The World Is Dancing Vol.1 - Actualité manga
The World Is Dancing Vol.1 - Manga

The World Is Dancing Vol.1 : Critiques

World Is Dancing

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 31 Janvier 2024

Toute première nouveauté manga des éditions Vega-Dupuis en cette année 2024 avec un premier volume paru le 5 janvier dernier, The World is Dancing est une série achevée en 6 volumes qui fut initialement prépubliée au Japon en 2021-2022 dans le magazine Morning des éditions Kôdansha. Il s'agit de la toute première publication française de Kazuto Mihara, un auteur qui compte à ce jour deux séries à son actif, qui fut assistant auprès de l'illustre Takehiko Inoue, et qui a débuté sa carrière professionnelle en 2017 avec la série Hajime Algorithm, dans laquelle le personnage principal essaie de comprendre le monde par le prisme des mathématiques. Cette idée de théoriser sur le monde semble particulièrement tenir à coeur à l'auteur puisqu'elle est aussi au coeur de The World is Dancing, mais cette fois à travers le sujet de la danse et plus spécifiquement d'une des figures historiques les plus essentielles de l'Histoire du spectacle japonais.

Japon, 1375, en pleine époque Muromachi, une époque où la cour japonaise était divisée entre le nord et le sud. C'est à cette époque que vit Oniyasha, un jeune garçon de 12 ans. Il a beau être le fils de Kan'ami, le fondateur et élément-vedette de la compagnie de spectacle Kanze, tout porte à croire qu'il n'a pas hérité de ses talents, et la figure paternelle ainsi que les autres membres de la troupe le lui font régulièrement sentir. Et pourtant, le cerveau de cet enfant semble constamment en ébullition, car il ne cesse de s'interroger sur l'utilité des spectacles, qui ne sont pas des besoins aussi essentiels que manger ou dormir. Alors, pourquoi effectuer des choses comme la danse ? Pourquoi passe-t-il son temps à agiter son corps alors qu'il n'en comprend pas l'intérêt ? Quel est le destin du corps humain, quand celui des oiseaux est de voler ou que celui des poissons est de nager ? Alors qu'il est perdu dans ses pensées, son observation d'une femme, dansant seule chez elle comme si elle n'avait rien d'autre dans la vie, va le bouleverser, l'émouvoir profondément sans qu'il sache exactement pourquoi. Et pour le comprendre, il va faire ses premiers pas dans une voie qui va changer l'Histoire de l'Art japonais.

Si le nom d'Oniyasha ne vous dit rien, peut-être aurez-vous déjà entendu le nom qu'il adoptera plus tard: Zeami. Acteur, dramaturge, l'homme est surtout connu pour être le premier grand théoricien du nô, et pour avoir littéralement apporté ses lettres de noblesse à ce spectacle théâtral et dansant typiquement nippon. Pendant toute sa vie d'artiste, avant d'emprunter la voie religieuse à l'aube de ses 60 ans, il a pris soin de codifier le spectacle populaire du sarugaku (l'ancêtre du nô, grosso modo) afin d'en faire un véritable Art esthétique et raffiné. Il a d'ailleurs laissé derrière lui plusieurs écrits dont la plupart ont été traduits en français, dont "La Tradition secrète du Nô" qui est toujours disponible dans notre langue. C'est donc le parcours romancé de ce grand nom historique que le mangaka commence à narrer ici, chose qu'il n'est pas le premier à faire puisque le manga en deux tomes A nos fleurs éternelles, signé Narumi Shigematsu et paru aux éditions Akata en 2020-2021, s'intéressait exactement à cette même personnalité.

C'est un début de récit particulièrement immersif que nous propose l'auteur, dans la mesure où il tâche de nous plonger au plus près d'Oniyasha, en nous faisant suivre nombre de ses pensées, de ses interrogations, de ses réflexions, de ses observations, si bien qu'on le voit avec beaucoup d'intérêt commencer à théoriser sur le spectacle, sur la danse, sur la beauté des corps en mouvement, sur ce qui peut nous pousser à agiter nos corps avec grâce. Et en filigrane, cela passe par d'assez nombreux à-côté plutôt captivants, à l'image du désir du jeune garçon d'être reconnu par son père, de rencontres déterminantes dans ce qu'elles ont à dire (mention spéciale à la jeune Satsuki, qui trouve l'utilité de son corps malgré son bras manquant), de nombreuses petites informations historiques à la fois sur les types d'art vivant et sur des éléments de vie à cette époque, et des prémisses de moments qui vont changer la vie de notre jeune héros (en tête, l'arrivée d'un spectacle à donner pour le shogun Ashikaga, démarrant tout juste en fin de volume).

Ce début d'oeuvre se veut donc suffisamment riche, tout en se focalisant avant tout sur la tentative de compréhension du spectacle, du corps humain et du monde par le futur Zeami. Et pour porter tout ça, on peut dire que Kazuto Mihara offre un rendu visuel réellement vibrant: tout en proposant un rythme clair et entraînant dans son découpage, où il joue notamment sur de grandes cases quand il le faut, le dessinateur propose des décors d'époque assez présents et crédibles, et surtout de superbes envolées dès que les corps sont en mouvement: en plus d'une expressivité folle, il s'en dégage une grâce qui est justement très importante pour le personnage principal.

"Si le monde est petit, alors je l'agrandirai."

A la fois pour l'éventuelle découverte de la figure historique de Zeami, pour l'immersion dans le Japon de la deuxième moitié du 14e siècle, pour la mise en valeur de la danse et plus généralement des capacités du corps humain comme vecteur d'émotions, et pour le rendu visuel emballant, on suivra alors avec beaucoup d'intérêt la suite de cette série, dont la tonalité passionnée a facilement de quoi conquérir !

Quant à l'édition française, elle s'avère satisfaisante dans l'ensemble, puisqu'on lui reprochera uniquement une légère transparence du papier. A part ça, la jaquette reste sobre et fidèle à l'originale japonaise tout en se parant d'un logo-titre joliment pensé, le papier est souple et léger, l'impression est très honnête, la traduction de Satoko Fujimoto est très claire, le lettrage effectué par Boris Blot et Sébastien Martinand de Blackstudio est très soigné, et le grand format permet de profiter au mieux du travail visuel de l'artiste.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs