Secret de l'amitié (le) - Manga

Secret de l'amitié (le) : Critiques

The Secret of Friendship

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 28 Janvier 2020

Dans leur optique de faire découvrir les différentes et riches facettes du shôjo manga à travers des one-shot "saisonniers", les éditions Akata ont sorti en librairies l'hiver dernier, en février 2019, un récit fait à 4 mains. Publié en 2010 dans le magazine Margaret de Shûeisha, Le Secret de l'Amitié (traduction fidèle de son nom original, Tomodachi no Hanashi) nous permet de retrouver, uniquement au scénario, une mangaka qui n'est plus à présenter en France: Kazune Kawahara. Expérimentée, celle-ci a débuté sa carrière dans la première moitié des années 1990, et a décollé petit à petit jusqu'à vraiment percer à partir de la décennie 2000. Dans notre langue, on lui doit les séries Koko Debut, Aozora Yell (l'éditeur Panini la reprendra-t-il un jour ?), Mon Histoire (uniquement au scénario) et, plus récemment, So Charming!. Ici, Kawahara signait pour la première fois un manga où elle est uniquement au scénario, tandis que la partie desisns a été confiée à une artiste qui, elle non plus, ne manque pas d'expérience: voici près de 20 ans qu'Aiji Yamakawa a débuté au Japon, et pourtant c'est la toute première fois qu'on a l'occasion de la lire en France.

Le Secret de l'Amitié, c'est l'histoire de deux lycéennes radicalement différentes, et pourtant liées par une amitié solide et inébranlable... Si inébranlable qu'aucun amour ne semble pouvant s'interposer entre elles deux. Eiko, avec ses petits yeux, son look classique, son physique passe-partout et sa personnalité timide et sans la moindre confiance en elle, apparaît totalement banale aux yeux des autres. mais banale, elle ne l'est pas pour son amie Moe. Naturellement très belle sans avoir besoin de faire d'efforts là-dessus, elle fait systématiquement tourner la tête de tous les garçons qui la croisent, ceux-ci ne cessant de venir lui faire des déclarations... mais déchantant très vite face à son caractère jugé insupportable. Car à chaque fois que Moe reçoit (ou subit, au choix) une déclaration, elle impose toujours la même chose au prétendant: sortir avec elle, ça signifie aussi prendre le plus grand soin d'Eiko, et si elle sent que son amie est exclue ou délaissée elle plaque immédiatement le gars. Néanmoins, quelque chose semble commencer à changer à partir du moment où Tsuchida, un garçon un peu rêveur et extrêmement gentil, vient faire sa déclaration à Moe et commence à sortir avec elle. Bien qu'il affiche une vraie attention aux deux jeunes filles, lui aussi finit par se faire larguer en moins d'une semaine, ce qui provoque l'irritation de son meilleur ami Narugami, qui se dit lui-même bien moins gentil que Tsuchida, et qui commence alors à harceler Eiko. Un bien mauvais départ, qui, pourtant, pourrait finir par prendre une étonnante tournure...

On le comprend bien dès le titre du one-shot: les deux autrices mettent ici en élément central la notion d'amitié, ce que celle-ci peut bien signifier dans sa complexité, et la place que peut avoir l'amour face à celle-ci. Car amitié et amour sont-ils incompatibles ?

L'excellent point de l'ouvrage, c'est sans nul doute le choix de narration fait par Kawahara: il y a 3 chapitres (le 3e étant le plus long), et chacun d'eux prend pour personnage principal un visage différent, avec Eiko dans le premier, Narugami dans le 2e, et Moe dans le 3e. Le point un peu triste, c'est donc que le facilement attachant Tsuchida n'aie pas droit au même traitement, et en prime ce gentil garçon s'efface de plus en plus au fil de la lecture. En revanche, pour le reste, c'est vraiment du tout bon, car non seulement ce choix narratif permet d'apprendre à mieux découvrir chacun des 3 adolescents à tour de rôle, mais en plus cela permet de vraiment bien exposer ce qu'ils pensent d'eux-mêmes et, surtout, la manière dont ils vient les deux autres, avec à la clé pas mal de messages vraiment pertinents, ne serait-ce que concernant l'apparence. Surtout à travers Moe, d'ailleurs, jeune fille ayant beaucoup souffert de n'être appréciée que pour sa beauté physique mais ayant toujours été rejetée à un moment ou à un autre à cause de son côté cash (car oui, elle est grande gueule et directe, et bon dieu ça fait du bien) ou parce que son physique provoquait des jalousies... Rejetée, oui, jusqu'au jour où Eiko est arrivée dans sa vie. Mais avant l'abord de Moe, les deux premiers chapitres narrés à travers Eiko et Narugami sont tout aussi plaisants. En Eiko, on découvre une adolescente dépourvue de confiance en elle à cause de sa banalité, pourtant très gentille, et qui n'est jamais aussi heureuse que quand elle est avec Moe, cette dernière l'ayant accepté telle qu'elle est (mais le dernier chapitre nous montre bien que le contraire est tout aussi vrai). Dans le chapitre 2, le cas de Narugami est vraiment intéressant: alors que son comportement initial vis-à-vis d'Eiko est méprisable, on découvre aussi un garçon ayant une amitié forte pour Tsuchida (c'est bien pour ça qu'il réagit d'abord comme ça vis-à-vis d'Eiko)..., et, surtout, un adolescent capable de vite se remettre en cause et de faire son mea culpa (et ça aussi, ça fait du bien), dès lors qu'il cerne à quel point Eiko est une fille gentille, bienveillante et pensant toujours aux autres avant elle.

Sur cette très bonne narration, s'écoule donc un récit suffisamment bien construit, certes un peu prévisible, mais qui fait vraiment du bien dans ce qu'il véhicule, que ce soit dans l'évolution des personnages, dans leur remise en question quand nécessaire, dans les rapports qu'ils entretiennent, dans la façon essentielle dont ils communiquent parfois, et dans la forte mise en avant de ce que peut être la vraie amitié bien sûr. Le mieux étant que les autrices dynamisent aussi le tout avec un bon petit lot d'humour (surtout les "clash" entre Moe et Narugami, qui valent le coup !), et que Yamakawa sait bien accompagner les choses au travers d'un trait assez fin et sensible, offrant des looks et visages bien différents à chacun, et restant souvent à hauteur des personnages. Les décors sont plus classiques, mais présents quand nécessaire.

Notons qu'après les un peu moins de 200 pages de cette histoire, on a droit à une histoire courte sans lien mais assez sympathique elle aussi, proposant sur une quarantaine de pages une "enquête de couple" elle aussi ponctuée de choses sur l'amitié, l'amour et la confiance. Surtout, après ça, on a droit à plusieurs pages très intéressantes: de longues postfaces des deux mangakas où elles se livrent pas mal (surtout Kawahara), une brève interview des deux, et 3 pages de croquis et coulisses sur la création. Le genre de petites choses plutôt rares sur ce type de one-shot, et faisant plaisir en plus d'être assez enrichissantes.

Concernant l'édition, elle est très bonne. Le petit format typique d'Akata est facile à prendre en main avec son papier souple et sans transparence. L'impression est satisfaisante, la traduction d'Aurélie Lafosse-Marin est claire et efficace, et les choix de lettrages sont soignés.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.75 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs