Pour le pire Vol.1 - Actualité manga
Pour le pire Vol.1 - Manga

Pour le pire Vol.1 : Critiques

Natsume Arata no Kekkon

Critique du volume manga

Publiée le Lundi, 22 Mars 2021

Tarô Nogizaka fait partie de ces mangakas auxquels les éditions Glénat sont très fidèles, en continuant de publier en France quasiment tous ses travaux. Il y a d'abord eu, entre 2008 et 2013, la longue série médicale en 25 tomes Team Medical Dragon, où il n'était que dessinateur. Puis sont arrivés l'excellent polar La Tour Fantôme en 2014-2015, et, de 2017 à 2019, Le 3e Gédéon, un récit sur fond d'Histoire de France possédant aussi d'indéniables qualités, même s'il ne semble pas vraiment avoir trouvé son public dans notre pays. Et en ce mois de mars 2021, voici donc qu'arrive dans notre langue la toute nouvelle oeuvre du mangaka: Pour le pire, un titre français très bien trouvé au vu du sujet !

De son nom original Natsume Arata no Kekkon (littéralement "Le mariage de Natsume Arata"), cette série est en cours de parution au Japon depuis juillet 2019 dans les pages du magazine Big Comic Superior de Shôgakukan, magazine dont sont aussi issues toutes les précédentes séries de l'auteur ainsi que des titres connus comme Ki-itchi!, Gigant, Les liens du sang ou encore Sanctuary.

"Bozo Shinagawa". Tel est le surnom d'un serial killer ayant sévi il y a quelque temps, et ayant tué trois voire quatre personnes, à savoir uniquement des hommes dans la trentaine ou la quarantaine, à qui tout semblait réussir, et dont les membres n'ont pas tous pu être retrouvés. Le signe particulier du tueur ? Eh bien, il s'agissait en réalité d'une jeune femme, Shinju Shinagawa, à assez forte corpulence et partiellement édentée, qui se grimait en clown (d'où son surnom de "Bozo") et qui fut finalement arrêtée à 20 ans alors qu'elle découpait un corps dans son studio avec une scie à métaux, ce qui a défrayé la chronique.

Natsume Arata ne s'imaginait sans doute pas être mêlé de près à cette affaire un jour: travaillant dans une agence sociale d'aide à l'enfance, cet homme ne hait rien de plus que les bourreaux d'enfants, quitte à même parfois péter des câbles quand il se retrouve devant des adultes malmenant des gosses. A tel point qu'il le dit lui-même: il n'est pas fait pour ce travail et aimerait bien démissionner, car il tend à être agressif avec les sales adultes et a donc des méthodes pas toujours très légales où il défie les procédures. Ainsi, il a beau avoir du respect pour son chef et pour sa collègue Momo, il est plutôt du genre à jouer des poings pour régler les situations critiques et urgentes.

C'est en acceptant une demande de Takuto Yamashita, gamin de 14 ans et fils d'une des victimes de Shinagawa, que le sanguin assistant social se retrouve mêlé à la tueuse: la tête du père de Takuto n'a jamais été retrouvée, si bien que l'enfant essaie de savoir où elle se trouve, en entretenant une relation par lettres avec la tueuse, en lui faisant croire qu'il est complètement fan d'elle voire qu'il est sous son charme... Mais le jour où Shinagawa lui demande de venir la voir à la salle de visites de la prison, c'est forcément à Arata que le jeune garçon confie cette mission. Incapable de dire non à un gosse qui essaie de se reconstruire (et qui semble s'être un peu trop pris au petit jeu des lettres), Arata accepte... mais à quel prix ?
Arrivé à la prison, le jeune homme, en lieu et place d'une criminelle bedonnante, découvre une jeune femme de 24 ans mince comme tout, semblant même frêle, et à des années-lumière du monstre qu'il pensait voir. Qui plus est, celle-ci montre un esprit particulièrement acéré, et son avocat Koichi Miyamae pense même qu'elle est innocente, au point d'avoir poussée sa cliente à faire appel de son jugement.

Alors, où est la tête du père de Takuto ? Et cette fille est-elle coupable et innocente de tout ce dont on l'accuse, alors qu'elle-même ne dit absolument rien qui pourrait aller en sa faveur ? Pour essayer de percer le mystère de Shinju Shinagawa, gagner sa confiance et la pousser à révéler ce qu'il veut, Arata ne trouve alors rien de mieux que de lui dire qu'il est amoureux d'elle, et qu'il veut se marier avec elle dès qu'elle aura été innocentée. Bien sûr, notre héros, au départ, n'imagine aucunement que cette fille puisse être innocentée. mais ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que Shinju s'accrocherait énormément à cette étonnante demande en mariage...

Voici qui pose les bases d'une histoire semblant vouée à aller assez loin dans son idée, au vu de ce premier volume déjà particulièrement emballant, en ceci que Nogizaka y joue très bien sur l'ambivalence de son anti-héroïne, qu'il est pour l'instant tout bonnement impossible de réellement cerner, mais qui happe déjà entièrement le lecteur tout comme elle happe bien malgré lui Arata. Rapidement, au fil des visites d'Arata en prison, on découvre en Shinju une jeune femme assez fascinante dans son genre, car maligne, dotée d'un esprit acérée, ayant plus d'une parole déstabilisante où elle semble tantôt presque pure et touchante, tantôt manipulatrice... Elle est ainsi fascinante, mais aussi effrayante, que ce soit pour cette façon d'être assez ambiguë, ou pour l'emprise qu'elle parvient à exercer sur Arata et sur Miyamae depuis la prison au gré de ses joutes verbales assez psychologiques, où c'est celui qui aura les meilleurs mots qui pourrait s'en sortir... En cela, le récit s'avère déjà très bien écrit (et, donc, également très bien traduit), en ayant même quelques vagues accents d'oeuvres comme Le Silence des Agneaux de par l'esprit de la supposée meurtrière.

Si la lecture captive déjà, c'est aussi à travers ce que l'on découvre petit à petit de Shinju, et ce que l'on entrevoit d'évolution en Arata, évolution dont lui-même n'a pas tout de suite conscience. Comme déjà dit, notre héros est censé avoir face à lui un monstre, mais trouve une jeune femme si frêle qu'on se demande bien comment elle aurait pu découper des corps à la scie. La concernant, il y a sur elle autant d'éléments confirmant son identité (comme sa dentition partielle si bien exploitée visuellement par l'auteur, ou le fait qu'elle sache où se trouvait le bras d'un autre cadavre) que d'éléments plus troubles qui tendent à dire le contraire, si bien que le doute est permis: est-elle bien Shinju Shinagawa ? Si oui, est-elle bien la coupable des meurtres, ou les a-t-elle juste découpés une fois les victimes mortes ? Et si ce elle n'est pas coupable, pourquoi ne dit-elle rien qui pourrait jouer en sa faveur ? Que recherche-t-elle ? Miyamae dit lui-même qu'elle a en réalité un coeur très fragile. Et puis, elle semble croire en la sincérité d'Arata et vouloir lui faire confiance... à moins qu'elle ne joue un double-jeu pour se sortir de prison ? Dans tous les cas, Arata joue un jeu dangereux: il veut d'abord essayer simplement de savoir où est la tête sans le dire clairement, pousser Shinju à lui faire confiance tout en évitant d'aider son avocat, et la laisser en plan dès qu'il aura l'information qu'il veut. Mais Shinju étant bien plus avisée que prévu, la tâche est plus difficile à faire qu'à dire, d'autant que le doute pourrait clairement s'immiscer en notre héros dès lors que, par l'intermédiaire de Miyamae, il en apprend plus sur l'enfance de la jeune femme, l'une de ces enfances terribles qui ont le don de lui faire péter des câbles. Dans le fond, serait-elle simplement une fille qui, telle un enfant maltraité, ne saurait pas comment se faire aimer ?

Il y aurait encore pas mal de petites choses à dire: la petite mise en avant du travail d'assistant social, la vision du travail d'avocat que dégage Miyamae, la présence de thématiques (les masques que l'on se met, le double-jeu, les vérités bien cachées...) et d'ambiances (un peu déviantes et ambiguës) souvent présentes dans les séries de l'auteur, et bien sûr l'excellente patte visuelle immédiatement reconnaissable. mais l'essentiel est dit: difficile de ne pas accrocher à ce premier tome qui pique très bien la curiosité, ne serait-ce que par l'étrange pouvoir d'attraction qu'exerce cette anti-héroïne ambiguë dont on a vite envie de tout savoir.

Cette chronique ayant été faite à partir d'une épreuve numérique fournie par l'éditeur, pas d'avis sur l'édition.
   

Critique 1 : L'avis du chroniqueur
Koiwai
16 20
Note de la rédaction
Note des lecteurs