Shimazaki in the land of peace Vol.1 : Critiques

Heiwa no kuni no Shimazaki he

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 18 Septembre 2025

Alors que l'excellent The Fable s'achève dans notre pays cette semaine (même si bon, on espère clairement que les saisons 2 et 3 de cette saga arriveront aussi en France), Pika Edition en profite pour lancer dans notre langue un autre manga à la solide réputation et narrant lui aussi la nouvelle vie d'un tueur: Shimazaki in the land of peace. Nommée au prestigieux prix du Manga Taisho en 2024, et lauréate cette même année du Prix Takao Saito, cette oeuvre a été lancée au Japon en 2022 dans le magazine Morning de Kôdansha, sous le titre "Heiwa no kuni no Shimazaki he" (dont le titre anglais/international de la version française est une traduction fidèle). Il s'agit de la première publication française du scénariste Gouten Hamada, dont c'est la toute première série, et du dessinateur Takeshi Seshimo, qui a déjà quelques mangas à son actif depuis ses débuts professionnels en 2017.

Cette histoire nous plonge dans un monde contemporain similaire au nôtre en tous points, à ceci près que, depuis un demi-siècle, perdure une guerre internationale liée aux inégalités économiques et opposant la communauté internationale à la LEL, Ligue de Libération Economique. Agissant comme un vaste groupe armé aux quatre coins du monde, la LEL multiplie les actes terroristes parmi lesquels, il y a trente ans, le détournement d'un vol Haneda-Paris dont les passages ont soit été tués soit été victimes d'un lavage de cerveau pour devenir agents de la ligue, tandis que les passagers les plus jeunes ont vraisemblablement connu un sort encore plus épouvantable. Notre protagoniste, Shingo Shimasaki, n'avait que neuf ans quand il fut victime de ce détournement et fut élevé en enfant-soldat puis en agent de combat prodige forcé de servir les intérêt de la LEL. Aujourd'hui il en a trente-neuf, et il a enfin réussi à échapper à ce groupe armé pour se réfugier au Japon, son pays d'origine. Et s'il n'aspire qu'à une vie tranquille dans ce pays en paix, il doit toutefois rester sur ses gardes, car la LEL punit toujours de tortures et de mort les déserteurs...

Récit d'un homme devenu dès l'enfance guérillero malgré lui, s'étant hissé au sommet en tant qu'agent de combat au vu de son expérience du terrain et de ses réflexes face au danger, et souhaitant simplement pouvoir vivre en paix, ce début de série a rapidement de quoi interpeller par l'unicité de ce personnage principal qui porte dans chacun de ses regards les cicatrices du passé, l'usure, mais aussi la volonté de s'acclimater, de s'adapter, de découvrir un quotidien plus normal qu'il n'a plus connu depuis trente ans. Dans cette optique, suivre chaque petite étape de sa réinsertion est très intéressante, entre son aide apportée à un mangaka car il aime dessiner, son désir de chercher un travail en finissant par se faire embaucher dans un café où il devra faire ses preuves, les instants passés au refuge de la salle à manger Mangado où il loge avec d'autres réfugiés ayant aussi un lourd passé... Bien sûr, le quasi quarantenaire doit composer avec les limites de l'"éducation" qu'il a reçue au sein de la LEL: par exemple, il peine encore à bien lire ou écrire le japonais, et commet forcément quelques maladresses de civilité. Mais il sait aussi mettre les rares aspects plus positifs de ses voyages de guérillero autour du monde au service de la communauté, notamment en faisant découvrir quelques mets de certains pays (le café salé d'Ethiopie, le sandwich à la turque...), et puiser dans ses expériences du terrain à la fois pour se forger d'importances leçons de vie (en tête, en fin de tome, ses paroles sur l'importance de l'Art face à la violence pour protéger son esprit) et, surtout, pour repérer les dangers pouvant surgir de partout.

Car des dangers, il y en aura forcément, et cela dès ce premier opus, ne serait-ce que parce que, comme déjà dit, la LEL n'a pas pour habitude de pardonner aux déserteurs et les traque pour les éliminer, chose que l'on ressentira déjà très durement ici, notamment à travers le cas du dénommé Masao. Pour préserver l'idéal de paix qu'il voit dans son pays d'origine, Shimazaki devra malgré tout toujours rester alerte... et peut-être prendre conscience que la guerre est aux portes du pays, voire qu'elle est déjà là, insidieusement. Sur ce dernier point, on pense bien sûr en premier lieu aux exactions de la LEL pour retrouver et éliminer les déserteurs, ou tout simplement pour étendre toujours plus son influence, par exemple au travers de la diffusion sur le net de vidéos de propagande vouées à s'attirer la sympathie des jeunes mal informés entre autres, chose qui ne manquera pas de faire écho à notre réalité. Mais au travers de certaines rencontres et altercations de Shimazaki, les auteurs livrent également un début de portrait social assez critique, montrant qu'entre la haine primaire de l'étranger, le racisme ou encore la mise à mal des actions sociales face aux ambitions politiques personnelles, le Japon n'est ironiquement pas forcément le "pays de la paix" que Shimazaki recherche.

Il y a alors, mine de rien, déjà énormément de choses à retirer de ce premier volume où, en s'appuyant sur les immersifs décors photoréalistes et les designs soignés (malgré quelques inégalités anatomiques) de Takeshi Seshimo, Gouten Hamada a tout le loisir d'entamer un récit immersif, très bien mis en place, réaliste, et même d'ores et déjà très intrigant au vu du compte à rebours achevant plusieurs chapitres en semblant nous dire que Shimazaki devra, inévitablement, retourner un jour sur le champ de bataille...

Enfin, au niveau de l'édition française, Pika Edition fait ici dans la sobriété avec une jaquette très fidèle à l'originale nippone (jusque dans la typo du logo-titre) et sans fioritures, un papier crème souple et assez opaque dans l'ensemble, une qualité d'impression correcte, une adaptation graphique propre d'Olivier Marcel, et une traduction claire de la part de Djamel Rabahi.


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction