Shôki no Sataday Night - La fureur du samedi soir - Actualité manga
Shôki no Sataday Night - La fureur du samedi soir - Manga

Shôki no Sataday Night - La fureur du samedi soir : Critiques

Shouki no Sata Day Night

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 16 Novembre 2021

Sorti aux éditions Black Box en juin dernier, Shôki no Sataday night (sous-titré "La fureur du samedi soir"), est un récit en 11 chapitres pour un total de quasiment 240 pages, qui nous permet de découvrir deux mangakas jusque-là inédits en France et qui étaient surtout actifs dans les années 1970 et 80: au scénario Yukio Gotô, et au dessin Kazuko Makino. Tous deux spécialisés dans les shôjo à ambiance urbaine, ces artistes ont, d'ailleurs collaboré à plusieurs reprises à deux, puisque toutes les oeuvres scénarisées par Gotô (un peu moins d'une dizaine, a priori) ont été mises en images par Makino, leur plus grand succès ayant sans doute été la fresque en 26 volumes High Teen Boogie.

Dans le cas de Shôki no Sataday Night, a priori toute dernière oeuvre scénarisée par Gotô dans sa carrière, on est sur un récit qui fut initialement prépublié au Japon en 1988-1989 dans le magazine Comic Burger des éditions Schola, un magazine qui n'existe plus aujourd'hui ais qui, à son époque, a aussi accueilli dans ses pages les séries Goku Midnight Eye et Takeru de Buichi Terasawa, entre autres. Il s'agit, d'ailleurs, de la seule oeuvre des deux auteurs à avoir été prépubliée dans un magazine estampillé seinen.

Shôki no Sataday Night, c'est l'histoire de Hajime Hime, un lycéen qui ne s'éclate jamais autant que sur sa bécane, en compagnie de ses 4 fidèles potes avec qui il forme la petite bande de loubards des Pussycats dont il est le leader. Dès que la nuit tombe, leurs motos peuvent se faire entendre, et le bitume peut devenir leur espace de liberté... Enfin, ça, c'était avant qu'une camion-benne conduit par un homme ivre ne vienne ficher en l'air leurs bécanes ! Depuis, les 5 larrons continuent de faire semblant de griller l'asphalte... mais à pieds. C'est déjà plutôt atypique, mais en ce samedi soir la situation va encore prendre un nouveau tournant, dès lors que Hajime fait part à ses potes de son idéal féminin: une fille dans son uniforme, bien propre sur elle, l'air sérieux, avec les cheveux bien attachés... Il l'affirme: face à une fille pareille, il serait prêt à décrocher la Lune. Alors quand, juste après avoir dit ça, une fille correspondant exactement à son idéal passe devant eux, il n'a pas d'autre choix que d'aller la draguer, pour ne pas perdre la face devant ses 4 amis ! Mais il y a deux hics: non seulement Hajime est aussi novice qu'eux en drague et va se montrer lourdaud tout en essayant d'avoir l'air classe, mais en plus la jeune fille en question va très vite le remettre à sa place avec une beigne comme il en a rarement reçues ! Mis K.O. par ce coup de boule, Hajime va surtout avoir le vrai coup de foudre, et va alors tout faire pour retrouver la trace de cette fille ayant des allures de bonne famille et qui l'a pourtant cogné et battu à plates coutures...

Shôki no Sataday Night aurait pu être une simple romance adolescente centrée sur deux personnages principaux que tout semble opposer, le tout dans une ambiance 80s assez typique avec son cadre très urbain d'époque, ses racailles à moto (enfin, normalement...) typiques, ses discothèques... Une ambiance qui, par ailleurs, s'inscrit totalement dans la lignée d'oeuvres comme Lucile amour et rock'n roll ou Arrête de frimer! de l'immense Kaoru Tada, jusque dans les dessins bien dynamiques, très expressifs et assez réalistes dans les décors pour leur époque (donc si vous aimez ce genre d'atmosphère, foncez !). Mais très vite, le manga de Gotô et de Makino va révéler bien plus de choses que ça.

