Critique du volume manga
Publiée le Mercredi, 18 Juin 2025
Acclamé pour sa sublime série L'Enfant et le Maudit, le mangaka Nagabe a fait son retour dans le catalogue des éditions Komikku à la fin du mois de février dernier avec Smell, un one-shot qui, à l'instar de Le Patron est une copine, The Wize Wize Beasts of The Wizarding Wizdoms (tous deux parus aussi en France chez Komikku) ou encore Monotone Blue (sorti dans notre langue chez Noeve Grafx), est un ouvrage estampillé boy's love. Riche d'un peu plus de 170 pages, cette oeuvre a vu ses six chapitres être initialement prépubliés au Japon dans le magazine Ciel des éditions Kadokawa entre fin 2022 et début 2024, avant de paraître là-bas le 1er mars 2024 en un volume broché agrémenté d'un petit épilogue.
Au programme, la découverte de l’amour et de la sexualité pour deux personnages masculins, dans un univers anthropomorphe tel que l'auteur les affectionne. Mais contrairement à ses oeuvres Le Patron est une copine, The Wize Wize Beasts of The Wizarding Wizdoms et Monotone Blue qui étaient softs, Smell, en plus de jouer sur un type de fétiche très spécifique, se veut en plus un peu plus frontal et explicite quand il s'agit d'aborder le sexe, ce qui lui vaut d'être réservé à un public averti, chose que les éditions Komikku ont pris soin de souligner en quatrième de couverture.
Une fois cet avertissement en tête, on peut découvrir l'étonnante histoire liant deux chiens anthropomorphes dans leur école d'hommes-bêtes ? Tout commence sur une scène qui aurait pu choquer Joseph, un border collie sociable et avenant, alors qu'il surprend son taciturne et mutique camarade de classe Noi, un chient de Saint-Hubert, en train de renifler ardemment son t-shirt. Loin de s'offusquer, Joseph, d'un naturel enjoué et ouvert, choisit préfère plutôt taquiner gentiment Noi sans le juger, le questionner sur son goût pour les odeurs et plus particulièrement pour son odeur, lui propose alors de se retrouver régulièrement pour le laisser renifler ses vêtements jusqu'à être satisfait... Mais cet étrange lien ira de plus en plus loin entre ces deux garçons s'étant bien trouvés, puisque Joseph deviendra lui aussi dépendant de l'odeur de Noi qui lui plaît beaucoup.
Même s'il faudra, de base, adhérer à l'abord du fétichisme des odeurs et plus encore à la tonalité forcément orientée furry de l'oeuvre, Smell nous offre avant tout une histoire qui véhicule de bonnes ondes grâce à son parfum d'acceptation, et à son absence de jugement du goût des personnages pour les senteurs fortes de leur corps et de leurs vêtements. Ils ont beau se sentir eux-mêmes un peu bizarres dans leurs pratiques de plus en plus poussées Joseph et Noi, toujours plus complices, apprennent à assumer leur part de perversité (qui n'en a pas ?), qu'ils assouvissent très bien à deux, le tout dans un total consentement, en évitant d'imposer ses envie à l'autre et en prenant soin de communiquer et de se comprendre. Dans cette optique, la narration, tout en passant entièrement par Joseph, joue également beaucoup sur le côté totalement mutique de Noi (qui ne prononce qu'une seule phrase très timidement dans le tome) et sur son design très expressif et souvent adorable dans ses mimiques, comme si ces deux-là n'avaient pas vraiment besoin de mots pour bien se comprendre.
Quant à l'aspect anthropomorphe canin des personnages, non seulement il vient justifier parfaitement le fétiche des odeurs (puisque, comme chacun le sait, les chiens communiquent énormément par les odeurs qui sont vitales pour eux), mais en plus il voit Nagabe se faire comme toujours plaisir visuellement et jouer soigneusement sur les spécificités canines (comme la queue qui remue ou les mouvements des oreilles) comme témoins des émotions des protagonistes.
Peut-être aurait-on juste que l'ensemble soit moins bref et ait droit à une conclusion plus nette dans la naissance de sentiments entre les deux personnages, mais il n'en reste pas moins que Smell est une jolie lecture dans sa catégorie.
Côté édition, enfin, Komikku a tâché de proposer une copie soignée: la première page en couleurs sur papier glacé est sympathique, le papier est à la fois souple, suffisamment épais et bien opaque, l'impression est convaincante, la traduction de Melody Pages et claire, l'adaptation graphique du Studio Charon est soignée, et la jaquette reste très fidèle à l'originale japonaise.