Suicide Island Vol.1 - Actualité manga
Suicide Island Vol.1 - Manga

Suicide Island Vol.1 : Critiques

Jisatsutou

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 02 Décembre 2011

"Nous bénéficions évidemment tous du droit de vivre, mais aussi... du devoir de vivre."

En quelques années, la société japonaise a constaté une augmentation effrayante du nombre de tentatives de suicides. Touchant principalement les adolescents, ce fléau est devenu également un problème économique, au vu des frais engendrés par le rétablissement physique et mental des individus ayant essayé d'en finir avec la vie. Ainsi, le gouvernement a décidé de mettre en place un décret secret, consistant à se débarrasser des récidivistes purement et simplement. Reconnus comme décédés aux yeux du pays, ces jeunes gens désespérés sont exilés sur une île, surnommée "L'île du suicide". Dans cette zone de non-droit, chacun sera libre de mettre un terme à son existence, ou au contraire de renouer avec la vie.

Annoncé de manière évènementielle au Salon du Livre 2011, Suicide Island est le nouveau thriller social de Kazé Manga, faisant écho à des titres comme Ikigami, Freesia ou, dans une moindre mesure, Bokurano ou Gunslinger Girl. Tronc commun de ces seinen, la question de la valeur de la vie prédomine la série Kouji Mori, mais à une échelle moindre que l'œuvre de Motoro Masé. En effet, si les jeunes exilés de l'île découvrent la réalité de la mort, dans une première scène très explicite, l'impact sur la société sera forcément moindre, puisque cette dernière n'est pas encore au courant du processus mis en place par l'Etat. Le mangaka nous propose avant tout une plongée dans la psyché de ces jeunes gens laissés pour compte, sans compromis ni détournements.

Cette plongée s'effectue par le regard de Sei, se réveillant au côté de ses semblables et qui servira de narrateur tout au long du tome, en exprimant explicitement ses pensées au lecteur. Parler d'un rôle de héros serait difficile, tant le jeune homme s'efface devant des personnalités beaucoup plus tranchées menant le groupe. Son passé restera également assez flou, voire attendu, mais la volonté de l'auteur n'est sans doute pas dans le sensationnalisme des révélations. D'ailleurs, aucun mystère n'est à noter non plus dans l'univers, et la progression des personnages se veut d'une platitude extrême. Recherche d'un abri, de nourriture, organisation de la survie... les évènements s'enchainent sans grande passion. Le rythme ronronnant des quelques péripéties pourraient rebuter certains lecteurs, même si le fond de la série n'est pas là.

Kouji Mori joue avant tout sur le paradoxe de ces tranches de "vie", menées par des jeunes gens qui y ont pourtant renoncé. Chacun suit sa route, certains suivent le groupe de peur de se faire remarquer, d'autres jouent au contraire s'affirment en meneur ou jouent les fatalistes. Mais tous ont au-dessus de leur tête une épée de Damoclès qui pourrait les pousser à tout moment à franchir le pas vers la mort. Se sachant libres de tout contrôle, et donc de toute morale, quelques-uns mènent leurs dernières heures dans la débauche et la violence, offrant parfois quelques scènes difficiles à appréhender. Le désespoir de ces âmes perdues habite les pages, et la morosité ambiante pourrait bien atteindre le lecteur. Cependant, avec ce point de vue au premier degré, le manga attise plus nos émotions que notre réflexion, et malgré les nombreux questionnements de Sei, on peine parfois à comprendre où la série veut en venir.

La morosité est également graphique : Kouji Mouri nous délivre une narration trop calme et un panel d'émotions pas assez variés. On pourra également être rebuté par le style général des différents personnages, aux visages étirés en hauteur et aux traits froids. L'ambiance reste très neutres, même au niveaux des décors assez anecdotiques bien que travaillés. Qui dit île déserte ne dit pas forcément dépaysement ! Du côté de l'édition, rien à signaler : Kazé Manga nous offre une qualité dans la lignée des autres titres de son label seinen, avec papier et encrage de qualité.

Avec un sujet aussi délicat que le suicide, Kouji Mori marche sur des braises, et Suicide Island démarre avec beaucoup de prudence; trop, peut-être, malgré un synopsis déroutant à la Ikigami et un démarrage suffisamment choquant pour intriguer le lecteur. Peu à peu, le rythme lancinant et sans remous berce le lecteur pour l'amener à découvrir ces jeunes gens oubliés de leur monde et à partager leur désarroi. Faute de personnages charismatiques et de véritable intrigue, le volume se suit sans grande passion, et n'amène pas la réflexion que devrait imposer une telle thématique. Pourtant, la lecture arrive à son terme sans que l'on ne décroche, et laissant encore le doute sur le choix final de ses protagonistes. Laissons-leur encore le bénéfice du doute pour quelques temps encore...


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Tianjun
13 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs