Pupa Vol.3 - Actualité manga
Pupa Vol.3 - Manga

Pupa Vol.3 : Critiques

Pupa

Critique du volume manga

Publiée le Vendredi, 31 Mars 2017

Utsutsu aurait pu ressortir brisé, voire dégoûté en apprenant quelle est la vraie nature de sa "petite soeur" adorée Yume, qui est en réalité une pupa et la raison pour laquelle sa mère est partie. Il aurait pu être effrayé en la voyant devenir un monstre. Mais il n'en est rien, car au fil des années il a bâti avec elle le plus fort des liens, et il a fait le choix de la protéger quoiqu'il arrive, quitte à en souffrir. A présent qu'il connaît une bonne partie de la vérité, il veut aider Yume à retrouver Yu... mais le pourra-t-il ? En effet, les menaces arrivent sur l'île. Il y a d'abord son père, qui débarque avec la mission d'éliminer Yume. Puis il y a surtout Maria, dont les expériences confinant à la folie et à l'amoralité n'ont pas de limites : après avoir fécondé l'ovule de Yume avec le sperme d'Utsutsu, et avoir implanté l'embryon dans son utérus, elle s'apprête à mettre au monde un monstre, et débarque pour cela sur l'île, l'être qui est en elle semblant attiré par ses deux "parents"...

Après deux premiers pavés captivants dans leur genre, pupa vient s'achever avec un troisième tome de 450 pages au fil desquelles Sayaka Mogi va complètement au bout de ses idées, en repoussant encore les limites du dérangeant, de la cruauté et du dramatique.

Pourquoi Utsutsu a-t-il survécu au virus Pupa alors qu'il n'est qu'un humain ? Pourquoi Yume avait-elle si longtemps oublié Yu ?  Pourquoi reste-t-elle attachée à son "frangin" même après avoir retrouvé la mémoire ? Quel mal ronge exactement le jeune garçon, qui voit à son tour son propre corps se détériorer et perdre de son humanité ? Le récit répond à toutes les dernières interrogations, et se paie aussi le luxe de relancer la tension et le tragique de la situation, car à cause de son état, Utsutsu ne risque-t-il pas de mettre en danger celle qu'il veut pourtant protéger ?

Dans ce dernier pavé, une notion se dégage plus qu'auparavant : celle de famille.
En premier lieu, il y a évidemment la relation entre Utsutsu et Yume, dépassant toujours plus voire sublimant le cadre d'un lien frère/soeur qu'ils ne sont pas vraiment.
Mais il y a aussi la découverte un peu plus approfondie du père, Onijima, dont le passé terrible (et en lien étroit avec le reste) l'a conditionné dans le plaisir qu'il ressent en faisant saigner et crier les êtres qui lui sont chers. Lui qui n'a jamais été aimé, ne sait pas comment aimer, mais aime pourtant son enfant.
Il y a, enfin, la question du monstre que Maria va mettre au monde. Un monstre qui est l'enfant d'Utsutsu et Yume. Un monstre très loin d'être si monstrueux que ça, et qui l'est sans doute moins que certains humains déviants et sans morale de la série. Tout le passage mettant en avant cette créature est parfaitement mené en soulevant certaines choses. Tandis que l'on découvre l'innocence attachante de ce "monstre", Utsutsu s'interroge : peut-il accepter d'être père, sachant qu'il pourrait reproduire les horreurs de son propre paternel ? Et Yume dans tout cela ? Hé bien, son rôle de "mère" est riche de sens : il confirme qu'elle, la pupa, le monstre, s'est humanisée, elle le prouve en protégeant son "enfant" au péril de sa vie.

La cruauté imprègne encore constamment les pages, la souffrance aussi, tant les personnages, et pas seulement Utsutsu, semblent devoir souffrir et faire souffrir pour protéger les êtres chers dans ce monde impitoyable où la barbarie des hommes n'est jamais loin. Ce qui ressort de plus fort reste toutefois bel et bien le lien puissant qui existe entre Utsutsu et Yume, un lien dépassant le cadre des espèces, faisant fi des statuts d'humain ou de "monstre", et fusionnel jusqu'au bout. Yume est le rêve d'Utsutsu, qui lui permet de passer outre la réalité cruelle du monde (ce n'est sans doute pas pour rien qu'elle s'appelle Yume, soit "Rêve" en japonais). Les dernières pages muettes sont alors impeccables, en évoquant sans un mot, simplement par la force des images, le lien de ces deux êtres qui ont grandi ensemble et qui "écloront" ensemble.

La symbolique de la chrysalide reste omniprésente et est parfaitement utilisée, jusque dans le passage avec Utsutsu et son "enfant", où la maison semble tel un cocon où ils pourraient vivre loin de tout heurt. L'atmosphère dans la lignée des oeuvres les plus déviantes de Ranpo Edogawa ne manque pas de se confirmer encore, avec ce lot de sensualité macabre, et surtout ces déviances humaines et ces monstruosités venues s'immiscer dans la réalité de façon étrange et inquiétante en brouillant les pistes entre l'humain et le monstre. Notons aussi le nom d'Onijima : Oni signifiant "démon" et jima "île", difficile de ne pas y voir une autre référence au roman "Le démon de l'île solitaire".

Les visuels de Mogi restent un régal pour l'ambiance, pouvant passer de la plus franche cruauté sanglante à une certaine douceur presque pure. Pour cela, l'artiste joue à nouveau très bien avec le blanc et le noir qui se mêlent ou s'opposent, le design de ses personnages humains ou monstrueux, la richesse parfois folle de ses planches. On appréciera aussi les quelques variations dans la narration : on ne suit pas uniquement les pensées d'Utsutsu, mais aussi parfois celles de Yume par exemple, ou même celles de leur enfant dont le côté assez innocent ressort alors d'autant mieux, tant il semble simplement vouloir rester avec son "papa" et être heureux avec lui.

Après 380 pages, on retrouve une nouvelle fois trois chapitres bonus. Celui centré sur le passé de Maria et de son "acolyte" (qui est bien plus que cela) est intéressant afin de mieux cerner la demoiselle et d'observer encore des déviances humaines jouant sur les notions de morale et de loi, et Sayaka Mogi dit d'ailleurs qu'elle considère ce chapitre comme un passage à part entière de l'histoire. Le chapitre sur Yu est lui aussi intéressant, et le chapitre fait de strips humoristiques vient joliment refermer l'oeuvre.

Au final, pupa est une oeuvre qui sera restée fidèle à elle-même d'un bout à l'autre. Sayaka Mogi y a développé sans faillir un récit à l'atmosphère forte, dont les aspects déviants, malsains, crus et gores (et donc à ne pas mettre entre toutes les mains) ne plairont pas à tout le monde, mais qui est sans doute avant tout un portrait beau, touchant et riche de sens d'êtres au lien fusionnel d'une grande puissance et à même de dépasser les frontières dites de la "normalité".


Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
17.5 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs