Tokyo Kaido Vol.2 - Actualité manga
Tokyo Kaido Vol.2 - Manga

Tokyo Kaido Vol.2 : Critiques

Tokyo Kaido

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 09 Octobre 2017

Les dernières pages du tome 1 de Tokyo Kaido laissaient le lecteur sur une inquiétude folle, et en ouverture de ce deuxième volume,  Minetarô Mochizuki joue merveilleusement son coup en n’en faisant jamais trop sur le possible drame qui vient d’avoir lieu. Car ce ne sont pas les événements tendus en eux-mêmes qui intéressent l’auteur, mais bien ses personnages au plus profond d’eux. Ainsi, le début du volume s’intéresse surtout à une nouvelle rixe entre Hashi et Hana, qui montre à quel point ces jeunes, en plus d’avoir le sentiment d’être incompris par la société, peinent aussi profondément à se comprendre entre eux. Seules quelques cases disséminées çà et là viennent entretenir l’inquiétude autour de Hideo, à l’heure où Hashi et Hana ne savent pas encore ce qui lui est arrivé.


De manière générale, l’ensemble du volume reste dans la même optique : l’histoire en elle-même évolue très doucement, car ce qui intéresse Mochizuki est de décortiquer ses personnages et leur ressenti dans une société où ils se sentent marginaux et incompris. Nous avons bien un début de réponse sur la disparition du Dr Tamaki, et l’on se demande forcément pourquoi ce dernier a fait ce choix et ce qui va en découler. De même, la question d’une possible opération pour Hashi reste bien présente à plusieurs reprises. Mais à partir de ces pistes, Mochizuki préfère broder un portrait de jeunes décalés qui peinent à trouver leur place. C’est l’occasion d’en découvrir un petit peu plus sur certains visages : le fait que Hideo ne perçoive pas la douleur, le passé de Hana dans ce qui ressemble à une secte, ou même la prise de consistance de certains visages « secondaires », comme Bibi dont le rôle s’intensifie, ou le jeune garçon qui oublie tout : et si, en réalité, il voyait le monde d'une façon étonnamment artistique ? Mais c’est surtout une excellente opportunité pour continuer de s’intéresser en profondeur à ce que peuvent ressentir les « malades ».  On s’interroge forcément sur ce que peut bien ressentir Hana, qui doit supporter constamment  d'être vue comme une nymphomane ou comme un symbole d'érotisme. Une question qui trouve d’autant plus d’impact sur le lecteur que Mochizuki s’applique justement à dégager un érotisme chez la jeune femme (aaah, cette obsession des jambes…), et c’est alors le lecteur lui-même, un peu déstabilisé, qui est amené à se questionner sur le regard qu’il porte sur Hana. Il y a également la question des paroles d’Hashi : tout ce qu’il ne peut s’empêcher de dire reflète-t-il forcément le fond de son cœur ? A ce titre, tout un passage arrive à point nommé : celui où, pendant près de 60 pages, Mochizuki nous immerge au plus profond du manga que le jeune garçon dessine, « Tokyo Kaido », l’œuvre fictive qui offre son titre au manga. Tout d’abord, dans ce passage, Mochizuki bluffe complètement sur le plan visuel  : par rapport à son trait clair et épuré, le « Tokyo Kaido » de Hashi change totalement de style en étant très dense, très sombre, aucunement épuré avec des trames pleines d’impact, des designs monstrueux riches  et des visions cauchemardesques : l’effet de contraste est impeccable, et on y décèle avec beaucoup de puissance tous les éléments personnels que Hashi immisce dans ce manga où il peut s’exprimer sincèrement : comment il se voit et comment il pense être vu, ses questionnements sur ce qu'il est, son cri profond et poignant affirmant que lui aussi a un cœur malgré les horreurs qu’il ne peut s’empêcher de dire, se relation avec sa mère et ses parents… Sur ce dernier point, les événements qui arrivent directement après, avec l’arrivée de la mère d’Hashi, sont brillants en mêlant la réalité au manga du jeune garçon.


En s’intéressant de près à ses personnages, le mangaka continue de mettre en avant les doutes qui les rongent et la place qu’ils tentent de se trouver dans une société dont on ne peut totalement s’extraire. Qu’on le veuille ou non, cette société portera toujours un regard sur nous… Les cas de Mari et de Hana sont intéressants. Mari vit dans un monde où elle est la seule humaine, et  Hana veut éviter tout contact avec les autres... Mais on vit dans un monde où l'on ne peut percevoir son existence qu'à travers les relations avec les autres, et le premier à commencer à accepter cela semble être Hideo. De manière générale, l’auteur met très bien en avant la difficulté qu’ont les personnages pour réussir à faire comprendre ce qu’ils ont réellement au fond d’eux… mais cela se limite-t-il à ces gens « marginalisés » et « malades »  : après tout, on cache tous ce qui est enfoui dans notre coeur, alors que paradoxalement on aimerait savoir lire dans le coeur des autres. Mochizuki met alors en valeur à quel point il peut être dur de faire confiance aux autres, et à quel point il est difficile d’apprendre à être soi-même et à s’accepter quand on se sent exclu et/ou inadapté. Mais clairement, il y a des signes d’espoir, à l’image de l’attention que Hideo et Hana commencent à se porter : Hana se dit qu’il vaut mieux éviter de parler à Hashi de ce que fait Tamaki, pendant que Hahsi se dit qu’il vaut mieux éviter de parler de certaines choses à Hana. Une forme d’attention se crée, et on retrouve notamment la même chose à travers le regard que Hideo porte sur la petite Mari. Et puis il y a ces paroles du morceau de samba de « Belladonna », qui résonnent fortement pendant toute la lecture, au point d’être reprises sur la dernière page du tome.


« Et la tristesse a toujours un espoir. La tristesse a toujours un espoir. »


Visuellement, en plus de ce qui a déjà été dit, on peut à nouveau apprécier tous les petits choix de mise en scène et d’angles de vue faits par Mochizuki, qui ne laisse rien au hasard. On peut évoquer le fait d’assister au réveil de Hideo à travers ses propres yeux, où le zoom depuis le ciel sur la planche que Hashi s’apprête à dessiner.


La lecture reste alors très forte et juste. Soignant toujours son trait et sa mise en scène, Minetarô Mochizuki profite des lentes avancées de son histoire pour avant tout croquer en profondeur ses personnages « inadaptés » et leur rapport à la société et au regard que celle-ci porte sur eux.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs