The Song About Green Vol.1 - Manga

The Song About Green Vol.1 : Critiques

Midori no Uta

Critique du volume manga

Publiée le Mercredi, 19 Mars 2025

La première nouveauté manga de la collection Sakka des éditions Casterman pour cette année 2025 arrive en ce mois de mars avec la publication simultanée des deux épais volumes de The Song about Green, toute première série de l'autrice taïwanaise Gao Yan. Née en 1996, celle-ci est marquée très tôt par la pop culture japonaise et, après des études concluantes à la National Taiwan University of Arts, se lance dans une carrière d'illustratrice à la fois pour des éditeurs taïwanais et japonais. En parallèle, elle crée son premier manga, The Song about Green, dont la première version en auto-édition ne compte que 32 pages ais est vite remarquée par le célèbre romancier nippon Haruki Murakami, qui lui propose alors d'illustrer la couverture d'un de ses livres. Suite à ça, la notoriété de la jeune artiste grandit et lui permet de développer et d'enrichir considérablement son premier manga sur un total d'environ 500 pages. Après une prépublication réussie à la fois à Taïwan et au Japon (via le prestigieux magazine Comic Beam d'Enterbrain/Kadokawa, réputé pour ses mangakas à la forte personnalité graphique), l'oeuvre paraît simultanément en volumes brochés dans les deux pays, chose qui apparaît aussi sensée que symbolique pour une série s'appliquant précisément à créer un lien entre Taïwan et Japon dans ses nombreuses références et dans le parcours de son héroïne.

Cette héroïne, il s'agit de la jeune Lu Lin, encore lycéenne au début du récit. Elève dans un lycée d'une petite ville côtière dans la banlieue éloignée de Taipei, elle est généralement sérieuse et, surtout, très réservée, si bien qu'elle préfère se compliquer la vie plutôt que de déranger les autres et qu'elle apprécie particulièrement de laisser ses pensées se perdre dans la littérature ou dans la musique. Un jour où elle se rend compte qu'elle a oublié un devoir chez elle et où elle décide d'aller le chercher juste avant le début du cours, elle finit par se laisser vagabonder au bord de la mer et par sécher son cours. Là, elle se pose face aux vagues et se met à écouter de la musique, en ne remarquant que tardivement, sur un rocher, un garçon en larmes qu'elle ne verra plus jamais après.

Puis le temps passe, et Lu devient étudiante dans une université de Taipei, ce qui l'a poussée à emménager seule dans la capitale. Dans cette grande ville, elle tend à sécher les cours encore plus qu'avant, quitte à se prendre des remarques de ses professeurs, et cela pour une raison: sa découverte de nombre de disquaires et de concerts où elle adore se perdre, et ses tentatives de percer vainement dans l'écriture à travers des concours. Artiste dans l'âme, Lu se laisse porter par ses découvertes, tout en restant quelque part hantée par le souvenir du garçon en pleurs qu'elle a autrefois vu au bord de la mer sans oser l'aborder. C'est nourrie par tout ça que, un jour, elle finit par atterrir au "Kafka at the Sea", un café où travaille Nanjun, jeune garçon d'à peu près son âge, attentionné et membre d'un groupe de musique, avec qui elle sympathise très vite, et qui va petit à petit l'aider à étendre son univers...

De cette première moitié de série, on pourrait dire qu'il s'agit d'une chronique un peu sentimentale, assez paisible et, surtout, bourrée de références à la pop-culture taïwanaise et japonaise, autour d'une héroïne qui sort tout juste de l'adolescent pour faire ses tout premiers pas vers la vie d'adulte et qui, à travers ses découvertes à Taipei et sa rencontre avec Nanjun, va tout doucement sortir de sa timidité, s'émanciper et se forger. Comme dit précédemment, le récit, derrière sa simplicité, regorge de références entre les deux pays phares de l'oeuvre, qu'il s'agisse de références littéraires (en tête desquelles Haruki Murakami, inévitablement, si bien qu'on comprend assez vite pourquoi le manga auto-édité initial lui a tapé dans l'oeil) ou de références musicales encore plus prégnantes et souvent excellentes. Qui plus est, le tout est empreint d'un fort parfum de nostalgie un brin doux-amer, à travers l'ancrage du récit au début des années 2010, le portrait d'une ville de Taipei un brin rétro avec son effusion de disquaires et ses mises en avant de vinyles, et le souvenir que Lu garde de ce garçon en pleurs qu'elle a aperçu autrefois et qui, encore aujourd'hui, occupe parfois ses rêves jusqu'à la pousser à imprimer l'image de Nanjun à sa place.

Dans cette atmosphère aussi délectable que captivante où l'on a largement envie d'entrevoir une certaine part autobiographique (nul doute que, dans cette fascination pour l'écriture, pour la musique et pour le Japon que Lu développe, il y a une part de Gao Yan), l'autrice dépeint une chronique de jeunes adultes en tous points saisissante, tant observer le doux rapprochement entre les deux personnages principaux a de quoi séduire. Pour ça, la mangaka exploite à bon escient certaines origines nippones de Nanjun sa mère est japonaise) et les goûts communs des deux jeunes gens, tout comme elle brille dans son rendu visuel qui ne se contente pas d'être très photoréaliste dans les décors et dans les designs: la dessinatrice soigne à merveille son découpage pour nous laisser profiter de chaque instant, offre souvent des gestes très précis et une vraie texture aux objets, place toujours sa "caméra" à hauteur de ses personnages pour vraiment nous immiscer au plus près d'eux, et appuie le tout à travers une narration posée et une belle finesse d'écriture où tout passe par l'héroïne, son ressenti et ses pensées, pour un rendu qui a quelque chose de très littéraire (on aurait presque envie de dire que sans les dessin, The Song about Green pourrait être une nouvelle ou un roman sans que ça choque).

Au fil de ses 260 pages et quelques, ce premier volume s'avère être, ainsi, une lecture ravissante, dans laquelle on se laisse très facilement porter, et dont on découvrira la suite et déjà fin avec un plaisir non dissimulé, d'autant plus que l'édition française est excellente en tous points: grand format permettant de bien mettre en valeur le travail visuel de l'autrice, très belle jaquette soigneusement adaptée de l'originale par Frédéric Trévinal, traduction bien dans le ton d'Alexandre Fournier, lettrage très propre de Hinoko, et excellente impression sur un papier à la fois souple, bien opaque et agréable à manipuler.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16.25 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs