. Dans le désespoir et pour se battre contre ce qu'on nous impose, s'accrocher à sa passion est le meilleur remède possible. Le premier contact entre Akiko et la création d'un manga a cette poésie, mais reste fidèle à l'ensemble de la vie de l'intéressée dans le sens où la cristallisation de ses rêves ne se fait pas via la démarche initialement voulue. Et la création d'une œuvre en elle-même est complexe, tant l'autrice en herbe d'époque n'en fait qu'à sa tête, et a encore beaucoup à apprendre. Ce sont pourtant bien les premiers pas de la créatrice de mangas qui sont montrés, et la naissance d'Akiko Higashimura dont le nom d'artiste est lui aussi expliqué, sans tabou aucun. Hasard du calendrier d'ailleurs, puisque le volume nous renseigne sur sa relation d'amitié avec la mangaka Lemon Haruna, que nous avons pu lire en France pour la première fois juste avant publication de cet opus, via le récit Daruchan ou la vie ordinaire de Narumi Maruyama, employée intérimaire.
Sur ce troisième tome, l'autrice entre donc dans le vif du sujet après s'être longuement penchée sur sa vue étudiante, néanmoins indispensable pour comprendre son parcours atypique. Toujours frais, immersif mais aussi particulièrement drôle, une touche humoristique largement relevée par la traduction Miyako Slocombe, le très personnel Trait pour Trait demeure sans doute l'une des lecture les plus authentique et hapantes du moment.
La fin des quatre "années d'enfer" d'études d'Akiko à l'école des Beaux-Arts de Kanazawa arrive, sans avoir permis à la jeune femme d'y voir plus clair quant à son avenir: après quatre ans un peu en roue libre, sans objectifs précis, sans motivation pour la peinture, où elle a plutôt profité des joies de la jeunesse, une question lui vient naturellement à l'esprit, question étant déjà forcément passée par la tête de nombre d'étudiant(e)s: à présent, que va-t-elle devenir ? Que va-t-elle faire après son diplôme ? Les appels de ses parents et de Hidaka sont de plus en plus nombreux, tant ceux-ci sont déjà certains qu'elle va revenir à Miyazaki... mais pour y faire quoi exactement ? En plus, quitter Kanazawa, ça reviendrait à vivre une relation à distance avec son petit ami...
Ainsi le tome 3 de Trait pour trait, le mangaka autobiographique d'Akiko Higashimura, marque-t-il une nouvelle étape-clé dans la vie de l'autrice: la fin des années étudiantes, et l'entrée dans la vie active. Une entrée qui, pour elle, n'aura rien de rigoureusement prévu ni de très classique. Errances pour savoir ce qu'elle peut faire exactement, pressions de ses parents qui sont en colère à l'idée que toutes les dépenses dans les études pourraient n'avoir servi à quasiment rien, premier travail stable loin d'être idéal puisqu'elle se retrouve simplement à devoir bosser au centre d'appel de la boîte où travaille déjà son père sans forcément avoir les qualités ou la motivation requises... A plus d'une reprise, on sent Akiko un peu perdue, ce qui lui permet alors de dresser un constat assez universel sur les errances de l'entrée dans la vie active, tout en rendant l'autrice encore plus humaine, tant elle ne détourne jamais le regard sur les dérives et défauts qu'elle a pu montrer, et tant elle sait cristalliser ce par quoi nombre de personnes peuvent traverser. On suit alors une Akiko qui, pendant un bon moment ici, semble perdue...
Mais n'est-ce pas quand on est à bout que l'on trouve enfin la force de faire le premier pas vers son rêve de toujours, ne serait-ce que pour ne plus se sentir minable ? Dans le cas d'Akiko, ça semble vrai, et la dernière partie de ce tome commence alors plus concrètement à aborder un autre moment charnière: la période où Akiko a enfin pris en main son rêve, pour essayer de devenir mangaka, ce qui est passé par des premières étapes pas forcément communes par rapport au parcours plus linéaire de bien d'autres mangakas. Ce qui rend la lecture d'autant plus unique et intéressante, tant l'autrice n'a jamais vraiment fait les choses de façon classique pour y arriver.
De part les nombreux moments de doutes d'Akiko, il y a peut-être un peu plus encore de sérieux et de mélancolie dans ce tome... mais il y a aussi, toujours, beaucoup d'humour, notamment parce que la mangaka n'hésite jamais à faire dans l'autodérision en décortiquant celle qu'elle a été. Les anecdotes, elles sont toujours aussi nombreuses, et peuvent aussi bien concerner des choses assez générales (comme les particularité de la cérémonie de remise des diplômes de son université, des cours d'informatique insupportables, ou l'impact de sa vieille amie Futami) que nombre de choses liées au monde du manga: sa façon de s'être longtemps inspirée de son petit ami de l'époque Nishimura pour dessiner ses personnages masculins, sa passion pour feu le magazine Bouquet qui l'a accompagnée pendant des années depuis son enfance, les origines de son pseudonyme "Higashimura"... ou encore sa rencontre avec une certaine Satô, qui deviendra plus tard la mangaka Lemon Haruna (découverte en mars dernier en France chez Le Lézard Noir avec le magnifique Daruchan), et qui fut pour elle une bonne assistante en plus d'être restée une amie précieuse. Et découvrir Lemon Haruna par le regard d'Akiko Higashimura, ça a quelque chose d'assez exquis et touchant également.
