Temps retrouvés (les) Vol.1 - Actualité manga
Temps retrouvés (les) Vol.1 - Manga

Temps retrouvés (les) Vol.1 : Critiques

Torimodosa reta jikan

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 22 Mai 2020

Chronique 2

Le duo formé par le scénariste Kei Fujii et la dessinatrice Cocoro Hirai semble avoir eu un certain succès parmi les œuvres originales publiées par les éditions Ki-oon. Découvert en avril 2018 chez nous avec le recueil d'histoires courtes « Sous un ciel nouveau », le tandem a fait son retour dans nos contrées avec un autre récit original, mais une série cette fois. D'abord présentée fin janvier 2019 dans le second numéro du Ki-oon Mag, la série « Les Temps retrouvés » vit son premier tome paraître en librairie en septembre de la même année. Une première moitié d'histoire, toujours proposé dans la collection Latitudes de l'éditeur, proposant une tranche de vie particulière, axée sur notre rapport au Temps.

Voilà cinq ans qu'Ippei, un septuagénaire, est veuf. Est-ce pour autant qu'il est incapable de tomber amoureux ? Non, loin de là même ! En visite au centre de séniors Gin, il fait la rencontre de Kotoko, jolie pianiste et ancienne professeure, de la même génération que lui. Ippei a le coup de foudre, et c'est rapidement qu'il va se lier avec la souriante femme. Mais malgré leurs âges, tous deux ont-ils le droit de tomber amoureux l'un de l'autre ? Est-ce que leurs familles, mais aussi le Temps, le permettrait ?

Le binôme Kei Fujii / Cocoro Hirai semble aimer parler des personnes âgés, nos vénérables qui ne bénéficient peut-être pas de la place qu'ils mériteraient d'une manière générale, dans la bande-dessinée nippone. Aussi, Les Temps retrouvés est dédié à deux septuagénaires, Ippei et Kotoko, un veuf et une veuve qui vont montrer qu'il est possible de vivre une histoire d'amour pleine de fraîcheur, même à leurs âges.

Dès lors, et on s'en doute rapidement, c'est une belle histoire humaine qui nous attend. Si les mangas de romance nous habituent le plus souvent à des adolescents ou a de jeunes adultes, il y a une certaine fraicheur dans la découverte d'une telle idylle, entre deux protagonistes qui pourraient être les grands parents du lecteur. Une intention d'écriture réussie, notamment parce que les deux personnages centraux sont particulièrement attachants, et d'une grande pureté. Car dans leur romance, qui n'est d'ailleurs pas jouée d'avance, l'idée de respect par rapport à leurs compagnes défunts est sans cesse mise en avant. Il en résulte une relation sensible et touchante, mais aussi positive, traitant alors les vieilles années de l'humain d'une manière tendre à souhait.

Et outre ce quotidien qu'on prend plaisir à suivre, et devant lequel on s'émeut à de nombreux instants, c'est surtout toute la capacité qu'a Kei Fujii de parler de notre rapport au temps, qui est d'un impact aussi délicat que réussit. Le titre « Les Temps retrouvés » (avec majuscule à Temps) n'a rien d'un hasard, aussi l’œuvre est tant celle d'Ippei et Kotoko que celle de leurs entourages respectifs, impactés par la temporalité de la vie. Évidemment, le focus principal se fait sur les deux protagonistes, marqués par les années et qui jettent toujours un regard sur leurs vécus, avec une sincère mélancolie. Mais à côté d'eux, tout nous rappel que l'humain est conditionné par le Temps, y compris le quadragénaire subissant les mauvais choix de son existence, ou regrettant les débuts d'une idylle amoureuse. L'ensemble sonne toujours très juste et parvient même, en un temps assez record, à dresser le portraits de personnages secondaires et de légitimer leurs relations avec leurs vieux parents, afin de renforcer toute la maturité du titre.

A ceci s'ajoute une dimension sociétale, qui fait irruption sur la dernière partie de ce premier volume. Si la romance entre Ippei et Kotoko doit être acceptée par les deux concernés, leurs entourages viendront aussi s'y mêler. Là où le reste du tome établissait une balance équilibrée entre l'optimisme et la mélancolie, cet aspect vient contrebalancer le tout, jusqu'à dépeindre des notes pessimistes qui nous fait refermer le volume sur une extrême compassion pour les deux personnages centraux, et même une certaine tristesse. Forcément, la situation aura le temps de se développer dans le second et dernier tome, mais le parti-pris est émotionnellement fort en plus d'être intéressant au sein du récit.

Le dernier argument fort de cette première moitié d'histoire, c'est indubitablement son format. Un ouvrage grand nous est présenté, de par son appartenance à la collection Latitudes, ce qui amène déjà un certain confort de lecture. Confort renforcé par la colorisation intégrale du titre, du plus bel effet. Cocoro Hirai manie très bien les couleurs vives qui ne sont pourtant jamais trop criardes, sa palette donnant une très belle vie au récit. Point de narration intéressant : L'opposition entre la palette classique, et les planches ternes dès qu'il s'agit de présenter le passé des deux personnages, à l'image d'une vieille pellicule. Un choix crédible pour distinguer les époques narrées, et pertinent dans les couleurs proposées, renforçant alors notre rapport à la nostalgie des personnages.

Pour en revenir au confort de lecture, celui-ci n'a rien d'anodin puisque Ki-oon propose une fabrication exemplaire. On apprécie autant le papier cartonné un poil granuleux sélectionné pour la couverture, mais aussi l'épaisseur des pages qui absorbe efficacement l'encre qui ne reste jamais sur les doigts. L'argument peut sembler évident, voir curieux à être cité, mais il faut le souligner dans une œuvre intégralement en couleur, et dont le confort de lecture vient aussi de la conception de l'ouvrage.

Autant dire que le premier tome (sur deux) de la série de Kei Fujii et Cocoro Hirai est sans réelle fausse note. Tranche de vie sensible et touchante, ce début d'intrigue nous interpelle aussi bien sur la réalité de l'existence de nos ainés qu'on a tendance à minimiser, tout en nous questionnant sur notre rapport au Temps. Une très belle première moitié de récit qui, on l'espère, se terminera aussi admirablement qu'il a débuté.


Chronique 1

Un peu plus d'un an après le joli Sous un ciel nouveau, le duo Kei Fujii & Cocoro Hirai revient aux éditions Ki-oon avec une nouvelle création originale, toujours dans la collection Latitudes, mais cette fois-ci en deux tomes et entièrement en couleurs. Imaginé dans le sens d electure occidental, Les Temps retrouvés nous immisce dans une romance pas comme les autres...

Pas comme les autres, car contrairement à énormément de manga ancrés dans la romance et la tranche de vie, ce récit nous plonge aux côtés de seniors. Ippei, 72 ans, mène une vie sans grands enjeux depuis la décès de son épouse 5 ans auparavant, et se contente d'un quotidien calme, entre ses amis du centre pour senior Gin ou du bar qu'il fréquente, et sa famille où il vit chez lui en hébergeant un fils pas très doué, une belle-fille remontée, et deux petits-enfants adorables. Oui, c'est une vie qui sent bon la fin d'une époque, comme s'il n'avait concrètement plus grand chose à espérer... Du moins, jusqu'à sa rencontre avec la nouvelle prof de piano du centre, Kotoko, 70 ans. C'est le coup de foudre immédiat pour ce vieil homme posé, qui aura ensuite l'occasion de fréquenter cette femme, de découvrir qu'elle-même a perdu son époux 6 ans auparavant, qu'elle vit avec un fils riche mais ingrat et une belle-fille irascible... et que, dans le fond, elle aussi trouve triste de devoir vieillir seule.

A 70 ans passés, l'amour peut-il encore opérer ? C'est l'un des sujets de cette tranche de vie qui se suit avec intérêt, au fil d'un premier volume très doux, qui prend surtout soin de croquer de manière posée et crédible la rencontre entre Ippei et Kotoko, leur désir de passer du temps ensemble et de se découvrir, les sentiments qui naissent en eux... Concrètement, les choses se contentent plutôt des étapes essentielles, ça va parfois un peu vite, jusqu'à une fin de tome marquant une étape essentielle avec la confrontation au regard des proches, même si sur ce point précis les auteurs s'engouffrent dans quelques ficelles très grosses voire un peu caricaturales concernant certains proches du couple. On a tout compte fait affaire à une sorte de "romance impossible" inversée, où ce sont les aînés qui se voient mettre des bâtons dans les roues par les plus jeunes, une formule certes classique mais ici utilisée à assez bon escient, et que l'on attend de voir développée dans le deuxième volume.

Et en attendant de voir ça, ce premier tome doit l'essentiel de son charme touchant à ce qui se dégage des deux personnages principaux, forcément dans le doute. Retomber amoureux à plus de 70 ans, est-ce une bonne chose, sachant qu'il ne leur reste probablement plus que quelques années à vivre ? Est-ce une traîtrise envers leurs précédents mari/femme, avec qui ils ont vécu des décennies et qu'il ne peuvent évidemment pas oublier ? ce sont quelques-unes des questions que l'on voit poindre chez ces deux poignantes personnes âgées, d'autant lus touchantes que l'on apprend à les découvrir au fil des discussions où ils se révèlent l'un à l'autre concernant leur vie passée, leur ancien travail avant de passer à le retraite, leurs anciens amours défunts, leur famille...

Cocoro Hirai accompagne tout ceci dans un style visuel toujours aussi réaliste, avec des visages crédibles et assez nuancés, des décors assez travaillés, des angles de vue parfois très bons, des couleurs douces qui apporte une profondeur et une chaleur supplémentaires dans la relation entre Ippei et Kotoko... En somme, le récit en enveloppé dans une sorte de cocon assez paisible et touchant, que seule la dernière partie du tome vient troubler.

Dans l'ensemble, ce premier volume des Temps retrouvés croque donc avec beauté la renaissance de deux héros qui, à plus de 70 ans, veulent relancer leur vie. En attendant de voir le 2e et dernier tome confirmer ou non les qualités de ce récit, on suit cette première moitié d'histoire dans une édition de qualité, avec un grand format appréciable, une excellente qualité de papier et d'impression, et une traduction fine de Géraldine Oudin, qui colle très bien à l'atmosphère globale.
 

Critique 2 : L'avis du chroniqueur
Takato

17 20
Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs