Critique du volume manga
Publiée le Jeudi, 01 Mars 2018
Mari Yamazaki est une mangaka voyageuse, les habitués de ses oeuvres le savent bien. L'artiste est née au Japon, mais vit désormais à Venise, a vécu avant ça à Florence ou encore à Chicago, a visité de nombreux pays d'Europe et d'autres continents... Côté éditeurs, c'est un peu la même chose : après avoir été découverte par Casterman avec Thermae Romae (puis PIL et Pline) et avoir fait une escale chez Rue de Sèvre avec Giacomo Foscari, on la retrouve dans la collection Graphic de Pika Edition, le temps d'un recueil : Un simple monde, qui regroupe 6 histoires courtes, et qui est sorti au Japon en 2011 sous le titre Chikyû Renai. Notons que dans son édition japonaise, le volume affiche un numéro 1 sur sa couverture, mais qu'il n'a jamais eu de suite. Dans la mesure où il s'agit d'un recueil, ça n'a aucune importance.
Au programme de ce tome, donc, six brefs récits qui tiennent au total sur 160 pages, et qui n'ont pas de folles ambitions : il s'agit tout simplement de brefs moments de vie, centrés généralement sur des personnes d'âge assez mûr connaissant quelques petits aléas sentimentaux ou familiaux. La particularité de ces récits ? Chacun d'eux se déroule dans un pays différent, ainsi Yamazaki nous immisce-t-elle, tour à tour, en Italie (son pays d'adoption), à Tuvalu, au Danemark, à Rio de Janeiro au Brésil, dans les plaines de Syrie, et en ville aux USA.
De par leur brièveté, il ne faut pas attendre de choses très poussées des différentes histoires, où la mangaka croque de petits instantanés de quotidien, aux côtés de personnages qui apparaissent simples et justes, car éloignés de pas mal des poncifs du manga ou de certains clichés culturels. A partir du moment où l'on accepte de simplement suivre pendant quelques pages les différents visages, on découvre une palette de figures crédibles, qui ont quelque chose d'assez authentique et naturel, et qui accompagnent bien chacune des brèves plongées culturelles dans lesquelles Yamazaki nous immisce. Pour ça, la dessinatrice, sans forcément offrir pléthore de détails, sait exploiter intelligemment ses décors et ses ambiances pour offrir à son lecteur de brefs carnets de voyage particulièrement immersifs.
Surtout, si la mangaka excelle dans la plongée dans chacune de ces contrées où elle a sans doute elle-même voyagé (tirant ainsi profit de ses propres expériences personnelles, comme souvent dans ses oeuvres), peut-être est-elle encore plus habile pour relier malicieusement ses histoires. Cela passe d'abord par des petites raccroches entre chaque récit (les héros de la 1ère histoire qui apparaissent brièvement en vacances dans la 2ème, le livre de photos de la dernière histoire dont on a suivi le photographe en Syrie, une chaise fabriquée au Danemark qui se retrouve à Rio...), mais sans doute plus encore par une constatation simple : entre amour, famille, ou attachement à ses racines, d'une culture à l'autre, on retrouve toujours des choses qui restent universelles. Dans ses oeuvres Mari Yamazaki a toujours aimé créer des ponts entre les cultures, son exemple le plus connu reste sûrement Thermae Romae avec son partage entre la Rome antique et le Japon moderne. Et elle le prouve à nouveau ici de très jolie manière.
Concernant l'édition, on retrouve la charte graphique et le grand format habituel de la collection Graphic de Pika. Le papier est bien épais, l'impression est excellente, et la traduction de Julia Brun est très soignée et bien dans le ton.