Mais bien sûr, tout au long de cette nouvelle période de sa vie, il y a toujours, auprès d'Akiko, cet homme qui l'a toujours soutenue à sa manière en croyant en elle, Hidaka. Le retour à Miyazaki fut pour elle l'occasion de retourner à son école de dessin, y compris à un moment où elle ne pouvait plus se raccrocher qu'à cet endroit où elle a tant appris. Toujours portée par la confiance de Hidaka, elle y devint même enseignante (c'est dans ce cadre qu'elle a rencontrée Lemon Haruna, d'ailleurs), continuant alors de fréquenter les lieux et son professeur de façon régulière, en n'osant pourtant toujours pas lui parler de ses rêves de mangas... Y parviendra-t-elle enfin ? Et, si oui, quelle serait la réaction de Hidaka ? Dans tous les cas, il y a toujours quelque chose de très humain dans le portrait que Higashimura fait de cette relation prof-élève particulière. Certains moments étant même très touchants dans l'hommage qu'elle rend à Hidaka, à l'image de certains instants où l'homme paraît plus doux, ou de la toute dernière page qui émeut naturellement.
Chronique 1 :
Les études d'art d'Akiko se terminent, sans que cette dernière sache quoi faire de concret de sa vie. Hidaka, son professeur, lui trouve pourtant une opportunité en or : Un poste de professeur d'arts plastiques dans un lycéen. L'occasion est idéale, mais cela contraindrait la jeune femme à retourner à Miyazaki, et ainsi quitter son charmant petit-ami. Et tandis que rien ne se passe comme prévu, les années à venir pourraient bien guider Akiko vers la voie de mangaka.
Drôles mais touchants, les deux premiers opus narrant la jeunesse d'Akiko Higashimura ont su nous embarquer dans ce passé on ne peut plus personnel, contant le parcours de la future mangaka qui n'avait rien de linéaire. Avec ce troisième opus, qui marque la moitié de la série, cette impression se confirme de nouveau : L'autrice n'aura pas fait les choses dans les règles.
Le bousculement dans la vie de la concernée est amorcé par la fin de ses études, un passage qui aura pu sembler anecdotique tant la protagoniste s'est laissée allée à l'insouciance de la jeunesse, un message de regret qu'elle continue d'aborder dans ce début de tome. La suite, c'est l'émergence d'une voie nouvelle pour l'artiste qui ne touche presque plus à une seule toile, un comble pour elle qui a suivi des études d'art et qui compte s'orienter vers la voie de mangaka. En ce sens, Akiko Higashimura sait capter notre intérêt, tant on est curieux de connaître le cheminement de sa vie d'adulte. Rien ne lui réussi, elle met en exergue un contexte social peu idéal pour la jeunesse, et présente une fois encore toute l'importance qu'a eu son professeur pour elle. Et encore une fois, toute l'alchimie entre eux apporte un cachet certain à l'ensemble. La relation complice entre Akiko et Hidaka est touchante tandis que l'original professeur a su mettre de l'eau dans son vin. Au fil des années, leur lien se veut plus humain, à l'instar de l'âme de l'instituteur qui ne renie pourtant jamais une certaine forme de sévérité.
Mais alors, quand l'autrice a-t-elle pu devenir mangaka ? Le sujet est véritablement abordé dans ce troisième opus, d'une manière d'ailleurs surprenante mais qui dévoile un message fort. Dans le désespoir et pour se battre contre ce qu'on nous impose, s'accrocher à sa passion est le meilleur remède possible. Le premier contact entre Akiko et la création d'un manga a cette poésie, mais reste fidèle à l'ensemble de la vie de l'intéressée dans le sens où la cristallisation de ses rêves ne se fait pas via la démarche initialement voulue. Et la création d'une œuvre en elle-même est complexe, tant l'autrice en herbe d'époque n'en fait qu'à sa tête, et a encore beaucoup à apprendre. Ce sont pourtant bien les premiers pas de la créatrice de mangas qui sont montrés, et la naissance d'Akiko Higashimura dont le nom d'artiste est lui aussi expliqué, sans tabou aucun. Hasard du calendrier d'ailleurs, puisque le volume nous renseigne sur sa relation d'amitié avec la mangaka Lemon Haruna, que nous avons pu lire en France pour la première fois juste avant publication de cet opus, via le récit Daruchan ou la vie ordinaire de Narumi Maruyama, employée intérimaire.
Sur ce troisième tome, l'autrice entre donc dans le vif du sujet après s'être longuement penchée sur sa vue étudiante, néanmoins indispensable pour comprendre son parcours atypique. Toujours frais, immersif mais aussi particulièrement drôle, une touche humoristique largement relevée par la traduction Miyako Slocombe, le très personnel Trait pour Trait demeure sans doute l'une des lecture les plus authentique et hapantes du moment.