Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 31 Mai 2023
Fort de ses liens avec la maison Shûeisha, Panini nous offre ponctuellement différents titres de l'éditeur, la plupart mineurs, et possiblement de petites pépites qui ne se sont pas démarquées dans leur pays d'origine. C'est dans cette optique que nous est proposé Timebomb Teacher, un court récit en 4 tomes qui est aussi la toute première série (et unique à ce jour) de Yanagi Takakuchi. Le manga fut proposé entre 2021 et 2022 au Japon, sous le titre Hara Hara Sensei.
L'histoire est celle d'Azusa, une jeune femme qui ne vit que de désillusions. Chimiste passionnée, sa carrière fut vouée au naufrage quand un chercheur influent lui a volé son travail. Devenue professeure, elle ne parvient pas à communiquer son amour pour les sciences, dans un établissement où règne la mauvaise graine, et où elle ne réussit pas à se faire respecter. Azusa a néanmoins un réconfort de taille en la personne de Ruka, sa sœur avec laquelle elle entretient un lien fusionnel. Mais quand Ruka disparaît, le quotidien de l'institutrice vole en éclat. Et plutôt que de voir ce qui lui est cher lui être retiré une fois de plus, elle décidera de se battre cette fois-ci, quitte à s'opposer aux plus grands groupes criminels du quartier. Son arme ? Ses connaissances en chimie, pouvant donner lieu à des armes surprenantes...
Pour sa première œuvre professionnellement publiée, Yanagi Takakuchi opte pour un récit d'action en milieu yakuza, aux côtés d'une héroïne qui ne paie pas de mine, une experte de la science prête à utiliser ses connaissances en guise d'arme, dans le but de retrouver sa sœur disparue. Un pitch plutôt séduisant, dont les arguments confirment la cohérence d'un tel récit sur la plateforme Shônen Jump+. Aussi, l'amorce de Timebomb Teacher est-elle réussie ?
En synthétisant, on pourra reprocher à l'auteur un côté trop académique, et le fait qu'il ne parvienne pas encore à libérer totalement son style. Car avec ce premier volume, le mangaka pose les bases de son récit sur un rythme honnête, en découpant suffisamment bien les choses pour affirmer un aspect finalement assez sage de son début d’œuvre, sans forcément nous surprendre. Mais est-ce là le but ? Non, sans doute. En se faisant ainsi la main, Yanagi Takakuchi explore un minimum son concept tout en créant son intrigue, de manière à intriguer le lecteur et le pousser à suivre l'aventure d'Azusa, sur un terrain qui la dépasse complètement. Chose qui n'était pas gagnée pour cette héroïne un poil pitoyable de prime abord, mais qui parvient à trouver la détermination nécessaire pour se lancer dans la recherche de la personne qui compte le plus pour elle. Un traitement peut-être trop expéditif, mais qui ancre bien le récit dans un registre qui se veut dans l'héritage du Jump classique.
Et puisqu'on parle de personnages, Yoroizuka est très clairement un personnage clivant dans ce début de récit, une figure imperceptible dont les excès de violence ne permettent que peu notre empathie. Fort heureusement, les choses se décantent peu à peu autour de lui, de manière à créer une complémentarité entre lui et Azusa, dans leurs tempéraments comme dans leurs objectifs.
Ces bases se plantent dans un récit pas forcément survitaminé, et qui prend le temps d'introduire la protagoniste dans le sombre milieu de la Pègre, où les règlements de compte font loi. Si l'objectif n'est pas de dépeindre une mythologie mafieuse au sein du récit, ce monde de l'ombre parvient à devenir un véritable ennemi à part entière. On appréciera aussi la démystification du milieu, au fil des découvertes de l'héroïne, balayant les auras positives que certains mangas underground dressent, par l'esthétique mafieuse notamment. Dans Timebomb Teacher, le crime organisé est crasseux, impitoyable, et ne mérite pas d'éloge. Un choix crédible qui sied particulièrement bien au ton de ce début d’œuvre.
Alors, si ce premier volume garde un côté très scolaire, que l'aspect scientifique mériterait d'être encore plus poussé et la narration encore plus libérée, Yanagi Takakuchi n'a pas à rougir avec le premier ouvrage de sa carrière. Non sans défaut, ce tome d'amorce pose des bases convenables et livre un divertissement pêchu, dans lequel l'ennui n'a jamais le temps de s'installer. Bien au contraire, les mystères entourant la sœur d'Azusa et l'importance de ce monde mafieux nous pousseront à lire les trois tomes suivants. Difficile de comprendre pourquoi ce départ a été si boudé par la critique, d'une manière globale.
Côté édition, Panini nous offre une copie de bonne facture, entre une couverture qui brille d'un papier mât sur lequel règne un léger vernis sélectif, un papier de belle qualité, un lettrage équilibré d'Andrea Renzoni, et une traduction efficace de Thibaud Desbief.