Critique du volume manga
Publiée le Lundi, 12 Juillet 2010
Les éditions H accélèrent la parution de leurs yaois, et ce n’est en théorie pas pour nous déplaire, surtout quand on regarde la qualité de leurs deux premières sorties. Ici, c’est un titre encore plus audacieux qu’à l’ordinaire : un recueil de nouvelles, oui, mais pas comme on pourrait s’y attendre … ? Les deux premiers chapitres nous présentent Théo, un danseur professionnel qui a perdu sa mère dans un tragique accident, ce qui l’empêche de remonter sur scène depuis, lui si attaché à celle qui l’a fait aimer la danse. Théo va rencontrer Darren, un acteur prometteur, harcelé par la presse. Sur un coup de tête, les deux hommes s’embrassent, ce qui entraîne quelques retombées médiatiques dérangeantes, Théo et Darren devenant le centre de rumeurs des magazines. Leur relation ne se développe pas beaucoup, simplement entre deux tournages ou deux femmes. Puis s’enchainent les petits récits de quelques pages, entre un artiste et un directeur de galerie autour de café et de cigarettes, un lien étrange entre un musicien débutant et une de ses idoles, l’histoire étrange de deux jumeaux qui ne sont pas forcément humains et enfin, un récit dans un monde plus traditionnel ancré dans le jeu des générations. Les nouvelles les plus marquantes sont sans doute la première et celle des jumeaux, car légèrement plus développées que les autres. Les laissées pour compte passent très rapidement, ou très lentement … Trop rapidement pour qu’on s’y attache, et par conséquent trop lentement à la lecture.
Certains y trouveront de la maturité, de la poésie, des clichés instantanés de relations plus ou moins claires. Mais au final, c’est surtout un grand méli mélo peu clair et brouillon autour de sentiments ternes, ou tout du moins trop lointains. Déjà, comprendre les personnages est une tache plutôt ardue. Ensuite, comprendre leurs sentiments arrête déjà beaucoup de lecteurs avant la fin du titre et finalement, la narration est sans doute trop mature pour être appréciée … Rien ne ressort vraiment des petites histoires d’Est Em, on ne retient pas grand-chose de la lecture, et c’est bien dommage. Aucune empreinte de fraicheur, aucun sentiment de tendresse, de partage ou de vulnérabilité, de mise à nu. L’auteur nous tient largement à distance de son travail, et c’est dommage car certains points sont pertinents, originaux ou plaisants. Mais devant un récit aussi terne, froid et difficile d’accès, de nombreux lecteurs auront du mal à aller au bout et feraient mieux de passer leur chemin. On ne peut nier une petite note de poésie par-ci par-là, mais rien de comparable à ce que parfois les artistes peuvent nous donner. Enfin, la psychologie des personnages, même pour des nouvelles, manque de profondeur, de complexité et de clarté à la fois. Peut être qu’une histoire plus suivie, moins rapide en besogne et avec d’avantage de proximité avec les sentiments de tous les jours aurait d’avantage satisfait les attentes des adeptes des sorties de l’éditeur.
Le dessin particulier d’Est Em est sans doute ce qui peut encore nous faire dire qu’une grande dose d’originalité demeure dans le manga … Se rapprochant du graphisme de Gente, on trouve des personnages très travaillés, aux longs nez grecs, aux corps épineux et aux yeux un peu trop vides. L’ensemble ne livre aucune sensualité ni beauté particulière, si bien que l’on retient simplement l’originalité de la chose. Les personnages se ressemblent beaucoup dans leurs manières d’être et leurs morphologies, ce qui n’est pas des plus plaisants. Enfin, on peut souligner que les scènes supposées être de sexe sont très rares, étrange pour des adultes matures et assumés, et les rares qui parsèment le manga ont la volonté d’être intimistes et pudiques, mais nous laissent surtout un goût d’amer et d’imperfection. L’édition plait par une sous couverture illustrée … mais en anglais (quel intérêt ?) ! On retrouve aussi une traduction agréable et cette fois, aucune page coupée ! C’est donc un pari intéressant de la part des éditions H, mais qui aura sans doute du mal à trouver son public. On sait que l’édition se targue de viser des lecteurs adeptes de plus de maturité dans l’homosexualité, mais ce titre n’est, même avec cette idée en tête, pas forcément des plus réussi.