Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 10 Avril 2025
Série en trois volumes lancée en France par les éditions Komikku en février dernier, La Sorcière des Âmes a été la toute première série de Shoun Makise, un mangaka jusque-là inédit en France, qui est est actif depuis 2020, et qui s'est plutôt spécialisé dans les tranches de vie teintées de fantasy ou de surnaturel. Au Japon, cette oeuvre a été prépubliée entre 2022 et 2024 sur le site Web Comic Apanta des éditions Kadokawa, sous le titre Stia no Majo.
Cette série de fantasy nous immisce au nord du royaume fictif de Carnan, un pays divisé en deux par le fleuve Sarazen. Dans la continuité de ce fleuve, il y a la rivière Karam, et c'est sur celle-ci que Haru, jeune fille de 18 ans, exerce le travail de "passeuse", en utilisant son bateau pour transporter sur la surface de l'eau les gens qui en ont besoin. Exerçant ce job depuis six mois, Haru semble avoir déjà acquis une certaine expérience, en utilisant sa magie comme énergie pour pouvoir naviguer même à contre-courant, et en ayant gravé sur la coque de l'embarcation un cercle magique de protection pour repousser les armes et, normalement, éviter ainsi les principaux dangers.
Tout un aspect de ce premier volume nous invite tout simplement à suivre dans son travail et dans son quotidien cette héroïne que l'on perçoit comme très gentille, ne serait-ce que parce qu'elle ne refuse jamais les clients et tâche autant que possible de les aider. Qu'il s'agisse d'apprentis épéistes pleins d'entrain, d'un ménestrel inspiré, d'une étourdie dame âgée, d'un peintre en quête d'inspiration, de blessés de guerre... Les clients peuvent alors être aussi divers que variés, et Haru souhaite simplement les servir du mieux possible, sous les yeux de ses proches comme Toa, une collègue avec qui elle a lié amitié, ou Meishi, une vieille connaissance spécialisée en herboristerie.
L'oeuvre aurait presque pu se limiter à ça, en pouvant offrir une sorte de tranche de vie de fantasy agréable, d'autant plus que l'auteur se veut assez doux dans ses designs de personnages et très appliqués dans les dessins des lieux parcourus, qu'il s'agisse des paisibles décors naturels autour de la rivière ou des villages et villes traversés. Mais très vite, on sent bien qu'il y a autre chose de plus mystérieux voire de plus triste dans le parcours de notre héroïne. A l'instar de certains de ses clients, des interrogations sur elle viennent naturellement en tête: Pourquoi une si jeune fille travaille-t-elle en tant que passeuse sur un ferry ? D'o lui vient sa magie ? Qui est-elle vraiment ? Puis nombre de petits indices ne manquent pas de susciter la curiosité, à l'image de certains de ses regards doux-amers, des cauchemars qu'elle fait, de la cicatrice sur son corps, d'une lanterne à laquelle elle tient énormément pour une raison énigmatique, ou encore de la nature réelle de son amie Meishi. C'est par petites touches que ces éléments mystérieux vont ensuite nous laisser entrevoir, peu à peu, des débuts de révélations sur le passé difficile de notre héroïne dans un monde en guerre face aux démons, et sur les regrets que cette attachante jeune fille renferme au plus profond d'elle...
C'est, alors, une très belle surprise qui nous attend avec ce premier tome, qui s'avère facilement attachant et très soigneusement mené par Shoun Makise à la fois dans son rendu graphique, dans son univers et dans sa manière de narrer les choses. Il n'y a plus qu'à espérer que l'oeuvre se tiendra bien en seulement trois volumes, mais au vu des avancées de ce premier opus on a bon espoir de ce côté-là.
Enfin, sur le plan de l'édition française, on regrettera juste un nombre un peu trop élevé de petites coquilles d'inattention dans les textes, mais à part ça la traduction de Melody Pages est assez claire, l'adaptation graphique de Studio Charon est très bonne, le papier souple et opaque permet une qualité d'impression très convaincante, et la jaquette adapte très soigneusement l'originale japonaise, tout en s'offrant un logo-titre très bien travaillé et où l'on notera l'incursion de la lanterne si chère à l'héroïne.