Ragnagna et moi Vol.1 - Actualité manga
Ragnagna et moi Vol.1 - Manga

Ragnagna et moi Vol.1 : Critiques Jour 1

Seiri-chan

Critique du volume manga

Publiée le Jeudi, 18 Mars 2021

Né en 1984, Ken Koyama est un mangaka professionnellement actif depuis 2014. Doté d'un style bien à lui, que certains pourraient qualifier d'épuré ou de minimaliste, l'artiste s'est spécialisé dans les tranches de vie teintées d'humour. Son œuvre la plus longue demeure, à ce jour, Ragnagna & Moi, un manga initialement publié dans le magazine Comic Beam sous le titre Seiri-chan. Le titre s'est achevé au terme de quatre volumes, l'ultime opus ayant été publié en novembre 2020 au Japon. Chez nous, c'est en ce mois de mars 2021 que l'oeuvre est lancée, sous l'égide de l'éditeur Ki-oon, ce qui est aussi l'occasion de découvrir Ken Koyama dans nos contrées.

On concède volontiers à l'éditeur français sa volonté de sortir régulièrement de sa zone de confort et de parler à différents lectorat. Les œuvres de Gô Tanabe tirées des récits de Lovecraft en est une preuve, et on pourrait pousser la réflexion de cette démarche en la centrant sur les grands formats publiés. Bien souvent, ces titres visent un public pas systématiquement aficionados du manga, et le présent titre en est une autre preuve.

Ragnagna & Moi n'est ni plus ni moins une tentative de dépeindre des quotidiens différentes, et les rapports aux menstruations. Dans une œuvre où chaque chapitre se penche sur un cas précis et des personnages différents, Ragnagna est représenté sous la forme d'une créature hybride, très humanoïde, débarquant dans le quotidien des personnes concernées quand le moment du mois est arrivé. Et la bestiole est toujours très énergique quand il s'agit de provoquer les symptômes des règles. De leurs côtés, les femmes de cet opus doivent composer avec leur quotidien malgré la situation.

Dans ce premier tome, Ken Koyama s'essaie à un exercice délicat : Dépeindre le quotidien de femmes qui vivent leurs règles, via des cas de figure différents. Le fait qu'un homme soit en charge d'un tel travail peut s'avérer étonnant : Il n'est pas directement concerné, n'a pas vécu ces situations, et n'est pas forcément le plus avisé pour traiter ce sujet. Pourtant, la démarche se montre on ne peut plus sincère tant le récit évoque une certaine documentation, bien visible lorsque le mangaka s'attaque à la réalité historique derrière la place des règles et des femmes dans la société. A deux reprises, l'auteur s'intéresse à deux cas liés aux règles dans l'Histoire nippone, deux épisodes sources d'enseignement et qui montrent la sincérité qui semble exister derrière la démarche de l'artiste.

Puis, au-delà de la simple tranche de vie amusante, il y a une volonté de parler au plus grand nombre d'un sujet qui pourrait être encore tristement qualifié de tabou. L'artiste le fait de manière libérée, sans muselière aucune, et honore le défi de mêler des discours pleins d'ouverture à une patte comique omniprésente. Celle-ci est avant tout caractérisée par le fameux Ragnagna, cet être étrange qui rend visite aux personnes menstruées une fois par mois, et qui jongle entre le bon camarade capable de conseil et l'intrus qui n'hésite pas à entraver le quotidien des ses cibles. Parfois clope au bec et régulièrement sans-gêne, ses apparitions sont toujours un moyen pour l'auteur d'amuser par l'absurde. Et à ce titre, sa patte graphique s'avère assez idéale : Outre sa manière de croquer simplement le quotidien, elle constitue un habile ressort humoristique.

Mais outre le récit comique, ce sont les discours qui font mouche. Pour un lecteur non impacté par le « phénomène », Ragnagna & Moi est parfois source d'enseignement. Le ton du récit va d'ailleurs en permanence dans ce sens, en mettant l'accent sur l'incompréhension d'une gente masculine à la ramasse pour comprendre ces petits tracas mensuels. En filigrane, on pourrait même dire que l'auteur a conscience de qui il est, et quelle est sa place. Et en dehors du focus sur les règles, c'est tout simplement un propos sociétal pertinent que vient aborder Ken Koyama, puisqu'il aborde de manière subtile le rapport de chacun au corps et à autrui voire le regard qu'a la société sur nous par les normes qu'elle a érigé. La formule un chapitre = une histoire a donc du sens, puisqu'elle permet d'aborder différents sujets et ainsi permettre au manga de se renouveler.

Entre tranche de vie désopilante et portrait de notre société patriarcale et trop codifiée, Ragnagna & Moi se présente donc comme une lecture d'une belle finesse et d'intérêt publique, à travers un premier tome qui utilise très bien sa formule pour évoquer bien des sujets. Le titre de Ken Koyama, c'est le discours plein d'enseignement sur les règles d'une part, le récit humoristique souvent absurde de l'autre, mais aussi une toile de société qui, on l'espère, prendra encore plus de couleur dans les trois opus suivants.

Côté édition, comme évoqué précédemment, c'est le grand format qui a été choisi par Ki-oon. Outre le papier épais de belle qualité de l'ouvrage, on saluera tout le travail sur la couverture, composée d'un papier mât sur lequel s'exercent différents effets de reliefs et de vernis sélectifs. C'est très joli, et donne du cachet à une jaquette qui peut paraître austère à première vue.
La traduction a été confiée à Sophie Piauger, cette dernière livrant un texte très efficace dans ses tons.
  

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Takato
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs