Sans complexe ? Vol.1 - Actualité manga
Sans complexe ? Vol.1 - Manga

Sans complexe ? Vol.1 : Critiques

Cousin

Critique du volume manga

Publiée le Mardi, 11 Janvier 2022

Editeur très attaché au manga shôjo et, de manière générale, au manga féminin, Akata cherche régulièrement, à son échelle, à mettre à l'honneur des autrices ayant fortement marqué le genre mais étant rarement publiées à leur juste valeur en France. Ce fut notamment le cas, ces dernières années, avec la publication des très bons one-shot Voyage au bout de l'été et Avec Toi de Keiko Nishi. Mais déjà à l'époque de sa collaboration avec Delcourt, Akata mit quelques très grands noms féminins en avant, le plus évident étant bien sûr Ai Yazawa (Nana, etc), mais il ne faudrait pas oublier Fusako Kuramochi avec la série Simple comme l'amour, Reiko Shimizu via le magnifique one-shot Magic... sans oublier Ryo Ikuemi, mangaka dont Akata avait publié il y a quelques années l'excellent Puzzle, et qui fait enfin son grand retour dans notre pays en ce début d'année avec Sans Complexe ?.

Ryo Ikuemi, c'est tout simplement l'un des plus grands noms du manga féminin de ces 40 dernières années. Ayant débuté sa carrière au tout début des années 1980 alors qu'elle était encore lycéenne, elle a, depuis, signé des histoires par dizaines (on peut facilement retrouver son nom sur plus d'une cinquantaine de projets, voire une soixantaine), essentiellement dans le shôjo/josei. Ses récits, généralement en phase avec leur temps et focalisés sur des héroïnes nuancées et à la psychologie travaillée, ont pu marquer le lectorat féminin en profondeur, tant et si bien qu'un paquet d'autrice bien connues revendiquent beaucoup son influence, à commencer par Ai Yazawa ou Io Sakisaka (Blue Spring Ride, etc). Son retour en France n'est donc pas anodin (il s'agit même d'un événement, si tant est que l'on s'intéresse à la richesse du shôjo manga), et celui-ci a donc lieu en ce tout début d'année 2022 avec Sans Complexe ?, une série en 3 tomes qu'Ikuemi dessina entre 2005 et 2007 sous le nom Cousin (un nom dont on comprend qu'il n'est pas anodin, une fois le volume 1 lu). Preuve de la portée que peut avoir l'autrice, ce récit n'a pas été prépublié dans un magazine de manga classique: il a été effectivement proposé dans son pays au sein du magazine Zipper de Shôdensha, un magazine un peu plus généraliste qui se consacre à la mode, et dont proviennent aussi quelques autres mangas connus en France comme Paradise Kiss d'Ai Yazawa, ou encore Après l'amour la sueur des garçons a l'odeur du miel de Mari Okazaki.

Sans Complexe ? nous immisce auprès de Tsubomi Shirakawa, une jeune fille qui, à l'âge de 18 ans et 9 mois, met un terme à une vie lycéenne banale et sans grande saveur, où, à défaut d'être dans les standards de beauté selon la majorité, s'est contentée de paraître sympathique envers le plus grand nombre pour traverser ces années adolescentes sans remous, certes, mais également sans éclat. Elle a ainsi évité de se faire remarquer, s'est visiblement attiré une certaine sympathique de la part de certaines filles populaires comme la dénommée Sayo Hasegawa, le tout en se contentant d'observer le fameux "relooking du lycée" de son amie d'enfance Eiko Katakura, qui s'est métamorphosée pendant l'adolescence pour plaire et qui a enchaîné les mecs. Mais tout ça, c'est donc désormais derrière Tsubomi. Et avec son diplôme obtenu un peu de justesse, elle n'a aucune envie de poursuivre ses études, et se lance plutôt en freeter dans un petit boulot au sein d'un magasin de vidéos tout en squattant chez ses parents. A priori, rien ne semble donc devoir bousculer une petite vie "banale" qui semble toute tracée. Une vie où, en prime, elle ne pense aucunement à la moindre relation de couple, vu qu'elle n'a jamais été capable, par le passé, d'avoir ne serait-ce qu'une conversation normale avec un garçon. Et pourtant, quelque chose en elle va peut-être changer, suite à différents facteurs. A la télévision, elle découvre que sa cousine Noni, qu'elle n'a pas vue depuis l'enfance, commence à se faire un nom dans l'entertainment, sans doute en partie grâce à sa beauté et à son côté avenant. Côté travail, elle se retrouve à nouer une certaine amitié avec Ayumu Shirokawa (alias Shiro), un collègue de 19 ans certes un peu relou mais surtout très sociable. Et en prime, Shiro lui fera bientôt rencontrer Nasukawa, propriétaire d'un petit restaurant qui va peut-être la bousculer encore un peu plus...

Comme le laisse bien deviner le titre français ainsi que son point d'interrogation, Sans Complexe ? est, vous l'aurez sans doute deviné, l'histoire d'une fille qui a visiblement des complexes depuis longtemps, mais qui a longtemps préférés les ignorer, se les cacher à elle-même, pour se conformer à une vie sans remous. Mais autour d'elle, bien des choses ou des personnes changent: son amie d'enfance a fait l'effort de se relooker au lycée pour devenir plus populaire, sa cousine devient une star populaire... et pour notre héroïne qui a toujours essayé d'ignorer tout ça, et qui était résignée au point de ne pas chercher à faire le moindre effort sur son apparence, ça commence à avoir un impact: petit à petit, elle prend conscience qu'elle n'a peut-être fait que fuir jusqu'à présent, et voit alors naître en elle, peu à peu, un désir de changer.

On peut facilement avoir envie de comparer, dans une moindre mesure, ce début de série à une autre très belle oeuvre du catalogue d'Akata, à savoir Ugly Princess. Mais là où la série de Natsumi Aida dépeint avec positivisme une héroïne voulant changer dès l'adolescence essentiellement par amour, Ryo Ikuemi joue sur un créneau différent, un peu plus mature, avec une héroïne dont les années lycée sont déjà du passé, et qui n'a pas vraiment le même entrain au départ en étant d'abord plutôt renfermée voire cynique (par exemple, elle n'a aucune envie de sortir avec sa classe après la remise des diplômes). Mais ce début de série est également assez intéressant pour les raisons poussant peu à peu Tsubomi à vouloir faire des efforts, raisons que ne sont pas purement sentimentales : elle commence certes à ressentir des sentiments pour quelqu'un en particulier (et non, ce n'est pas Shiro, l'autrice déjouant ainsi un cliché), mais au départ elle n'en a pas pleinement conscience, et il ne s'agit que d'un argument parmi d'autres. Car en voyant sa cousine à la télé, ou encore en découvrant la petite amie de Shiro a su se métamorphoser (alors qu'elle semblait aussi banale qu'elle au lycée), notre héroïne se dit forcément qu'elle a des choses à se prouver à elle-même, qu'elle doit arrêter de fuir, ne serait-ce que pour mieux contrôler sa vie et s'aimer elle-même.

Sur ce point, la narration d'Ikuemi, très introspective, est vraiment efficace, d'autant plus que la mangaka n'idéalise rien: Tsubomi a toujours des petites doutes, des petites observations pas toujours positives à faire (ce qui rend les choses assez réalistes et pourra peut-être permettre à plus d'une personne de s'identifier à elle), et le chemin pour qu'elle "rayonne" plus sera sans doute semé de quelques embûches. Mais il s'agit d'un bon départ, dont on suivra l'évolution avec beaucoup d'intérêt. Quant au dessin, propre et soigné, il accompagne efficacement l'ensemble.

Sans Complexe ?, pour marquer le retour de Ryo Ikuemi en France (espérons que d'autres oeuvres suivront) s'offre donc un début tout à fait intéressant, en étant marqué avant tout par une héroïne nuancée, pas idéalisée et donc humaine et crédible. Quant à l'édition française, on ne peut s'exprimer dessus, cette chronique ayant été réalisée à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
15.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs