Talento Seven Vol.1 : Critiques

Le duo formé par Izu (aka Guillaume Dorison) et Kalon a donné un joli résultat avec la série Versus Fighting Story, véritable réinvention du shônen compétitif sur fond d'e-sport et de jeux de versus fighting. Si la série est proposée chez Glénat, c'est finalement aux éditions Kana que le tandem se reforme pour une nouvelle création originale pas si éloignée du titre précédent sur certains points. Le jeu-vidéo, sous sa forme rationnelle et contemporaine, est de nouveau à l'honneur avec Talento Seven, une œuvre ciblant cette fois le monde vaste du streaming.

Lancé en ce mois de septembre 2022, le manga narre le quotidien d'Adel, un jeune garçon qui ne manque pas de passion pour le rétrogaming et qui cherche à se lancer dans l'aventure du streaming. Seulement, Adel a une timidité maladive, au point qu'il en pleure quand il est en situation de stresse. Lors d'une conférence qui ne fait pas mouche, son chemin croise celui de Benzou, un vidéaste parmi les plus prestigieux puisqu'il fait partie du « Talento 7 », les sept stramers du pays les plus prestigieux. Mais tandis qu'il peine à proposer un contenu nouveau car hors des sentiers battus, Benzou est contraint de participer à une compétition entre les sept créateurs de contenu qui devront s'imposer en présentant chacun un champion. Son choix se porte sur Adel, mais il y aura beaucoup à faire avant de le rendre apte à briller en ligne...

A l'heure où le streaming prend une place importante au sein de la pop-culture et du monde vidéoludique, en s'orientant désormais avec des contenus allant au-delà de cette industrie, dépeindre une histoire croquant ce milieu est loin d'être une idée sotte. Le fait qu'Izu et Kalon, rodés à ces univers, grattent cette histoire est rassurant quant à la nature du projet, non opportuniste, les auteurs ayant certainement des choses à dire et à dessiner. C'est en ce sens que ce premier tome se montre rassurant, la lecture ayant un petit côté farfelu mais ne restant pas en surface de son sujet.

Et pour créer un cadre de confiance, ce début opte pour une forme de tournoi entre graines d'influenceurs. Ici, les sept plus grands stramers du pays doivent lutter par le biais de poulains sélectionnés par leurs soins. Héros qui a encore tout à prouver, Adel a une grande faiblesse, sa timidité maladive, contrebalancée par sa passion et le puit de connaissance qu'est le garçon. Une grande part du tome prend le temps de développer le protagoniste et tout l'aspect « rencontre » avec Benzou, mentor totalement inspiré de la figure de Benzaie, proche ami du scénariste. Et si la démarche pouvait sembler racoleuse et aurait pu être de mauvais goût, on apprécie que derrière les clins d'œil aux contenus et créateurs se cachent de vrais personnages qui tranchent avec la réalité. Benzou n'a donc rien d'un mentor idéal, ce dernier a sa part de faiblesse, et c'est au fil des pages qu'il entamera une évolution au même titre que le protagoniste. Il n'est pas seul à être inspiré d'une véritable figure, aussi trouve-t-on Sad Panda, Joueur du Grenier et Aya Nakamura, ou plutôt des avatars réinterprétant leurs inspirations pour être au service du récit avant de brosser les véritables figures dans le sens du poil. Il est donc agréable de voir que les auteurs ont su faire cette part des choses.

Un tournoi classique se prépare, donc, mais c'est surtout dans ses développements de fond que Talento Seven se révèle intéressant. Outre l'évolution d'Adel et de sa relation avec Carla, son amie proche et manager, c'est toute la nuance sur le monde du streaming qui s'avère bien trouvée. Loin d'idéaliser le milieu, les auteurs en montrent ses ambiguïtés, son vecteur de passion comme l'industrie qu'il représente désormais, avec son lot d'impératifs digne du show-business. De là à dire qu'Izu et Kalon pointent du doigt ces dérives, il n'y a qu'un pas. Aussi, il y a de quoi être curieux de voir quelle route prendre l'aventure d'Adel, et jusqu'ou les auteurs irons dans cette écriture sans langue de bois.

Visuellement, retrouver la patte de Kalon est toujours un petit plaisir. L'artiste a un trait fin et expressif, au service des aspects comiques du scénario, le tout servi par une narration dynamique. Le petit plaisir supplémentaire, qui était déjà présent dans Versus Fighting Story, c'est cette capacité à transformer physiquement de vraies figures pour les implanter dans le récit. Que ce soit Benzou ou le « Joueur de la Cave », tous sont reconnaissables, et les voir prendre forme de personnages de manga devient une expérience amusante.

Loin d'être racoleur et ne cherchant pas à surfer sur un phénomène, ce premier tome de Talento Seven est le bon compromis entre une aventure initiatique compétitive et un récit presque social qui développe avec nuances atouts et travers d'une industrie. Bien calibré, volontiers divertissant, amusant et porté par de bonnes interactions entre personnage, ce tome d'amorce est une sympathique lecture pour une série intrigante.

Notre chronique s'appuyant sur une épreuve non corrigée fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition ou les bonus du tome.