En tête, il y a une certaine inversion des rôles sur laquelle les deux mangakas vont continuellement jouer, d'une manière gentiment moqueuse parfois. Pour s'en convaincre, il suffit de voir les premières pages où Hajime et sa petite bande défilent sur l'asphalte à pieds en faisant comme s'ils étaient à moto, ce qui les rapproche plus d'une certaine bonhomie que d'un côté réellement racailles violentes (même s'ils doivent parfois se fritter, sans que ce soit de leur initiative la plupart du temps). Mais c'est surtout sur Hajime lui-même que les auteurs prennent un petit peu le contrepied des habitudes, avec un loubard qui, derrière ses premières allures pas forcément avenantes, est en réalité un gros gentil, n'hésitant jamais à aider ses parents au resto de nouilles familial (il est même un vrai cordon bleu en cuisine, ce qui ne colle pas trop à son image de loubard), passant son temps à être gaga et à fantasmer sur l'élue de son coeur, n'étant jamais franchement crédible quand il essaie de jouer les gars hyper classes... Même son nom de famille Hime, signifiant "Princesse" en japonais, semble avoir été choisi volontairement par les auteurs pour détourner de façon humoristique les clichés de bad boy. Quant à la jeune fille qu'il convoite, évidemment elle séduit d'emblée en l'envoyant paître à bons coups de mandales, et elle saura récidiver par la suite en montrant souvent son caractère, bien loin de la sainte nitouche de bonne famille qu'elle aurait pu simplement être.

Mais justement, cette fille, qui est-elle exactement ? Pour le découvrir et la revoir, Hajime n'hésitera pas à placarder des affiches, à mener l'enquête avec ses potes... sans savoir que ses recherches l'emmèneront bien plus loin qu'il ne l'aurait cru, ce qui constitue assurément l'autre grande qualité du récit. Tandis qu'il essaie de se rapprocher de cette dénommée Nozomi, notre héros va devoir se frotter à différents problèmes parallèles: les agression de loubards rivaux qui n'hésitent pas à faire des coups bas, le fait que sa dulcinée soit apparemment déjà fiancée à un richissime héritier, leur différence de statut social... mais ce n'est sans doute rien à côté des mystères planant autour de l'adolescente, entre articles de journaux disant qu'elle est décédée quelques mois auparavant, ambiguïté sur son identité exact, enjeux où elle est au centre de manigances politiques et autres... En seulement 230 pages et quelques, il est assez impressionnant de voir ce récit défiler à rythme trépident, toujours avec clarté, en jouant sur nombre de rebondissements parfois très sérieux, puisque l'histoire ira même jusqu'à flirter avec des sujets sombres comme la mort, le deuil et le sentiment de culpabilité qui en découle, en ne tombant pourtant jamais dans quelque chose d'excessivement pesant.

Alors, au bout du compte, Shôki no Sataday Night se pose vraiment comme une excellente trouvaille pour les éditions Black Box. Jusqu'à sa toute fin menée tambour battant et se permettant même une petite pointe de surnaturel bien dosée, le récit de Kazuko Makino et de Yukio Gotô séduit. Il s'agit d'un authentique plaisir de lecture quand on aime ce genre d'oeuvre à l'ambiance typiquement 80s mais cherchant à sortir un peu des poncifs. Et en prime, l'édition française se révèle excellente avec sa couverture ayant un certain cachet, son grand format appréciable, sa bonne qualité de papier et d'impression, son lettrage très soigné de Cindy Bertet, et sa traduction très immersive où Alecandre Goy s'est notamment appliqué à offrir des parlers naturels et crédibles aux personnages (y compris pour le chinois Zhen avec ses petites erreurs de langage).
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17 20
Note de la rédaction