Time Paradox Ghostwriter Vol.1 : Critiques

Deuxième manga lancé par Crunchyroll, successeur des éditions Kazé, Time Paradox Ghostwriter se sera fait attendre chez nous. Lors de son lancement dans le Shônen Jump en mai 2020, le titre fait parler de lui, notamment pour son pitch original plongeant le lecteur dans l'univers éditorial du Jump sous l'angle d'une certaine science-fiction. Dès lors, il ne faisait aucun doute que les enchères entre ayant-droits français débutaient dès ce début de parution réussi. Malheureusement, coup dur pour les deux auteurs, Kenji Ichima et Tsunehiro Date, qui doivent mettre fin à l'aventure au bout de 14 chapitres compilés en deux volumes, faute de succès. Le coup est particulièrement rude pour le dessinateur qui, après avoir cumulé séries courtes et one-shot dans les biais de parution estampillés Jump, n'a pu porter ce projet audacieux plus loin. Néanmoins, c'est avec un joli plaisir qu'on accueille la série chez nous, ne serait-ce pour découvrir ce que beaucoup pensaient, à l'origine, comme un futur hit au scénario qui avait tout pour plaire.

Car cette histoire, c'est celle d'une aventure éditoriale pas comme les autres. Teppei Sasaki, graine de mangaka, échoue à chaque présentation de ses manuscrits à un éditeur du Jump. Pourtant, son plus grand rêve est bien d'être publié dans le fameux magazine, et c'est un événement surnaturel qui va lui donner cette chance. Un jour, après avoir essuyé un énième échec, la foudre s'abat sur son toit et fait griller son micro-ondes qui, telle une machine le liant au futur, amène chez lui un exemplaire du Shônen Jump... qui sera publié dix ans plus tard ! Un numéro d'autant plus extraordinaire qu'il contient le premier chapitre saisissant d'une nouvelle série, White Knight. Egarant ensuite la revue, Teppei pense à un rêve éveillé, mais décide de coucher sur papier ce qu'il pense avoir lu. Une tentative réussie, puisque White Knight plaît au responsable éditorial, et qu'une sérialisation est immédiatement projetée ! Un rêve se réalise pour le garçon qui se rend ensuite compte que le Jump du futur qu'il a lu n'avait rien d'irréel, et qu'il recevra chaque semaine le magazine datant de dix ans plus tard. Pris dans un véritable engrenage, Teppei va devoir poursuivre sa série en se fiant au Jump du futur...

Bakuman fait figure de grand représentant lorsqu'il s'agit de romancer une aventure éditoriale. Aussi extrême que soit parfois le manga de Tsugumi Ohba et Takeshi Obata, constamment garni d'archétypes, le titre reste encore en tête. Aussi, l'oeuvre de Kenji Ichima et Tsunehiro Date qu'est Time Paradox Ghostwriter tente d'approcher ce type de récit avec un élément de SF bien trouvé, et qui a lui seul est vecteur de pistes intéressantes. Car avec l'idée de ce Jump venu du futur, les auteurs amènent un élément de fiction singulier qui pose la question du plagiat dans les agissements de Teppei. Un plagiat dans lequel il se lance malgré lui et qui prendre des proportions plus fortes au fil du récit, mais malheureusement en évitant de confronter frontalement le cœur de la problématique par quelques artifices. Dommage, mais cela n'empêche pas à ce premier opus de saisir notre intérêt.

Car un premier twist narratif, survenant en fin de deuxième chapitre, apporte un élément nouveau pour le scénario qui tourne désormais autour de deux personnages. L'histoire ne se suit alors plus seulement pour le parcours de Teppei mais aussi par sa relation très particulière avec Itsuki, une jeune dessinatrice de talent dont le lien avec le héros est d'emblée une bonne idée. Une idée qui arrive d'ailleurs à point nommé, au moment où on redoutait que le titre tourne rapidement en rond.
Et si le binôme s'avère réussi, malgré le manque de sincérité du garçon, c'est par l'authenticité de leur passion et ce que chacun va apporter à l'autre sur ce simple premier opus. Dès lors, savoir que la série s'achèvera brutalement au prochain volet laisse déjà un goût amer en bouche, et il ne nous reste plus qu'à apprécier ce qui nous sera offert jusqu'au bout.

Mais dans cette déception survient un dernier élément fort, une nouvelle pirouette scénaristique qui fait de nouveau basculer le plot du récit, redonnant sa place à sa dimension SF. Alors, on se demande si Time Paradox Ghostwriter pourra au moins aller jusqu'au bout de cette piste en un volume seulement tant cette trame, plus dramatique, a presque l'air d'avoir été lancée dans l'urgence afin de sauver le manga d'une noyade qu'il ne pourra éviter. A voir ce qu'il en sera !

Côté édition, Crunchyroll livre une bien jolie copie. Si le format est conforme aux parutions de feu Kazé, on apprécie un papier un poil plus épais pour un volume plus agréable à tenir en mains. Le dos de l'ouvrage, lui aussi, s'avère pertinent, loin de ce que la maison semble proposer pour des suites telles que Mashle, poussant à surcommander de nouvelles jaquettes à l'heure d'une crise du papier.
Saluons aussi la traduction de Lilian Lebrun, efficace pour retranscrire les différentes dynamiques de ce début d'intrigue, ainsi que le lettrage très propre et la jolie maquette signée ledocteurno.